Dans un débat à peine moins dépassionné par la visioconférence, la majorité a démenti toute volonté de légalisation et défendu une approche en partie empruntée à Gérard Collomb.
« Êtes-vous dans le camp des gens honnêtes ou malhonnêtes ? »
Cette question pleine de provocation a été prononcée ce vendredi 26 mars et il est environ 11 heures du matin. Ce conseil municipal, en visioconférence, dédié à la PPI (programmation pluriannuelle des investissements) long de deux grosses journées est loin d’être fini.
Ludovic Hernandez (LREM), membre du groupe Pour Lyon (ancienne majorité de Gérard Collomb), a sonné la charge contre la gestion par la majorité de la place Gabriel Péri, suite à une délibération présentée par Camille Augey (EELV), adjointe en charge de l’économie.
Comme souvent, ce n’est pas la délibération portée par l’élue sur la mise en place d’un plan de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité à la Guillotière (lire plus bas) qui était visée mais une information, quasi de l’ordre de la rumeur, circulant depuis cette semaine sur le quartier. Selon l’opposition relayée par la presse locale, la majorité souhaiterait légaliser le marché à la sauvette de la Guillotière. Dans le cadre (contraint) permis par la visioconférence, celle-ci a usé de formules « chocs » pour faire passer son message.
Ce (vieux) marché sauvage, s’installant à la sortie du métro Guillotière, est l’objet des attaques de l’opposition. Particulièrement remonté sur le sujet, Etienne Blanc (LR), ancienne tête de liste de la droite aux municipales avait déjà fait entendre son opposition la veille du conseil.
« Il s’agit d’un projet irresponsable et malhonnête. Irresponsable, car on ne peut pas tolérer la légalisation d’un marché sauvage, pour la simple raison qu’on ne parvient pas à résoudre des problèmes d’insécurité et de délinquance. Et malhonnête, parce que l’on essaie de faire croire qu’il s’agit d’une démarche concertée et portée par les habitants, au nom d’une certaine vision de la mixité sociale. »
Etienne Blanc (LR), élu de l’opposition
Le jour J, sa voix a été portée par Béatrice de Montille (droite centre et indépendants) :
« Vous ne faites que détourner l’intention sans apporter des réponses concrètes, s’est agacée l’élue. Les vendeurs à la sauvette pourront à présent travailler en paix, aux yeux de tous. »
Cette dernière a exprimé son inquiétude sur la potentielle création d’un marché à l’image de celui des biffins, à Paris. Une « vraie-fausse bonne idée », selon elle, permettant de « légaliser » les trafics de drogue, de cigarette et de produits de contrefaçon. L’opposition a mis en avant les aménagements pouvant permettre de mettre fin à cette situation, notamment, le déplacement de l’arrêt de tram pour rendre plus difficile l’installation des vendeurs à sauvette.
« Non, la ville ne compte pas légaliser une activité illégale »
En face, la majorité a démenti cette volonté de légaliser le marché à la sauvette.
« Non, la ville ne compte pas légaliser une activité illégale. Cela n’est pas possible, et vous le savez bien. De plus, ce n’est pas notre souhait. »
Fanny Dubot (EELV), maire du 7e arrondissement
Prenant le contre-pied des attaques de la droite, elle s’est dite d’accord pour renforcer la présence policière. De même, elle a rappelé la présence des forces de l’ordre, tous les jours sur place, ainsi que la présence de 28 caméras de surveillance, chères à l’opposition.
« Est-ce suffisant pour endiguer le marché à la sauvette ? Non, a marqué l’élue. Si la solution pour cette place était uniquement sécuritaire, cela se saurait. »
Partant de ce constat, la maire d’arrondissement précise réfléchir « avec la population » à encadrer une activité « légale sur cette place ». Selon elle, certains usages, à différencier des activités illégales, pourraient être intégrés via de la réinsertion sociale.
De même, Fanny Dubot a rappelé que le processus de concertation, au cours duquel l’idée a été mentionnée, est ouvert aux conseils de quartier, conseils d’intérêts locaux, associations de commerçants et d’habitants, etc. Bref, à beaucoup de monde. Autrement dit : ses participants ne sont pas sélectionnés pour leurs idées politiques.
