“On n’a pas attendu les écolos pour faire la promotion du vélo.”
Le ton est donné. Clotilde Pouzergue (LR) est maire d’Oullins depuis 2017. Elle était déjà dans l’équipe municipale de son prédécesseur, François-Noël Buffet, qui était lui-même maire de la ville depuis 1997.
Quand on demande à la maire d’Oullins si c’est la victoire des écologistes à la mairie de Lyon ainsi qu’à la Métropole qui lui a donné l’envie de cyclabiliser son territoire et de promouvoir le vélo, Clotilde Pouzergue est piquée au vif.
Des politiques en faveur du vélo sont menées depuis 2014 à Oullins, année où la municipalité a décidé de passer le centre-ville en zone 30. La maire précise :
« C’est aussi cette année là qu’on a mis en place les premiers « SAS vélo » (lire encadré) ainsi que les « tourne-à-droite cyclistes » dans la ville. »
À Oullins, ça roule comme à Grenoble
En 2019, c’est toute la ville qui est passée en zone 30.
Clotilde Pouzergue ne pense pas avoir la place de bâtir des pistes cyclables dans toute la ville, notamment sur les grands axes, alors elle prend exemple sur la ville de Grenoble.
Elle a même fait le voyage dans ce qui était, jusqu’en 2020, la plus grande ville dirigée par des écologistes.
Son but : pacifier le partage de la route par un abaissement général des limites de vitesse.
Au micro de Rue89Lyon, la maire décline les autres aspects de sa politique vélo : stages de “remise en selle” pour les adultes, ateliers d’initiation pour les enfants (avec l’association Janus) ou prime de 100 euros pour l’achat d’un vélo électrique. Plus récemment, elle fait voter une prime de 200 euros annuels pour les agents de la ville qui vont au travail à vélo.
« Le REV sur notre territoire ne nous fait pas rêver »
Clotilde Pouzergue -tout comme la Métropole- désire en sus tracer des voies cyclables sécurisées sur son territoire, notamment pour relier les villes avoisinantes ainsi que Lyon. C’est ce que promet le REV : le Réseau Express Vélo voté par la Métropole en janvier dernier. Pourtant la maire d’Oullins est loin de s’en réjouir.
Elle met en avant ses désaccords avec les projets portés par la Métropole écologiste sur son territoire :
“Le REV sur notre territoire ne nous fait pas rêver ».
Elle précise :
Il n’y a pas la place de faire passer le REV par la grande rue d’Oullins comme c’est prévu. Il est question de mettre les voitures en sens unique, ou de raccourcir les trottoirs, et ça, ça ne me va pas.”
Elle propose :
“Il serait envisageable d’utiliser une voirie qui passe par le vallon des hôpitaux et qui évite la grande rue d’Oullins. Mais ce n’est pas ce qui est prévu.”
Pour Fabien Bagnon, vice-président de la Métropole à la voirie et aux mobilités actives, il s’agit d’un arbitrage qui ne peut pas satisfaire tout le monde :
“Ce serait très bien de contourner Oullins en passant par la ViaRhôna. Cependant Marylène Millet [maire de Saint-Genis-Laval] est très attachée à ce que le REV passe par Oullins. Dans Saint-Genis c’est correctement aménagé. A Oullins c’est le capharnaüm des bus, des voitures, il faut une voie tranquille pour traverser la ville car pour faire Saint-Genis-Laval – Lyon, il faut passer par Oullins.”
Et il ajoute :
“Une fois que le métro sera dans le centre d’Oullins, il faudra de toute façon envisager le sens unique dans la rue d’Oullins. Il y a une étude de circulation qui va être réalisée sur la ville, liée à l’arrivée du métro. »
Pour Fabien Bagnon, c’est une question de temps :
« Des riverains s’inquiètent. Les gens ont peur que beaucoup de personnes viennent jusqu’au métro en voiture. Il faut tout faire pour éloigner les voitures de la station d’Oullins Ville, sinon on va avoir un gros foutoir.”
« Une passerelle “modes doux”, comme alternative au pont de la Mulatière »
La Métropole n’a pas comme le REV comme seul projet pour les cycles. Ils ont pour objectif de sécuriser la circulation des vélos sur toute la Métropole. D’après la maire d’Oullins les écologistes ne se donnent pas les moyens de leurs ambitions :
Elle tempête :
“On ne voit toujours pas d’axe qui relie Chaponost à Saint-Genis-Laval.”
Fabien Bagnon répond qu’il faudra s’armer de patience :
“Pour relier Saint-Genis à Chaponost, il faudra attendre un peu mais sur la D342, il y a déjà un aménagement cyclable qui permet de connecter Chaponost à la vallée du Garon. Il y a du travail bien sûr, j’adorerai le faire, mais là, ça coûterait au moins dix millions d’euros. »
Pour le vice-président à la Métropole, l’histoire va dans le sens de ces changements :
« De toute façon, qu’on soit au pouvoir dans six ans ou non, ce sera fait, on suit la même trajectoire que les pays nordiques.”
La maire proteste aussi contre le temps prévu par la Métropole pour bâtir une passerelle “modes doux” alternative au pont de la Mulatière, qui relie la Mulatière à Confluence (2è arrondissement) :
“Une des choses importantes, qui figure à la fois dans le REV et dans nos combats depuis des années, c’est une passerelle mode doux qui permettrait d’éviter le pont de la Mulatière. Le nouvel exécutif commence à nous dire que les études seront lancées mais que ce ne sera peut être pas fait durant ce mandat.”
Fabien Bagnon ne la contredit pas :
“Un projet, c’est six ans. Les procédures sont longues, ça met du temps. C’est quelque chose qui arrivera en fin de mandat et sera sûrement inauguré sur le suivant.”
« Des gens très dogmatiques sur le vélo » ?
Pour Clotilde Pouzergue, le fond du problème vient du fait que la Métropole ne partage pas la même hiérarchie des priorités qu’elle et son équipe :
“A Oullins, Le piéton c’est la priorité absolue. On ne pense pas qu’au vélo. En centre-ville on va peut-être piétonniser d’autres rues. On a déjà commencé avec la rue Victor Hugo et la rue Tupin.”
Elle ajoute :
“Le changement de Métropole m’inquiète un peu, j’ai l’impression qu’on a affaire à des gens qui sont très dogmatiques. Depuis des années, à Oullins, on a toujours cherché à aménager le partage voiture, vélo et piéton. Maintenant, à chaque fois qu’on fait un aménagement, il va falloir faire une piste cyclable.”
Pour Fabien Bagnon, ce qui provoque des échanges houleux avec certaines municipalités, dont celles d’Oullins, c’est l’inflexibilité de la nouvelle Métropole sur le respect de la loi Laure.
La Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, autrement appelée loi Laure a été votée le 30 décembre 1996.
Le vice-président en charge du développement du vélo fixe le cap de la politique métropolitaine :
“La loi Laure dit que lors de tout réaménagement de voirie il doit y avoir des aménagements cyclables. Cette loi n’a jamais été très scrupuleusement respectée, au même titre que la réglementation pour les personnes en situation de handicap, qui stipule que les trottoirs doivent toujours faire un mètre quarante de large.”
En matière de respect de la loi Laure, Fabien Bagnon laisse peu de place à un quelconque aménagement :
“Une fois, un maire républicain m’a dit “la loi, on s’en arrange”. Nous, non. Nous appliquons cette loi.”
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