Ce qu’il y a de bien par temps de crise, c’est que les repères bougent, et que les masques tombent. Le Covid-19 et le confinement dévoilent les inégalités. Ils mettent au jour également les systèmes de valeurs archaïques de nos dirigeants locaux.
Alors que l’ordonnance n°2020-413 du 8 avril 2020 permet aux maires encore élu-e-s d’exercer leur pouvoir, ces derniers tiennent des conseil municipaux 3.0 comme à Lyon le 7 mai. Gérard Collomb et sa garde rapprochée (son cabinet, ses DGA et quelques élus) se sont ainsi réuni-e-s dans une salle de l’hôtel-de-ville de Lyon ce jeudi. Ils ont expérimenté un conseil municipal en visioconférence avec les conseiller-e-s municipaux et la plupart des adjoint-e-s à distance.
Ce conseil municipal restera dans les annales tant il révèle la face cachée d’un système de valeurs archaïque, en particulier sexiste qui ne fait nullement honneur à la Ville de Lyon. Un conseil municipal qui révèle plus globalement le mépris d’une classe dominante réduite à sa portion congrue. Un mépris qui s’exprime envers la démocratie et le service public par une classe dirigeante aux méthodes de management top-down totalement dépassées. En somme, un système Collomb à bout de souffle.
Pour illustrer quelques passages de ce conseil municipal, enfilons les lunettes du genre et des discriminations en général.
« Vous me trouverez le responsable »
Stéphane Guilland, élu du 8e arrondissement de Lyon et chef de file de l’opposition LR s’exprime en début de conseil. En tant qu’homme blanc de 50 ans et chef de file de l’opposition, il a pour lui toute l’attention du maire de Lyon. Et il critique la piètre retransmission du conseil municipal, “pas à la hauteur techniquement”, et l’écran désespérément noir sur le site de la Ville de Lyon en ce début de conseil. Le dispositif devait permettre la retransmission en direct du conseil municipal sur le site Lyon.fr. Mais malgré des tests et des réglages en début de conseil, il fonctionne mal et l’opposition s’empare du sujet.
“Qui est responsable de cela ? », grommelle Gérard Collomb, se tournant vers les personnes de son cabinet et s’adressant à elles en off (du moins le croit-il, car il ignore que son micro est ouvert et permet à tou-te-s les internautes en direct sur Lyon.fr d’entendre ses propos)..
“On n’a pas une Direction des services informatiques et techniques (DSIT) à la Ville de Lyon ? », poursuit le maire froidement à l’adresse de ses conseiller-e-s.
« Vous me trouverez le responsable, martèle-t-il. Il faut externaliser de plus en plus. Il faut tout mettre sur BFM TV, là au moins, cela fonctionne », termine-t-il.
Les syndicats et les 8 500 fonctionnaires de la Ville de Lyon apprécieront.
Par la suite, plusieurs femmes , cheffes de file des diverses groupes d’opposition prennent la parole successivement. On les voit à l’écran qui finit par fonctionner. Le maire ne leur accorde pas la même attention, ni le même respect qu’à Stéphane Guilland. C’est manifeste.
« Mais quelle conne »
Le maire de Lyon a, à la suite des propos tenus au sujet de Myriam Picot, et de multiples réactions indignées, envoyé un communiqué pour présenter ses excuses. C’est par la même voie que la maire d’arrondissement lui a répondu, indiquant qu’elle souhaitait des excuses publiques prononcées lors du prochain conseil municipal. Avocate et ancienne bâtonnière du Barreau de Lyon, elle a également glissé dans son texte que les propos du maire sont « constitutifs du délit d’injure publique à l’encontre d’un citoyen chargé d’un mandat public », tombant sous le coup de la loi pénale. Rue89Lyon
Les élues sont tour à tour désavouées, ignorées, moquées, voire insultées par le maire de Lyon et son aréopage. « Quelle conne”, lâche le maire au moment de l’intervention de Myriam Picot, maire du 7e et cheffe de file du groupe « Progressistes et républicains » passée à l’opposition depuis la scission Kimelfeld-Collomb. Elle a demandé des excuses publiques depuis, et les espère lors du prochain conseil municipal.
Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er et opposante historique au maire de Lyon relèvera quant à elle les adjectifs et les expressions employées par le maire tout au long du conseil pour remercier : “les petites mains”, “en bas de l’échelle”, “du bas en haut de la hiérarchie de la Ville de Lyon”.
Les emplois de catégorie C très largement féminins qui travaillent depuis 8 semaines pour maintenir la continuité des services publics à la Ville de Lyon. Comme souvent, une discrimination envers une catégorie dominée (les femmes) en entraine une autre (les classes populaires).
Gérard Collomb de se défendre par la suite, en arguant que son père ouvrier sidérurgiste lui a appris beaucoup. Ce qui ne justifie rien bien entendu.
Obtenir une parité “réelle” en octobre prochain ?
Et pour finir, on voit bien à quel point ce système de valeurs est institué.
« Allez hop, on prend l’apéro », osera lui-même le chef de cabinet adjoint du maire de Lyon, au début de l’intervention de Françoise Chevallier (EE-LV) en fin de conseil. Tandis que le maire s’enquiert benoîtement de la teneur du courrier auquel l’élue se plaint de n’avoir pas reçu de réponse.
« Quelles étaient les questions ? », demande, penaud, le maire à son cabinet. Ce dernier n’a visiblement même pas jugé utile de l’informer du courrier du groupe d’opposition. Mépris patent de la démocratie locale, représentée une fois encore par une femme.
Les femmes dans ce conseil seront globalement ignorées, leurs interventions ne sont pas prises au sérieux. Le maire ne les considèrent pas. Pour les hommes, en revanche, il en va tout autrement : « Merci Monsieur Berrat », « Monsieur Broliquier, je suis entièrement d’accord avec vous », etc. Pourtant les attaques émanant de ces personnes sont au rendez-vous également, mais le maire respecte visiblement plus facilement ces adversaires masculins.
Ce conseil le révèle sans mérite, ni pour le maire ni pour son aréopage, les femmes-élues ne sont pas audibles à Lyon. Plus qu’un changement d’exécutif, il faudra certainement un changement de paradigme en octobre prochain (date présumée du 2e tour des élections municipales) pour obtenir une parité “réelle” et redynamiser le fonctionnement de la démocratie à locale à Lyon.

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