La cour de cassation a pris une décision lourde de conséquences ce mercredi 14 avril en relaxant le cardinal Barbarin. Car au-delà de l’affaire dite « Barbarin », c’est le cadre légal concernant la non-dénonciation de violences sexuelles commises sur des enfants de moins de 15 ans qui était concernée. Et la justice a tranché définitivement en faveur du cardinal, provoquant la consternation des parties civiles.
Le point final de quatre ans de feuilleton judiciaire
Pour rappel, le cardinal Barbarin était accusé de ne pas avoir dénoncé les violences sexuelles commises par le père Preynat sur des mineurs de 15 ans, alors même qu’il avait été mis au courant. En 2019, le tribunal correctionnel de Lyon avait condamné le cardinal à six mois de prison avec sursis, puis l’homme d’église avait été relaxé en appel début 2020, après quatre ans de feuilleton judiciaire.
L’association La Parole libérée, qui regroupe les victimes du père Preynat, partie civile dans cette affaire, avait alors formé un pourvoi en cassation, dans l’espoir que la plus haute juridiction française casse le jugement rendu en deuxième instance. Le laborieux parcours des victimes pour que les deux hommes d’église soient sanctionnés avait été adapté début 2019 par François Ozon dans un film intitulé « Grâce à Dieu ». Ce mercredi 14 avril, le dernier espoir des victimes en confirmant la décision de la cour d’appel est parti en fumée.
Les victimes assez grandes pour dénoncer les faits elles-mêmes
En janvier 2020, la cour d’appel avait estimé que les agressions sexuelles commises par le père Preynat dans les années 80 et 90 étaient prescrites et que lorsque le cardinal Barbarin en avait eu connaissance, en 2010, 2014 et 2015, les victimes étaient alors assez âgées pour porter plainte elles-mêmes. La Cour de cassation a confirmé ce mercredi cette vision des choses, arguant dans un communiqué que seuls « l’âge ou la fragilité de la victime » pouvaient justifier le maintien de l’obligation de dénoncer les violences sexuelles, qu’elles soient prescrites ou non.
Or, dans l’affaire Barbarin, lorsque le cardinal a connaissance des faits. La cour d’appel précise que :
« Les victimes, âgées de 34 à 36 ans, insérées au plan familial, social et professionnel, sans maladie ou déficience les empêchant de porter plainte, étaient en mesure de dénoncer les faits. »
Et estime donc que les victimes pouvaient porter plainte elles-mêmes, que le cardinal Barbarin n’avait aucune obligation de le faire à leur place. Il est donc relaxé le 30 janvier 2020.
Les questions posées à la cour de cassation
Ce mercredi, la cour de Cassation s’est alignée sur le jugement rendu en deuxième instance, définissant ainsi le cadre légal concernant la non-dénonciation d’agressions sexuelles commises sur des enfants de moins de 15 ans.
A la question de savoir si l’obligation de dénoncer ce type d’actes s’arrêtait avec leur prescription, la cour de cassation a répondu par la négative. La deuxième question posée à cette juridiction portait sur le fait de savoir si cette obligation de dénoncer les faits cesse lorsque les victimes sont « en état » de le faire elles-mêmes. Là, la cour a répondu oui, relaxant au passage le cardinal Barbarin.
Il appartient donc aux victimes de dénoncer les faits si elles sont en capacité physique et mentale de le faire à l’âge adulte, car une fois la majorité franchie, l’obligation de dénonciation cesse d’exister pour les témoins et adultes mis au courant.
« Cette décision est une faillite sociétale fondée sur le déni des abus sexuels sur mineurs »
Un véritable coup de massue pour François Devaux, une des victimes du père Preynat et président de La Parole libérée, dissoute en mars dernier, qui confie son désarroi aux médias :
« Cette décision a le poids d’un choix de société. En tant que victimes, nous voulions que la République s’affirme et arrête de faire semblant devant toutes ces agressions sexuelles sur mineurs. Malheureusement, la République n’aide pas beaucoup et fait encore obstacle. […] Comment laisser l’appréciation de sa vulnérabilité à cette victime qui, précisément, n’arrive pas à dénoncer !
Cette décision est une faillite sociétale encore fondée sur le déni des abus sexuels sur mineurs. Ce combat là n’est donc pas terminé. »
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