Ce samedi après-midi, vers 14h, entre une quarantaine et une cinquantaine d’individus ont convergé devant la librairie « La Plume Noire » située à proximité de la place Colbert, sur les Pentes de la Croix-Rousse.
A ce moment-là de la journée, étaient présents six bénévoles de la librairie libertaires et de l’association PESE (Pour l’égalité sociale et l’écologie) qui faisaient une collecte et une distribution de denrées alimentaires. Un bénéficiaire de cette collecte était également dans le local.
Voyant arrivé le groupe, ces bénévoles ont pu fermer la porte mais pas le rideau de fer.
« Dans le groupe d’assaillants, quelques uns ont jeté des projectiles sur les trois vitrines, d’autres ont martelé les vitrines avec des pavés trouvés sur un chantier à proximité ».
Julien, membre de « La Plume Noire »
Une vitrine a explosé. La porte vitrée et une autre vitrine ont résisté, celle qui avait été changée en 2016 à la suite d’une précédente attaque (lire encadré). Des gros impacts ont été constatés. Comme on le voit sur les photos ci-dessous.
A travers la vitrine explosée, des bouteilles en verre ont été jetées. Mais il n’y a pas eu de blessés.
Ce sont des voisins en criant « les flics sont là » qui auraient mis fin à l’attaque. Cela aura duré cinq minutes environ.
Julien de « La Plume Noire » poursuit le récit :
« Une voiture de la police municipale est arrivée très vite sur les lieux. Ces policiers nous ont dit qu’ils n’étaient intervenus car ils n’étaient pas assez nombreux. Les fachos ont dû certainement partir dans le Vieux Lyon. »
Une plainte a été déposée dans la foulée au commissariat par des membres de l’association gestionnaire du local. Une enquête a été ouverte.
Attaque en meute et slogans d’extrême droite à Lyon
Raphaël Arnault, porte-parole de la Jeune Garde, une organisation antifasciste lyonnaise, a rapidement mis en ligne sur son compte Twitter la vidéo d’un voisin, où l’on voit une partie de l’attaque.
Cette attaque porte la marque de l’extrême droite radicale.
Il y a d’abord la manière de faire : un groupe de personnes déterminées qui visent seulement une librairie associative et rien d’autre dans le quartier. Ce local étant considéré par les militants d’extrême droite comme l’un des lieux « antifas » à cibler. Les précédentes attaques (lire encadré) de ce local en attestent.
Raphaël Arnault souligne également le slogan « avant ! avant ! Lion le Melhor » qu’il perçoit à la fin de l’attaque. Notamment dans la vidéo ci-dessous qui montre l’attaque sous un autre angle. Le porte-parole de la Jeune Garde pointe également un salut nazi.
Ce slogan est le cri de guerre de la Ville de Lyon du moyen-âge. Il a été repris par les identitaires qui en avait fait l’un de leurs premiers sites Internet. A l’époque où Génération identitaire Lyon s’appelait Rebeyne (autre terme renvoyant à cette histoire lyonnaise).
Par ailleurs, les bénévoles présents sur place ont entendu le slogan « Lyon, Lyon hooligans » au début de l’agression.
« Après la dissolution de Génération identitaire et les tags d’antifas contre leur local du Vieux Lyon, on savait qu’il y aurait une réplique. Avec la dissolution, les identitaires n’ont plus besoin de tenir en laisse leurs militants. Ils peuvent se lâcher. Parmi nos agresseurs, il y a certainement un mélange de membres de GI mais aussi des néonazis et des gens du stade ».
Julien, membre de « La Plume Noire »
« Nous n’avons rien à voir avec ces accusations mensongères »
Naturellement aucun groupe qui a pignon sur rue n’a revendiqué cette attaque. Ni feu Génération identitaire, ni les nationalistes d’Audace ou Lyon populaire.
Ces mouvements sont déjà dans le viseur de la police et de la justice. Génération identitaire vient d’être dissout et une procédure pour « reconstitution de ligue dissoute » est en cours et vise les deux autres groupuscules nationalistes issus du Bastion social.
Dimanche en début d’après-midi, un message a été posté sur le Télégram de « Ouest Casual », un compte néonazi utilisé pour revendiquer et relayer ce genre d’action illégale. On avait notamment observé ce même procédé après les violences en marge d’un rassemblement fin janvier de la « Manif pour tous ». Ici, des vidéos de voisins et des photos ont été réutilisées, avec musique et légende à la clé :
« Assaut contre un local anarchiste pendant la journée par des nationalistes lyonnais » (en anglais dans le texte).
Contacté Arnaud Payre, le responsable de la communication de feu Génération identitaire à Lyon, nous envoyé un message laconique :
« Nous n’avons absolument rien à répondre à ce genre d’accusations mensongères de la part d’opposants politiques ».
« Les locaux des identitaires existent toujours »
Devant « La Plume Noire », le porte-parole de la Jeune Garde, Raphaël Arnault, a une fois de plus demandé la fermeture des locaux tenus par les identitaires dans le Vieux Lyon :
« Leurs locaux existent toujours. On voit la nécessité de fermer ces locaux. Cette violence est le résultat de dix ans d’implantation de l’extrême droite, notamment de Génération identitaire ».
La dissolution prononcée par le gouvernement ne concerne en effet que l’association Génération identitaire, les militants identitaires peuvent toujours gérer les associations qui louent les deux locaux accueillant la salle de boxe et le bar associatif.
Dimanche matin, au lendemain de l’attaque, les bénévoles de « La Plume Noire » ont retrouvé un tag « On ne dissous pas une génération. Retenez la leçon » (sic) à côté de la porte d’entrée. Le tout signé d’une croix celtique, un des emblèmes de l’extrême droite à Lyon comme ailleurs. La référence a la dissolution de Génération identitaire est ici évidente.
« 50 fascistes cagoulés et armés peuvent traverser plusieurs quartiers de la ville sans être inquiétés »
L’Union communiste libertaire (UCL), dont le siège local est à « La Plume Noir » a publié un communiqué de presse qui pointe des défaillances de la police :
« Nous sommes une nouvelle fois étonné.es (en réalité pas tant que ça) de la facilité avec laquelle 50 fascistes cagoulés et armés peuvent traverser plusieurs quartiers de la ville, attaquer un local à 14h un samedi et repartir sans être inquiétés par les autorités. Nous avons même eu écho des forces de police que le groupe de 50 avait été suivi via les caméras de surveillance mais pas interpellé car les effectifs n’étaient pas assez nombreux!!!! »
Ce dimanche sur Twitter, le maire de Lyon, Grégory Doucet, a réagi en affirmant sa « détermination à lutter contre toute forme de haine » :
« Dégradations volontaires, intimidations, mise en danger : l’agression organisée à La Plume Noire hier est absolument révoltante et inacceptable ».
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