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« Nous appelons à une redistribution plus équitable de l’argent public dans la culture »

Vincent Cavaroc est un des représentants de l’Appel des indépendants (dont Rue89Lyon est signataire) qui a donné lieu aux « Etats généraux de la culture » à Lyon ces mardi 6 et mercredi 7 octobre. Il appelle à un nouveau fléchage des aides dans la culture. Et propose des solutions.

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Vincent Cavaroc à Lyon, pendant une édition d'European Lab. DR

Les assemblées et concertations des acteurs culturels se suivent ; et ne se ressemblent pas. Après les « Etats généraux des festivals » à Avignon se sont tenus ces mardi et mercredi à Lyon des États généraux de la Culture, réunissant plus de 150 structures indépendantes, toutes en pleine tempête soufflée par la pandémie.

Au-delà l’urgence -qui s’éternise-, se pose une question d’équilibre dans un écosystème verrouillé. Ou la crise Covid-19 comme une « occasion de tout remettre à plat ».

Nous ouvrons nos colonnes à Vincent Cavaroc, l’un des représentants de l’Appel des indépendants (dont Rue89Lyon est signataire). Directeur de la Halle Tropisme à Montpellier, il produit également des compagnies et artistes de danse contemporaine ; il a été conseiller artistique de la Gaîté Lyrique.

Grand écart entre ces différentes structures et activités, entre leurs dimensions et leurs fonctionnements : de quoi affûter une expertise quant aux dispositifs possibles pour le monde agité de la culture.

Poursuivons le débat en commentaires.

La culture entre « respiration artificielle » et « sédation profonde »

Les États généraux de la Culture et des médias indépendants à Lyon, octobre 2020. ©Tim Douet
Les États généraux de la Culture et des médias indépendants à Lyon, octobre 2020. ©Tim Douet

« Face à la crise sanitaire, la culture est si peu de chose, si ce n’est un secteur d’activité de plus en détresse. Un secteur pour partie sous respiration artificielle, abondamment oxygéné par le maintien de ses subventions et par les compléments qui lui sont proposés dans le cadre du plan de relance piloté par l’Etat. Pour partie seulement, occultant tout un autre pan de la culture qui, lui, est plus proche de la sédation profonde, faute de traitement adapté.

Fin de la métaphore, je m’explique plus concrètement.

Je dirige un lieu à Montpellier porté par une coopérative culturelle. Depuis sa création en janvier 2019, nous avons attiré près de 200 000 personnes à travers une programmation artistique riche et variée. La culture est notre socle mais le périmètre de notre projet est bien plus large. Là où la pluridisciplinarité d’hier consistait à mélanger danse et art-visuel ou théâtre et musique, nous abordons les champs de la création de façon beaucoup plus large en ouvrant la porte au social, à l’environnement, à l’entrepreneuriat, à l’urbanisme ou encore à la gastronomie.

Nous passons volontiers dans un même week-end de la chorégraphe Mathilde Monnier à des collectifs d’artistes exilés, de l’écrivain Alain Damasio à un focus sur la jeunesse africaine, d’un bal musette à Laurent Garnier, du penseur Edgar Morin à un festival de cinéma documentaire pour les enfants, en passant par une grande vente de plantes.

Nous passons du coq à l’âne, et il s’agit là de notre façon d’éditorialiser notre vision du monde, sans dogme ni chapelle.

Nous travaillons sans filet

Cette vision, nous la partageons avec de nombreux lieux et acteurs de la culture indépendante en France, regroupés ces derniers jours à Lyon pour l’Appel des indépendants. Et tous autant que nous sommes, nous vivons dans l’angle mort des dispositifs d’aides portés par les pouvoirs publics.

Les différentes collectivités commencent à admettre que nous faisons bouger les lignes de la culture mais elles peinent à faire bouger leurs propres lignes budgétaire pour nous donner une place. Cette logique de guichet n’est plus adaptée à l’évolution du secteur culturel, il convient urgemment de la réformer, de la décloisonner. La crise sanitaire actuelle n’est qu’un révélateur de plus de notre grande fragilité.

Pour pouvoir exister, nous bricolons des modèles financiers très précaires.

Notre niveau de ressources propres frôle les 100% et quand la COVID-19 met un coup d’arrêt à nos activités, c’est 100% de notre économie qui est emportée par le virus. Nous travaillons sans filet.

Vincent Cavaroc à Lyon, pendant une édition d'European Lab. DR
Vincent Cavaroc lors d’une intervention à European Lab. DR

Plus de 100 millions sanctuarisés et quelques miettes pour les autres

Ces énormes risques financiers et juridiques, nous sommes contraints de les prendre car nous ne sommes pas nés au bon moment. Nous n’avons pas eu la chance d’avoir 30 ans au début des années 1980, quand Jack Lang écrivait les lettres de noblesses d’une exception culturelle française, maillant le territoire de prestigieux équipements et festivals très généreusement dotés financièrement. Et cette générosité envers ces derniers n’a jamais cessé depuis, malgré la fin des années fric, malgré les crises économiques.

Aidé un jour, aidé toujours, tant et si bien qu’il n’existe plus aucune marge en France depuis près de 30 ans pour accompagner convenablement de nouvelles initiatives. La création devient un patrimoine qu’il convient de conserver.

J’ai eu l’occasion récemment de déjeuner avec le directeur des affaires culturelles d’une des plus grandes métropoles françaises. Sur un budget annuel de plus de 100 millions d’euros dont il a la responsabilité, il me fit le triste aveu qu’une fois que opéra, CCN, CDN et consorts avaient perçu leur dû, seule une petite soixantaine de milliers d’euros ne restait disponible pour financer de nouveaux projets.

Plus de 100 millions d’un côté, sanctuarisés jusqu’à la fin des temps, et quelques miettes pour les autres. Nous ne demandons pas de passer à 80% d’aides publiques, ni même 50%, nous appelons à une redistribution plus équitable de l’argent public dans la culture pour consolider nos modèles au bord de la crise de nerf.

Aidons les pouvoirs publics à trouver des solutions

Nous avons conscience de la complexité de cette tâche : comment à budget égal habiller Paul sans déshabiller Jacques ? Chaque nouveau ministre, chaque nouvel(le) élu(e) à la culture de quelque collectivité que ce soit se confronte à cette dure réalité et en souffre. Cette sanctuarisation est la cause de leur difficulté à répondre aux besoins d’un secteur qui évolue, leur marge de manœuvre étant extrêmement limitée, voire inexistante.

Il faut donc que nous, acteurs des cultures indépendantes, les aidions à trouver des solutions pour concilier le maintien de grands équipements essentiels à la vie culturelle de ce pays et le soutien au nouveau souffle que nous incarnons.

Abonnés au système D, nous sommes devenus des couteaux suisse de la culture, particulièrement aiguisés en terme de montage de projets, de financements, de modèles juridiques, d’optimisation des budgets et des process. Des compétences que nous proposons sincèrement de mettre à disposition des pouvoirs publics pour échafauder des solutions et redonner de l’air à l’exercice de nos métiers ou de leurs mandats. »


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