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Gilets jaunes : quelle forme prend désormais le mouvement à Lyon ?

Les gilets jaunes sont dans la rue depuis plus de deux ans. Ce samedi 29 mai, une nouvelle manifestation régionale des gilets jaunes aura lieu à Lyon, pour un « acte 133 ». Où en est le mouvement aujourd’hui, qui le forme ?

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Gilets jaunes Lyon place Bellecour

Plus de deux ans après le début du mouvement, ces manifestant·es qui se sont présenté·es sous les termes de « gilets jaunes » continuent à compter en « actes ». Ce 29 mai, ce sera le 133ème samedi que les gilets jaunes passeront à arpenter le centre-ville de Lyon, pour une mobilisation régionale prévue au départ de la place Bellecour.

Depuis le 17 novembre 2018, force est de constater que les rangs se sont clairsemés. Au fil des mois, les personnes investies semblent lassées de n’avoir vu aucune de leurs revendications aboutir, ou découragées par la violente répression policière à leur encontre.

Les militant·es et les revendications ont évolué aussi, dans un contexte de convergence inédit qui a fait souffler un vent d’espoir sur le mouvement, tout du moins jusqu’à la crise sanitaire. A la veille de ce 133ème acte à Lyon, que sont devenus les irréductibles gilets jaunes du début ?

Gilets jaunes Lyon place Bellecour
Rassemblement des « gilets jaunes » à Lyon place Bellecour pour les un an du mouvement, le 16 novembre 2019.Photo : LB/Rue89Lyon

« Le gilet jaune est parfois lourd à porter »

Avec ses cheveux blonds, sa cravate et son costume, Warren Dalle est devenu une figure incontournable du mouvement des gilets jaunes à Lyon. Modérateur du groupe Facebook de « gilets jaunes Lyon centre », son rôle a pris de plus en plus d’importance.

Aujourd’hui âgé de 25 ans, le jeune homme, par ailleurs étudiant en licence de droit et sciences politiques à l’Université Lyon 3, a décidé de prendre de la distance avec le mouvement.

« A cause de la médiatisation, il y a eu des batailles d’égos à Lyon. J’ai aussi reçu 23 menaces de mort, dont je ne connais pas la provenance. Elles me disaient de faire attention en rentrant de manif, que je risquais de me faire égorger dans une rue… Puis j’ai eu un appel du pied de la France insoumise. Finalement, par respect pour le mouvement des gilets jaunes, je me suis retiré. »

Pour Mathilde*, de l’ « assemblée générale des gilets jaunes de Lyon et environs », dans la rue et sur les ronds-points depuis le 17 novembre 2018, le mouvement est toujours bien présent, mais peut-être moins visible. Certain·es militant·es ont en effet préféré tomber le gilet, explique-t-elle :

« Il y a des gens qu’on retrouve en manif, qui ont manifesté avec les gilets jaunes depuis le début mais qui ne portent pas le gilet. Le gilet jaune est parfois lourd à porter. »

Son collègue Matthieu*, de l’assemblée générale également, abonde :

« Encore le 1er mai, à Lyon, la CGT a traité le cortège de tête, dans lequel il y a des gilets jaunes, d’homophobes, de racistes, de fascistes… Ils ont repris les arguments de BFM TV au début du mouvement. Aujourd’hui, dès qu’il y a un peu de violence, on parle de « giletjaunisation »… »

Tous tombent d’accord sur la principale cause d’essoufflement du mouvement : la répression policière qui s’est abattue avec violence sur les gilets jaunes de toute la France (lire ici). Warren Dalle en garde un souvenir cuisant :

« A 70 %, c’est la répression policière qui a découragé des gilets jaunes. Plus personne ne veut prendre le risque de perdre un œil ou une main. Pourtant, au début du mouvement, on chantait « la police, avec nous ». C’était une autre époque. »

Et Lyon n’a pas fait exception avec de nombreux manifestant·es ayant perdu un œil ou un membre, arrachés par des tirs de LBD ou de grenades, dont les auteurs n’ont pour l’immense majorité pas été sanctionnés par la justice (lire ici).

Des convergences loupées à Lyon ?

Convergence ? Jusqu’à la crise sanitaire, le mot en a fait rêver beaucoup. En 2019 déjà, le mariage attendu entre gilets jaunes, rouges (les syndicats) et verts (les écologistes) a fait couler beaucoup d’encre. Dans la réalité, si les gilets jaunes se disent attachés à cette convergence, certain·es, comme Warren Dalle, estiment qu’elle n’a pas été très équilibrée :

« A Lyon, on a beaucoup travaillé à cette convergence, malgré la peur de gilets jaunes de tous bords d’être invisibilisés. On pensait que c’était nécessaire pour que le mouvement dure. Les gilets jaunes ont beaucoup rejoint les marches climat, mais on n’a pas eu beaucoup d’écolos en retour. Avec les Jeunes pour le climat, par contre, c’est une convergence qui a marché du feu de Dieu ! »

Depuis, les gilets jaunes font désormais partie des habitués des mobilisations, des actions contre la réforme contre l’assurance chômage à celles contre la loi dite « de sécurité globale » en passant par les mobilisations pour réclamer plus de moyens pour l’hôpital public.

