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Auvergne-Rhône-Alpes : la sécurité, vrai faux sujet des élections régionales

À l’entendre entonnée telle une rengaine par les plus médiatiques des candidat·es aux élections régionales en Auvergne-Rhône-Alpes, on pourrait penser que la sécurité est une compétence directe de la collectivité. Ce qui n’est pas le cas.

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Najat Vallaud-Belkacem

Tout le monde le sait et, pourtant, le thème infuse les programmes, devenant à droite comme à gauche « une priorité, oui ». Devant les TER, les lycées ou encore la formation professionnelle des demandeurs d’emploi.

Passer pour des inconséquents ? Il ne manquerait plus que ça. Alors qu’elle peine à faire vivre sa campagne en Auvergne-Rhône-Alpes, la candidate du PS, Najat Vallaud-Belkacem (NVB), en a parlé dès le deuxième chapitre de la présentation de son programme (à Lyon, le 17 mai dernier). Juste après un « grand plan pour l’emploi des jeunes ».

L’ancienne ministre de François Hollande a décidé de faire grand cas de la sécurité au point d’adjoindre un « s » au terme, préoccupée par tous les types d’incivilités, sectarismes ou maux contemporains. Sur un ton qui cherchait à convaincre, peut-être aussi bien elle-même que son auditoire de militants et de journalistes venus en rangs serrés dans un salon du Mob Hotel, elle a lâché un « oui, la sécurité nous préoccupe ».

Opération sauvetage et triangulation pour Najat Vallaud-Belkacem

Et ce qui l’avait irritée tandis qu’elle était ministre de l’Éducation nationale de François Hollande est devenu une priorité pour elle. Les caméras de surveillance dans les lycées installées par Laurent Wauquiez ? Non seulement elles sont désormais bien là où elles sont, mais il eût en plus fallu faire davantage. Selon l’audit de NVB, beaucoup d’entre elles ne seraient pas reliées à des postes de police -ce qui les rend inopérantes. Elle présidente, la liaison serait aussitôt faite.

Najat Vallaud-Belkacem
Le 16/04/2021 à Villeurbanne (69), Najat Vallaud-Belkacem en campagne. ©HoucineHaddouche/Rue89Lyon

Pour aller plus loin, NVB imagine lancer une brigade d’agents « de sécurité et de civisme » aux abords des lycées, afin d’en protéger les élèves. La candidate socialiste n’a pas fourni de détail sur la formation ni la compétence attribuées à ces 1000 personnes qu’elles promet d’embaucher et qui n’auraient, de fait, aucun pouvoir policier. Ni de légitimité d’action autoritaire ou médiatrice auprès de la population.

Pour rester dans l’air du temps, NVB a prévu un plan anti-rodéos (ces courses et démonstrations de motocross qui ont lieu parfois en pleins boulevards urbains ou places centrales).

Avec ces mesures, la candidate socialiste opère une triangulation classique, tentant de placer son programme au-delà des clivages classiques droite-gauche. Cela porte-t-il ses fruits ? À ce jour, les sondages comme la chronique médiatique interrogent la présence même de NVB au second tour, avec le risque que la candidate ne dépasse pas le seuil de 10% des voix.

Qui a la plus grosse sécurité ?

Laurent Wauquiez à l'Embarcadère, le 7 juin 2021, présentation de son programme. ©DD/Rue89Lyon
Laurent Wauquiez à l’Embarcadère, le 7 juin 2021, présentation de son programme. ©DD/Rue89Lyon

Sans surprise, il l’a lui-même dit lors de la présentation de son programme ce lundi 7 juin, Laurent Wauquiez a fait de la sécurité sa « priorité numéro 1 ». Elle passe avant tous les thèmes et les compétences que possède une collectivité régionale. Du côté de l’actuel président d’Auvergne-Rhône-Alpes et candidat Les Républicains, on a développé la même idée de brigade aux abords des lycées que chez NVB. Il imagine mettre en selle « d’anciens policiers ou gendarmes » (à la retraite ?).

Faisant la course en tête, fort de sondages et d’études favorables, Laurent Wauquiez s’est donc donné la peine de présenter un programme, soit un quasi plan de deuxième mandat dans la continuité du premier, assorti d’une feuille de route politique.

Il s’est octroyé de nouvelles marges de manœuvre en matière de sécurité, énoncées au milieu de positions de principe anti-islamistes, anti-communautaristes, etc. Estimant au passage que ceux à qui incombe le sujet, au plus haut sommet de l’État, ne feraient pas le travail.

Le tout doit quand même se déployer dans son périmètre d’action, c’est à dire dans les gares au départ des trains régionaux, où il espère intégrer un système de reconnaissance faciale (pour repérer spécifiquement des « terroristes » nécessairement « islamistes »). Une lutte anti-racket des lycéens pourrait se mener via des caméras installées dans les cars régionaux, pour parfaire l’attirail sécuritaire.

