Ancien travailleur social, ex-directeur d’ONG, l’ancien secrétaire d’EELV de Lyon joue à fond la carte sociale et solidaire. Ses adversaires, unis sous une bannière droitisée, crient au « péril vert » et à l’amateurisme, mettant en garde contre un Grégory Doucet qualifié de « communiste peint en vert ».
Comment faire de l’écologie non « punitive » avec les quartiers populaires ? Quelles seront ses priorités en cas de victoire à Lyon ? Quelle gestion concrète de l’espace urbain ? Quelle gestion des subsides pour les gros clubs sportifs et institutions culturelles ? Si la crise sanitaire a été propice au discours des écologistes sur le « monde d’après », ce dernier risque de ne pas être tendre avec l’éventuel nouveau maire, sur-sollicité pour renflouer les caisses de différentes structures lyonnaises en pleine crise économique.
« Je ne suis pas contre l’économie, mais je suis contre l’investissement massif dans certains secteurs de l’économie »
Rue89Lyon : À l’heure du second tour, vous avez fait le choix de vous tourner vers la gauche, en laissant les centristes lyonnais. Pourquoi ?
Grégory Doucet : Pour des raisons de clarté politique. Sur les listes soutenues par Georges Képénékian (liste divers centre), vous avez des gens qui soutiennent la politique du gouvernement. Or, cette politique, c’est beaucoup d’annonces et derrière, rien. Il y a une volonté de bien faire, mais quand l’heure de l’arbitrage vient, il ne se fait pas au bénéfice du vivant, il se fait au bénéfice d’intérêts particuliers.
Pourtant, en prenant ce tournant à gauche, vous prenez des risques dans une ville traditionnellement dirigée au centre… Vous ne craignez pas de perdre une partie de l’électorat ?
La lecture politique que vous faites est héritée du XXe siècle. Le centre avec cette image de compromis, de rassemblement, de gens raisonnables… Mais qui sont les gens raisonnables aujourd’hui ? Nous parlons quand même de la préservation du vivant. Il ne s’agit pas là d’aller sauver une espèce d’escargots rare en Ardèche, ce n’est pas ça le sujet ! Mais c’est encore comme ça qu’ils le voient. On est sur la question de la préservation de l’humanité. Aujourd’hui, on préfère parler de préserver des intérêts économiques au détriment de la globalité. Je ne suis pas contre l’économie, mais je suis contre l’investissement massif dans certains secteurs de l’économie.
Georges Képénékian et ses colistiers et colistières n’ont pas souhaité faire des choix plus fondamentaux et tranchés. Pour moi, c’est le signe qu’ils ne sont pas prêts. Je ne peux pas envisager un accord si je n’ai pas de la clarté politique. Mais vous savez, je regarde cela avec de la hauteur. Il est évident qu’on est en train de passer à une nouvelle grille de lecture. Regardez ce qui se passe à l’Assemblée nationale ou ce qui se passe avec la création d’un nouveau groupe politique rassemblant d’anciens marcheurs et des écologistes pur jus comme Delphine Batho…
Donc, vous n’êtes pas fermés à vous rapprocher d’anciens proches du gouvernement ?
J’ai encore du mal à comprendre quelle est la visée politique d’En Marche. Un peu de ceci, un peu de cela. Nous avons l’impression d’être dans une salade de fruits. Mais, en l’occurrence, on ne fait pas de la politique comme on fait de la cuisine. Moi je crois en la clarté politique et dans le fait de donner de la vision. C’est ce que j’ai attendu de mes partenaires.
« J’ai déjà appelé à mener des actions culturelles avec les enfants tout l’été pour les rapprocher de l’école »
Végétalisation, piétonisation, aménagements de voiries… Les chantiers pour transformer Lyon en ville écolo sont nombreux. En cas de succès le 28 juin prochain, concrètement, par quoi commence-t-on ?
D’abord, il faudra accorder un temps à la mise en place des exécutifs locaux, afin d’être le plus efficace possible. Ensuite, je suis très attaché à la question de l’enfance. Il faut créer une ville des enfants avec des écoles sécurisées et végétalisées. Évidemment, on ne va pas commencer à planter en été… Mais on peut sécuriser les écoles.
Tout de suite, on va discuter avec l’actuel prestataire des cantines lyonnaises pour commencer à augmenter la part de bio dans les repas et à limiter la part de viande. Objectif : aller petit à petit vers les 100 % bio promis durant la campagne. Nous devons le faire dès maintenant car cela va prendre du temps. Il y aura aussi la question de la canicule. Nous savons déjà que l’été va être très chaud… Et nous devons préparer la rentrée scolaire.
En effet, vous vous êtes prononcés avant le déconfinement pour un report de la rentrée des classes…
Beaucoup d’enfants, notamment des quartiers populaires, ne sont pas retournés dans les écoles quand elles ont rouvert. On est loin d’avoir évité à ceux risquant l’échec scolaire de perdre pied… Or, pour que les enfants aillent à l’école, ils doivent avoir confiance en celle-ci et, avant cela, il faut que leurs parents aient confiance dans l’institution. Il faut donc travailler avec eux. J’ai déjà appelé à mener des actions culturelles avec les enfants tout l’été pour les rapprocher de l’école. On a besoin pour la rentrée scolaire d’aller au-delà de ce que le ministre Blanquer est en train de travailler de son côté.
« Toute la ville doit être 100 % cyclables et 100 % « marchable »
Rapidement, il faut aussi apporter une écoute particulière au secteur du tourisme. Je veux un tourisme responsable dans cette ville. Aujourd’hui, 15% des touristes étrangers débarquent à Lyon en avion. Or, nous savons qu’il faut limiter le trafic aérien. Il va falloir discuter, notamment avec la SNCF. Moi, je veux que des trains de nuit arrivent à Lyon. Cela va de pair avec la question du vélo. On reproche aux écolos de beaucoup en parler mais c’est lié ! Regardez comme il est agréable de découvrir les villes du Nord en deux-roues. À Lyon, on a peur ! Il faut sécuriser les pistes cyclables. Toute la ville doit être 100 % cyclables et 100 % « marchable ».
Il y a aussi les priorités liées à la crise sanitaire… Le secteur culturel est d’ores et déjà en grande difficulté.
J’ai annoncé un budget de quatre millions d’euros, débloqué par la ville, pour soutenir les structures les plus en difficulté, cet été. Nous participerons aussi au dispositif GIP café culture pour promouvoir la musique. Il garantit un revenu aux intermittents qui se produisent dans les cafés et les bars.
Et les grosses structures ? Il était question d’une réduction du budget des institutions importantes comme l’Opéra (qui reçoit des subventions de la Ville de Lyon entre autres), les Nuits de Fourvière (le festival est sous la tutelle de la Métropole de Lyon)… La crise change-t-elle la donne ?
Le budget de la culture sera sanctuarisé, mais il doit être mieux partagé. Nous avons besoin d’équipements et d’institutions culturelles qui proposent des offres de grande qualité. Nous n’allons donc pas renoncer à tout… Mais nous devons chercher une plus grande efficience.
Aujourd’hui, les décors de l’Opéra coûtent très cher pour un nombre réduit de représentations.
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