Mathilde* et Matthieu* évoquent aussi des gilets jaunes de Lyon et alentour, que l’on ne voit plus forcément dans la rue lors des mobilisations du samedi, mais qui se sont concentrés sur d’autres actions. Certain·es, en accord avec les revendications qui leur tiennent le plus à cœur, se sont spécialisés dans les actions sur les péages d’autoroute, d’autres militent en particulier pour des transports en commun gratuits à Villeurbanne…

Si moins de militant·es sont présent·es dans la rue, Mathilde* note que leur profil est toujours aussi hétéroclite :

« Ce qui m’a toujours frappée, depuis le début du mouvement et jusqu’à maintenant, c’est que ce mouvement rassemble tout le monde. Jeunes, moins jeunes, femmes, personnes âgées, chômeurs, ceux qui travaillent… C’est vraiment ça l’essence de ce mouvement. A l’heure actuelle, on l’a encore, quelque soit le nombre. »

« On a peut-être perdu la petite partie de CSP+ qui étaient là au début du mouvement », précise Matthieu* après un instant de réflexion.

« A Lyon, beaucoup de gilets jaunes en ont fait une affaire personnelle avec Emmanuel Macron »

Au début du mouvement, les gilets jaunes étaient raillés pour leur appartenance supposée à l’extrême-droite ou leur opposition supposée là aussi aux questions écologiques. Aujourd’hui encore, ces critiques font bondir Matthieu* :

« En février 2019, nous avions listé 47 revendications pour être notre trame de départ. Il y avait déjà des revendications écolos : la création d’États généraux sur la transition écologique qui ressemblaient beaucoup à la Convention citoyenne pour le climat. Il y avait aussi des revendications sur une consommation responsable, la fin du glyphosate et des pesticides, l’aide à l’agriculture paysanne, la fin du plastique… Et l’antifascisme aussi était présent : la revendication numéro 20, c’était la lutte contre le fascisme. »

Plus de deux ans plus tard, les revendications n’ont pas bougé d’un iota. Mais les gilets jaunes reconnaissent amèrement qu’aucune n’a abouti, à l’exception de la « prime gilets jaunes » à l’égard de laquelle ils se montrent très critiques. Cet échec n’a pas entamé la détermination du noyau dur du mouvement. Au contraire, affirme Matthieu* d’un ton sec :

« A la sortie du premier confinement, s’est formé un noyau dur qui restera jusqu’à la fin. A Lyon, beaucoup, dont moi, en ont fait une affaire personnelle entre eux et Emmanuel Macron. On en est là. »

Entre LREM et le RN, une troisième voie est-elle possible pour 2022 ?

La mobilisation des gilets jaunes semble plus que jamais d’actualité, à l’approche de l’élection présidentielle de 2022. Ce samedi 29 mai, l’acte 133 doit marquer le début du compte à rebours d’un an avant l’élection. Si beaucoup espèrent qu’elle marquera « la fin de l’ère Macron », certains, comme Matthieu*, veulent aller plus loin et rompre définitivement avec le système de démocratie représentative actuel :

« On a appelé l’acte 133 « Un an avant la fin de leur monde », c’est-à-dire un an avant la fin du mandat de Macron. On ne veut ni de LREM, ni du RN [Rassemblement national, parti de Marine Le Pen, ndlr]. On pense qu’il y a une troisième voie. Le quinquennat d’Emmanuel Macron a achevé de démontrer que ce système n’est pas démocratique. On n’est pas en dictature, mais on n’est plus en démocratie. »

Warren Dalle, bien que toujours très attaché au mouvement, estime que ce changement peut passer par les urnes. Il a donc rejoint les rangs de la France Insoumise locale, et a pris ses distance avec les gilets jaunes qui, insiste-t-il, restera un mouvement « très politique mais apartisan ». Contrairement à Matthieu*, il pense qu’il est possible de changer le système actuel de l’intérieur :

« Je ne voulais pas apporter la France insoumise dans le mouvement, mais mettre du jaune dans la France insoumise. Il faudrait une coalition entre les urnes et la rue. »

Mathilde* et Matthieu* comptent bien continuer le mouvement jusqu’au bout, peu importe le nombre de gilets jaunes dans les rues de Lyon :

« Que les gens nous rejoignent dans la rue, on a fait une croix dessus, soupire Matthieu*. Mais j’espère que dans l’urne, ils ne voteront ni pour Macron, ni pour Le Pen. Il y a une troisième voie, et c’est à nous de la construire. »

Plus de deux ans après le 17 novembre 2018, le mouvement des gilets jaunes est toujours aussi insaisissable. Si certain·es militant·es s’en sont éloigné·es pour opter pour des modes d’action moins risqués ou pour se rapprocher du monde politique, d’autres veulent « renverser la table ». Ce samedi 29 mai, quels que soient leurs objectifs, une chose est sûre : un rendez-vous est donné à 14h sur la place Bellecour, comme au démarrage. Des pourparlers sont en cours avec la préfecture pour déterminer le parcours exact de la manifestation.


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Les militants CGT ont représenté le groupe des maigres troupes ce 4 février 2021. Crédit : Pierre LEMERLE/Rue89Lyon.
Manifestation des étudiants pour des conditions de vie décentes à Lyon, le 21 janvier 2020. ©LS/Rue89Lyon

Photo : LS/Rue89Lyon

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