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La chronique d’un éco-anxieux à Lyon

L’« éco-anxieux », pour qui n’est pas familier de ce terme, ne désigne pas une personne terrorisée par les écologistes. Ce n’est pas quelqu’un qui, par exemple, stresse à l’idée qu’il n’y ait pas de sapin à Noël dans les mairies, que les écoliers deviennent tous végétariens ou qui fait une crise d’angoisse dès lors qu’il voit fleurir une nouvelle piste cyclable.

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éco-anxieux lyon

D’ailleurs il faudrait aussi trouver un terme pour désigner cette inquiétude-là. « Écolophobe » peut être ? Quoi qu’il en soit l’éco-anxieux, c’est tout l’inverse. Et s’il nourrit des craintes vis-à-vis d’une gouvernance écolo, ce serait plutôt pour son manque de radicalité ou de cohérence que vis-à-vis d’une hypothétique dictature verte.

Mettons que l’éco-anxieux ait 40 ans…

En fait, l’éco-anxieux ne parvient pas à mettre en veille son petit voyant qui s’est allumé avec la prise de conscience du désastre écologique en cours.

Il n’arrive pas à garder son calme quand en plein mois de janvier, alors qu’il fait 25°, le présentateur météo évoque une bien belle journée et des températures très « douces ». Il aimerait qu’il s’exclame : il fait « flippant » aujourd’hui !

Il a des sueurs froides dès qu’il sent les prémisses d’une nouvelle mode absurde et polluante, car il a l’intuition qu’elle va rapidement se généraliser, que ce soit celle des pick-ups ou des publicités numériques dans les vitrines, des vacances en croisière ou de la clim’.

Mettons que l’éco-anxieux ait aujourd’hui une quarantaine d’années, alors il a une conscience aigüe que son existence s’est déroulée en parallèle d’une dégradation sans précédent des écosystèmes.

Il ressent en permanence une irrésistible envie de tirer tout un chacun par la manche pour lui demander : « Dis, t’as lu le dernier rapport du GIEC ? ».

L’éco-anxieux reste durablement perturbé par une discussion avec un paysan concernant la sécheresse, avec une ornithologue à propos de la disparition des oiseaux, et n’arrive pas à se résoudre à trouver normal de voir un long défilé de SUV dans sa rue, qu’il continue, jour après jour, à percevoir comme une grande marche quotidienne « contre » le climat.

Chez l’éco-anxieux, pas de mécanisme régulateur

Peut-être, se dit-il, le déni de la situation est-il facilité chez ses contemporain.e.s par cette capacité, plutôt salutaire, que nous avons à ne pas penser à la mort à chaque instant de nos vies.

Sans doute est-ce le même mécanisme qui entre en jeu pour ne pas réellement percuter sur des échéances funestes pour l’humanité à très court terme et des phénomènes qui affectent déjà fortement une bonne partie de la population mondiale. Et dans ce cas, il est possible que l’éco-anxieux présente, en ce qui le concerne, une défaillance de ce mécanisme régulateur.

Car, par delà la conscience de sa propre finitude, il ne peut s’empêcher de considérer ce que ses enfants après lui pourraient faire de cette Terre, et de ressentir une tristesse immense à ce que ces possibilités leur soient réduites à tout jamais du fait même des générations qui les ont engendrés.

Une carte imaginaire signée Kobri. DR
Une carte imaginaire signée Kobri. DR

L’éco-anxieux vit sa préoccupation au premier degré

Dans ce contexte, il perçoit l’incongruité qu’il y a à discuter avec de jeunes parents qui projettent à l’horizon de quelques décennies un avenir pour leurs enfants fait d’orientations successives, pétri d’un modèle qui a été le nôtre, et qui ne prend à aucun moment en compte cette réalité physique.

Ainsi, l’éco-anxieux vit cette préoccupation au premier degré, dans son quotidien. Et s’il est évidemment touché par la lecture d’un article précisant l’ampleur des dérèglements en cours, il l’est sans doute plus encore par ce sentiment permanent que la grande majorité des orientations que prend la société sont à l’opposé même de celles qui permettraient de faire face à la situation.

Que les miracles promis à travers une célébration constante de la technologie sont une illusion, et que, de toutes façons, même si un milliardaire arrivait à recréer des drones pollinisateurs pour pallier à la disparition des abeilles, il n’y a rien de bien désirable dans cette perspective.

Tenir les comptes de cette nouvelle mandature

Cela dit, l’éco-anxieux n’est pas un triste sire, un rabat-joie, il aime la vie, a plein de désirs de société et illustre a sa manière l’adage selon lequel seuls les vrais optimistes peuvent se permettre d’être pessimistes.

Et pour tout dire, l’éco-anxieux en a marre d’utiliser un terme psycho-médical pour se définir (eut-on imaginé dans les années 30 des personnes diagnostiquées « fascisto-flippées » et traitées en tant que telles de manière à pouvoir vivre sereinement les choses ? »). Et, en réalité, il aspire à être plus éco-actif qu’éco-anxieux.

Alors, quand la ville dans laquelle il habite, comme d’autres villes en France, passe au mains des écologistes, il s’emballe un peu, voit le Vert à moitié plein et se dit qu’anxiété partagée est déjà à moitié apaisée. Et puis ses inquiétudes lui reviennent avec la conscience que beaucoup d’obstacles peuvent se mettre en travers des élu.e.s les plus sincères comme la tendance, chez celles et ceux qui le sont moins, à se glisser dans les vieux habits de la vieille politique.

Alors, sans fonder des espoirs déraisonnables sur cette nouvelle municipalité, et en continuant à participer à l’agitation protéiforme autour des sujets qui le préoccupent, il est bien décidé à tenir scrupuleusement les comptes de cette nouvelle mandature.

 


#écologie

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Stépahnie Léger, adjointe à l'Education à Lyon. ©DD/Rue89Lyon

Photo : DD/Rue89Lyon

Crédit : Archipel CDCU
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