Plusieurs marches ont eu lieu dans toute la France ce samedi, comme à Paris, Lille ou encore Metz. Au total : 23 000 personnes étaient mobilisées selon le ministère de l’Intérieur.
La manifestation lyonnaise a été déclarée en préfecture du Rhône. La préfecture ne l’a pas interdite, malgré l’interdiction générale des rassemblements de plus de 10 personnes. La préfète déléguée à la sécurité a pris toutefois deux arrêtés (un pour samedi, l’autre pour dimanche) pour interdire trois secteurs : entre la place des Terreaux et la place Bellecour, le Vieux Lyon et la rue Victor Hugo (voir les arrêtés, à partir de la page 44).
Un autre rassemblement est appelé pour ce dimanche 18h, toujours place Bellecour.
« I can’t breathe ». Ce sont les derniers mots de George Floyd avant de s’éteindre, et le nom de la marche organisée samedi 6 juin par une association « Afro-descendants ».
Sur la page Facebook de l’événement, 900 participants sont inscrits à 13 heures. Et pourtant, ce sont plusieurs milliers de personnes qui se rassemblent place Bellecour, dès 14 heures, sous un ciel menaçant.
A la fin de la manifestation, les organisatrices parleront même de « 12 000 manifestants ». C’est dix fois plus que les participants dénombrés pour le rassemblement qui a eu lieu mardi, aux abords du palais de justice, lancé dans toute la France, par le comité Vérité et justice pour Adama.
« Pas de justice, pas de paix », « On n’oublie pas, on ne pardonne pas », « Justice pour Adama », « Police partout, justice nulle part », « La vie des noirs compte »… Les slogans s’affichent sur les pancartes, tout au long du parcours qui avait été accepté, au préalable, par la préfecture du Rhône.
« Le sort des Afro-Américains m’importe particulièrement car j’ai vécu un an aux Etats-Unis, dans le Michigan, à l’époque des Black Panther. Je n’ai jamais oublié ça, et je suis constamment consterné par ce qu’ils subissent encore aujourd’hui », explique François
Cet homme de 76 ans est assez fier de donner son âge :
« Comme quoi il n’y a pas que des jeunes ! »
Lui qui a suivi « de près » l’affaire Adama Traoré en France, a a également participé au rassemblement de mardi dernier.
Pour Aurélie, qui a habité « en banlieue bordelaise », les choses doivent changer :
« J’ai déjà vu des scènes de violences policières racistes, donc ça me touche particulièrement ».
Cette « une révoltée de naissance » est une habituée des manifestations. Elle a notamment participé au mouvement des « gilets jaunes ».
« Ma première manifestation »
Djabarati Bacar, étudiante en sciences politiques à Lyon, a le sourire. Alors que des légères tensions se font ressentir avec les forces de l’ordre, elle plaisante avec ses amis : « Tu vas devoir appeler ton avocat », lance-t-elle à l’un des trois. Mais lorsqu’elle en vient à expliquer sa venue, son visage se ferme.
« Je ne suis pas très manifestation, c’est la première. C’est une cause très importante pour moi, car je suis d’une couleur différente. »
La mort de George Floyd a produit une prise de conscience chez cette jeune Lyonnaise, qui souhaite désormais prendre pleinement part au combat :
« Je compte défendre mes droits, donc je continuerai de manifester autant qu’il faudra ».
Alice, étudiante lyonnaise qui a déjà participé à des marches pour le climat, n’a jamais jusqu’alors manifesté contre les violences policières.
« Je suis venue pour rendre hommage aux victimes, Adama Traoré, George Floyd, pour dénoncer la police qui tue des personnes racisées. »
15, 18, 20 ans… De nombreux jeunes sont présents ce samedi.
Des « gilets jaunes » aux quartiers populaires, tentative de convergence contre les violences policières à Lyon
« La goutte d’eau qui a fait déborder le vase »
« On est là surtout pour que ça s’arrête. La mort de George Floyd, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », soupire Stella, qui a également participé au rassemblement de mardi.