On y retrouve aussi la police ferroviaire, dont l’effectif sera doublé.

De quoi dépenser 300 millions d’euros au total, promesse faite, dans le courant d’un éventuel deuxième mandat.

Aucun lieu placé sous la bannière « Auvergne-Rhône-Alpes » n’a été oublié. Si ce ne sont les lieux de formation pour les demandeurs d’emploi qui, eux seuls, n’ont pas été évoqués, malgré le fait qu’il s’agisse d’une compétence régionale.

Les plans anti-méchants pour Auvergne-Rhône-Alpes

Pour résumer, un plan anti-rodéos chez Najat Vallaud-Belkacem, un autre anti-racket chez Laurent Wauquiez. On relève dans la foulée le projet « anti-racailles » imaginé par Andrea Kotarac, candidat du Rassemblement national (RN).

Une idée qu’il développerait dans les lycées, bien entendu, car le conseiller régional autrefois encarté chez LFI et désormais transfuge chez Marine Le Pen, connaît son petit guide de la Région. Lui revient la palme des mots les plus violents et du vocabulaire le plus familier, puisqu’il s’agit de se différencier dans un maelstrom emportant quasi tout le monde.

Pour Cécile Cukierman, candidate PC-LFI, « la sécurité est un sujet d’actualité réel qu’il ne faut pas balayer d’un revers de manche ».

Mais elle ne s’attribuerait pas la compétence, et préfère replacer le sujet dans les mains de l’État, en apportant toutefois une contribution. Elle présidente, la conseillère régionale communiste imagine « recenser dans tous les commissariats de la région les manques d’effectifs comme d’équipements » pour s’en faire la porte-voix.

Redonner des crédits aux associations, autre option du thème « sécurité »

Selon Cécile Cukierman, les caméras et les portiques installés par Laurent Wauquiez n’ont en rien réglé le problème de l’insécurité ou le sentiment qu’il suscite durant ce mandat de cinq ans. Ce qu’assène également NVB, qui estime que les portiques devant les lycées créent des attroupements dangereux en cas d’attaque et que, pour la plupart, ils ne sont d’ailleurs plus réellement mis en fonctionnement.

L’écologiste Fabienne Grébert, également conseillère régionale d’opposition, tente de ne pas se laisser emporter et poursuit quant à elle une campagne, lancée il y a de nombreux mois, de candidate sagement studieuse voire laborieuse. Mais difficile de ne jamais se placer en vis-à-vis des autres. Lors de la présentation d’éléments de programme, le 26 mai dernier, c’est une de ses colistières qui a pris en charge le propos.

Anaïs Widiez, gérante d’une épicerie « zéro déchet » qui explique s’être reconnue dans les valeurs « écoféministes » d’EELV, a entamé son propos avec un rire gêné, déclarant qu’elle comptait elle « aussi, parler de sécurité ». « Mais sous un autre angle ».

Elle s’est dite surprise de ne pas entendre ses adversaires sur l’insécurité liée au genre, aux discriminations, au racisme. « Un angle mort », qualifie Anaïs Widiez, qui voudrait agir sur les causes et les racines des problèmes, en ré-attribuant des financements aux partenaires et associations. « Ils sont confrontés à ces problématiques tous les jours, sur le terrain, avec peu de moyens, pour lutter contre les préjugés, le harcèlement », juge-t-elle.

La police et « en même temps » l’éducation au civisme

Bruno Bonnell, le candidat du parti présidentiel LREM, n’est pas loin d’être d’accord avec les candidates écologistes. Pour cela, il convoque le souvenir de son « médecin de famille » qui lui aurait soufflé un sage conseil maintenant appliqué à son programme : ne pas « confondre les causes et les symptômes d’une maladie ». Pour lui, les problèmes sont dus à des politiques publiques qui ont « abandonné le civisme ».

Sur une petite vidéo dédiée au thème de la sécurité, le député LREM ne résiste pas au « en même temps » cher à Emmanuel Macron. « En même temps qu’il faut apporter du soutien aux polices municipale et nationale », il convient selon Bruno Bonnell d’investir dans le développement de l’éducation au civisme, « car si on ne change pas ce qu’il y a dans la tête des gens, les brigades, les milices ne serviront à rien ».

Comme il l’avait développé lors de la campagne législative -qui l’avait d’ailleurs déjà opposé à NVB à Villeurbanne-, Bruno Bonnell reprend son idée de Service National Universel pour tous les jeunes de 16 ans.

Lui président, il gérerait donc la question sociale « en bon père de famille », selon ses propres termes. Une forme de consensus qui avait déjà fait du mal à NVB lors de leur match électoral en 2017.

Tous les thèmes reliés à la sécurité permettent encore une fois de polariser les candidatures et de confirmer les postures politiques, dans une campagne où les sujets techniques font décidément moins d’audience.


#Auvergne-Rhône-Alpes

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