Il est 14h20 lorsque la tête de la marche pour le climat quitte la place Bellecour. Une jeune femme empoigne alors le micro :
« Même si la Convention citoyenne pour le climat a été un échec, il faut rappeler que c’est grâce aux Gilets jaunes qu’elle a été mise en place. Alors, pour commencer la manif, on va leur rendre hommage. »
Du cortège, s’élève tout naturellement le célèbre chant « on est là, même si Macron ne veut pas », bien connu des ténors des ronds-points.
« Ça montre que le mouvement des Gilets jaunes est un mouvement reconnu ! », estime une manifestante en gilet fluo qui prend immédiatement la tête du cortège.
Ce dernier est un peu moins fourni que lors de la manifestation du 28 mars puisqu’il compte 7000 participants contre 10 000 ce jour-là (chiffres organisateurs). La marche pour le climat reste pourtant une des plus grosses manifestations de la période. Avec son parcours ambitieux : une boucle passant par les quais de Saône, les quais du Rhône, pour un retour et une arrivée place Bellecour, elle a duré près de 3 heures.
Marche pour le climat à Lyon : pas de justice climatique sans justice sociale
Pour les organisations écologistes à l’initiative de cette journée du 9 mai, l’hommage au mouvement des Gilets jaunes, né du refus de la taxe carbone, est lourd de sens.
« J’ai senti une évolution chez Greenpeace au moment des Gilets jaunes. Avec ce refus massif de la taxe carbone, l’idée que l’on ne pouvait pas demander aux plus pauvres de faire les mêmes efforts que les plus riches en termes d’écologie s’est affirmée », explique Nicolas Burret, porte-parole de Greenpeace Rhône.
« Je ne sais pas si on peut parler de prise de conscience pour Alternatiba, mais la séquence Gilets jaunes a clairement été l’occasion pour nous de clarifier notre position : non, la justice climatique ne va pas sans justice sociale. Ce sont les plus riches qui polluent le plus et c’est eux qu’il faut avant tout taxer », juge Charles de Lacombe, porte-parole d’Alternatiba Rhône.
Aujourd’hui, les manifestations estampillées « Gilets jaunes », ne sont plus aussi fournies qu’à l’époque et, si l’on trouve quelques gilets fluos dans les rangs des manifestations écolos, ils ne sont plus assez nombreux pour constituer un véritable cortège. Ils ont pourtant laissé des traces : la question sociale est devenue un incontournable de la marche climat.
Plus Jamais Ça : jonction entre écolos et syndicats
La jonction entre question sociale et question écologique est justement au cœur de cette marche pour le climat à Lyon. Ainsi, derrière le maire de Lyon et les cortèges verts de Greenpeace, Youth for Climate ou des Amis de la terre, les drapeaux rouges de la CGT pointent le bout de leur nez.
« Ce n’est pas la première fois que les syndicats appellent à venir à la marche pour le climat, mais c’est la première fois que le collectif Plus Jamais Ça en est le co-organisateur », rappelle Laure Tomczyk, enseignante syndiquée au SNES-FSU et membre de ce collectif.
Né en janvier 2020, « Plus Jamais Ça » a pour ambition de rassembler syndicats dits de « transformation sociale » (FSU, CGT et Solidaires) et organisations écologistes : Greenpeace, les Amis de la terre ou, plus récemment, Alternatiba.
« Avec les syndicats, on gagne une nouvelle légitimité et une plus grande force de mobilisation », affirme Charles de Lacombe d’Alternatiba. Côté syndicats c’est aussi l’occasion de rencontrer des salariés dans un cadre nouveau. « Des stands seront tenus place Bellecour en fin de manif pour que les participants puissent venir nous voir », explique Laure Tomczyk.
Un accord gagnant-gagnant, en somme, qui fait la fierté des organisateurs historiques de la marche. « A la suite de la création de Plus Jamais Ça, je me suis syndiqué », souligne Charles de Lacombe.
Marche pour le climat à Lyon : syndicats et écolos alliance contre nature ?
Sur le papier, tout se tient. « La réflexion écologique doit s’intéresser à la question de la production et donc au monde du travail », résume Nicolas Burret de Greenpeace.
Et les organisateurs de la manifestation ne se privent pas de communiquer à propos de cette nouvelle convergence. Pourtant, dans les faits, les militants syndicaux sont loin de constituer le gros des troupes.
« Il y a déjà tellement de luttes dans lesquelles s’engager… », fait remarquer une cheminote syndiquée CGT et présente à la manifestation.
« Rien que le fait de manifester un dimanche, ce n’est pas dans les habitudes de la CGT. Pour nous une manifestation est souvent reliée à une grève », explique Corinne Duviquet salariée de la poste et impliquée dans l’union départementale (UD) CGT du Rhône et dans le collectif Plus Jamais Ça.
Pas de journée de grève, pas de construction du mouvement dans les entreprises, comme y sont habitués les militants CGT, les cégétistes présents ce 9 mai ont rejoint la marche pour le climat avant tout parce qu’ils étaient déjà sensibilisés à la question écologique.
« Avant j’allais aux marches climat mais sans mon gilet CGT », confirme notre cheminote.
« Pas d’emploi sur une planète morte »
Pourtant, à la CGT, on sent que la question intéresse.
« Au dernier congrès de l’UD, nous avons créé une commission environnement industrie-service public, pour que les salariés de ces secteurs réfléchissent à des solutions communes. Ce n’est pas toujours simple de concilier la question de l’emploi et celle de l’écologie. Bien-sûr qu’il n’est pas question de dire aux salariés de secteurs polluants que leurs emplois vont disparaître et qu’ils vont se retrouver sans rien. En même temps il faut se poser la question : de l’emploi oui, mais pour faire quoi ? », assure Corinne Duviquet.
Conscient que la question de l’emploi est au cœur de la jonction entre verts et rouge, le collectif Plus Jamais Ça a publié, ce 7 mai, un dossier cherchant à les concilier. Il s’intitule : « Pas d’emploi sur une planète morte ».
En banlieue parisienne, Plus Jamais Ça s’est récemment illustré en contraignant le ministère de l’Economie et des Finances à assurer la survie de la papeterie de la Chapelle Darblay, usine de papier 100% recyclé menacée de fermeture. Dans le Rhône, il s’est positionné contre l’implantation d’un nouvel entrepôt Amazon à proximité de l’aéroport Saint-Exupéry. « C’est ce genre d’initiative qu’il faut multiplier à l’avenir », affirme Corinne Duviquet.
> Vidéo de Tao Gassin sur la manifestation de ce dimanche 9 mai
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