« Si vous voulez polémiquer sur chaque piste de réflexion que nous lançons, croyez moi, vous vous fatiguerez bien avant nous. »
De son côté, le maire Grégory Doucet (EELV) a souligné qu’une étude était en cours pour déplacer l’arrêt de tram, comme demandé par l’opposition. « Vous comprenez qu’on ne pourrait pas le faire en une semaine », a-t-il grincé.
Sélectionner les commerces à la Guillotière : une mesure dans la continuité de Gérard Collomb
En attendant, la délibération votée reste à des années lumières d’une quelconque légalisation d’activités illégales. Portée par Camille Augey, le projet de « périmètre de sauvegarde du commerce de l’artisanat de proximité » sur le secteur Guillotère-Gabriel-Péri a même fait plutôt consensus parmi les élus. Pour cause, la première expérimentation en la matière, rue Montebello, avait été faite sous le mandat de Gérard Collomb.
Via ce dispositif, la ville pourra faire valoir un droit de préemption pour choisir l’installation des enseignes. Objectif : proposer une plus grande diversité de commerces « sans accentuer la gentrification déjà en cours. » Mais dans un secteur où les magasins de portables et les kebabs prédominent, cette « diversité » devrait se faire au détriment de ces derniers, plus populaires.
Entre les collectifs contre la ghettoïsation du quartier et ceux contre la boboïsation, la majorité tente de se créer un chemin en suivant celui tracé par l’ancien maire de Lyon. Dans cette exercice, il est fort probable que la mesure favorise la gentrification du quartier et une augmentation continue des prix de l’immobilier déjà excessivement hauts, malgré la vigilance affichée par Camille Augey.
Preuve de cette voie centrale, le soutien de Béatrice de Montille (groupe droite, centre et indépendants) qui reconnaît « le bien fait de cette mesure » même si elle regrette un certain manque de transparence sur le sujet. Finalement, seul le groupe « Pour Lyon » (ancienne majorité) a voté contre celle-ci, malgré un soutien énoncé (vraiment) très rapidement par Ludovic Hernandez. Une contradiction que n’a pas manqué de souligner Grégory Doucet.
La sécurité, un angle d’attaque cher à la droite
Historiquement place de luttes, la place Gabriel Péri, ou Place du Pont, à la Guillotière, a donc été utilisée par l’opposition pour dénoncer le manque de moyens accordés aux questions de sécurité par la majorité. Tout au long du conseil, ses élus ont profité des délibérations concernant la vidéo-surveillance pour reprendre la majorité municipale sur ses mesures en terme de sécurité, abordant régulièrement les récentes scènes d’émeutes à la Duchère.
Parmi celles-ci, une des charges les plus violentes a probablement été celle du maire du deuxième arrondissement, Pierre Oliver (droite centre et indépendants).
« Vous essayer d’acheter la paix social en abandonnant Lyon aux trafiquants et aux communautaristes. On retrouve bien la marque de fabrique des mairies écologistes et insoumises. »
S’appuyant sur sa récente agression sous l’échangeur de Perrache, l’élu est revenu sur le budget « insuffisant » accordé à l’entretien des caméras surveillance et pour la sécurité en général. « Les deux caméras qui ont filmé mon agression ne fonctionnaient pas, a-t-il regretté. J’espère que le ré ensauvagement de la ville ne concernera que la végétation. »
« Les caméras dont vous parlez ne sont pas celles de la mairie », lui a rétorqué l’adjoint en charge de la sécurité, Mohamed Chihi. Ce dernier a aussi avancé que le budget prévu pour la sécurité était supérieur au précédent mandat : « 5 millions d’euros contre 4,2 millions ».
Dans cet hémicycle numérique, les formules du maire du deuxième arrondissement n’ont pas ému la majorité. L’angle d’attaque, cher à la droite, ciblant le prétendu laxisme des écologistes en matière de sécurité semble, en tout cas, bien défini.
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