Pour Djabarati, la situation des noirs en France n’est pas si rose comparée à celle des Etats-Unis.
« Cette histoire avec George Floyd aux Etats-Unis, ça nous a permis de nous révolter derrière, de voir que ce n’est pas que chez eux que ça se passe. Chez nous aussi, notre gouvernement ferme les yeux ».
« Un gouvernement qui ferme les yeux ». C’est ce qu’a voulu représenter Sondoga, Lyonnaise de 15 ans, sur sa pancarte. Noire, elle se sent encore plus concernée par ces injustices, et ne comprend pas les différences de traitement en raison de la seule couleur de peau.
« La mort de George Floyd, ça m’a beaucoup touché, et je pense que ça a affecté beaucoup de gens. Les violences policières et des personnes qui sont tuées à cause de leur couleur de peau, ça arrive depuis des années, depuis plusieurs siècles. Et je pense que la mort de George Floyd, ça a lancé le mouvement pour combattre ça ».
« Soutien aux victimes des violences policières »
Parmi les participants, quelques organisations politiques sont là, notamment la section Rhône du Mouvement des Jeunes Communistes de France (MJCF).
« Nous sommes venus pour montrer notre soutien à toutes les personnes racisées qui subissent des violences policières, ça fait partie des points importants de notre orga, la lutte contre le racisme, la lutte contre l’impérialisme. Les prolétaires racisés font partie des plus oppressés en France, parce qu’ils sont à la fois exploités et victimes de violences raciales », tient à rappeler Emma, membre des Jeunes Communistes.
Quelques « gilets jaunes » défilent également pour montrer « leur soutien aux victimes des violences policières ».
« Une marche pacifiste contre les violences policières »
A l’arrivée, les organisatrices se félicitent pour cette « manifestation sans casse et sans débordement ».
Si des tensions ont eu lieu avec la police, elles ont en effet été brèves, notamment au moment de tentatives de manifs sauvages. On a pu noter des jets de projectiles suivis de quelques tirs de gaz lacrymogène. Deux personnes ont été interpellées après la dispersion de la manifestation.
« On est très fiers, franchement c’est beau. Plus de 12 000 personnes », se réjouit Maritza, qui s’est associée à Afro-descedants suite à la manifestation de mardi, pour organiser cette marche avec sa meilleure amie, Melynda. Leur but : « combattre le racisme, les violences policières et les injustices qui s’en suivent ».
« On est tous des frères, on est tous des sœurs, on est tous pareils, et personne ne mérite ça, et demain ça peut être n’importe qui »
Cette jeune Lyonnaise n’est affiliée à aucune association, mais les événements de ces derniers jours semblent avoir fait basculer son engagement.
«La seule manifestation que l’on fera, ce sera pour cette cause, et seulement pour cette cause. Si demain, il se repasse la même chose, on refera la même chose, on se battra jusqu’à la fin pour la nouvelle génération », déclare Maritza d’une voix fatiguée et émue.
Un combat qui se veut « pacifiste », comme l’explique Anthony (à droite de la photo ci-dessus), un proche de l’association des Afro-descendants. « Il y a des noirs, des blancs, des asiatiques, de toutes religions confondues. il n’y a pas eu de violences. C’est vraiment une marche pacifiste ».
Un genou au sol et le point levé
La marche s’achève sur le quai Victor Augagneur, au niveau de la préfecture, par 9 minutes un genou au sol et le point levé, temps durant lequel George Floyd a été maintenu au sol par l’officier de police.
Durant ces 9 minutes, les organisatrices se passent le micro pour lire, en français et en anglais, les dernières paroles de George Floyd. Une forte émotion dans la voix. Des larmes apparaissent sur de nombeux visages. Puis c’est la dispersion.

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