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Emma, institutrice et « livreuse à vélo » pour les enfants sans-abri de son école

[Portrait d’électrice 9/10] Depuis le début du confinement, Emma se rend à l’école une fois tous les 10 jours pour s’occuper des enfants du personnel soignant. Face à la crise sanitaire actuelle, elle vient en aide aux familles sans-abri de son école. Elle est même devenue « livreuse à vélo ».

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Déconfinelent, Lyon à vélo

Emma a 29 ans. Elle est institutrice à l’école primaire Alix dans le 2ème arrondissement de Lyon. En ces temps de confinement, elle est d’astreinte professionnelle tous les 10 jours et reste confinée chez elle l’autre partie du temps :

« Nous faisons un roulement avec les autres enseignants pour s’occuper des enfants du personnel soignant », raconte-t-elle.

Dans ce contexte inédit, les deux écoles du secteur ont été regroupées dans le groupe scolaire d’Emma. Cela a permis le rassemblement des enfants du personnel médical.

« Lorsque nous avons fait le listing, nous pensions qu’il y aurait beaucoup plus d’enfants. Mais la plupart des parents ont réussi à les faire garder. »

Onze familles sans-abri dans son école

« Dans mon école, 24 d’élèves sont à la rue », raconte-t-elle.

Plus précisément, onze familles avec des enfants âgés de 2 à 13 ans dans son établissement scolaire n’ont pas d’hébergement. Un problème qui concerne toute l’agglomération lyonnaise. Elle en fait son combat et ne cache pas son inquiétude face à la crise sanitaire actuelle.

Depuis le début du confinement, six familles sur les onze ont été logées à l’hôtel par la préfecture du Rhône via la MVS (Maison de la veille sociale). Toujours en lien avec la MVS, l’ancienne caserne des pompiers de Saint-Priest en a pris en charge une. Deux ont réussi à trouver refuge chez des amis dans la région Lyonnaise.

« Deux d’entre elles seraient bloquées à Paris, on en sait pas plus sur leur situation », ajoute-t-elle.

Pour la plupart de ces familles, c’est la première fois qu’elles vivent sous un toit depuis leur arrivée en France :

« Certaines viennent juste d’arriver en France, d’autres sont sur le territoire Français depuis 5 ans et ont toujours vécu à la rue ».

Elle met en cause la préfecture du Rhône et les conditions d’accès très restrictives d’accès à l’hébergement d’urgence, en fonction de la vulnérabilité.

« Nos familles ne répondent pas à ces critères-là, » déclare-t-elle. « C’est une boucle infernale. Elles sont en demande de papiers. Sans papiers, elles ne peuvent pas travailler; sans travail et donc sans argent, elles ne peuvent pas accéder à un logement. »

Elle prend l’exemple du père de l’un de ses élèves qui est obligé de travailler au « black » pour subvenir aux besoins de sa famille. Un revenu insuffisant pour payer un loyer.

Emma, institutrice de l'école Alix, livre des paniers repas aux familles sans-abris. ©DR
Emma, institutrice de l’école Alix, livre des paniers repas aux familles sans-abris. ©DR.

« On donne entre 100 et 150 euros par semaine aux familles »

« C’est difficile pour ces familles de se nourrir » déclare la professeure des écoles.

Dans une situation de très grande précarité, celles qui sont logées dans des hôtels se retrouvent dans l’impossibilité de cuisiner.
Des chèques solidaires proposés par la Métropole doivent être envoyés :

« Il y a encore des familles qui ne l’ont pas reçu, mais une de ces familles a eu un chèque de l’Armée du salut »

Face à cette vulnérabilité, le collectif des parents d’élèves de l’école Alix tente de les aider financièrement :

« On essaye de donner entre 100 et 150 euros par semaine aux familles qui nous signalent être en difficultés financières ».

Cet argent a été récolté lors d’événements comme des goûters ou des petits déjeuners scolaires.

« C’est aussi grâce à la cagnotte en ligne partagée sur les réseaux sociaux que nous avons réussi à recueillir presque 3000 euros. »

Livreuse à vélo #PourEux

Depuis quelques jours, Emma s’est engagée dans l’initiative #Poureux en tant que livreuse :

« J’en ai profité pour référencer celles qui sont logées à l’hôtel mais qui n’ont pas de quoi manger. J’essaye d’étendre cela à toutes les écoles de Lyon ».

Trois familles de son établissement ont déjà signalé qu’elles aimeraient bénéficier des repas livrés par #Poureux.

Elle a découvert ce mouvement par un de ses amis qui y est livreur. Au début, elle y participe en cuisinant, puis elle a fini par prendre son vélo pour distribuer les repas.

« Hier, j’ai été jusqu’à Oullins pour livrer une famille et cette après-midi, je vais dans le 2ème, dans un hôtel où en est logée une autre. Je vais récupérer les paniers repas sur le chemin. »

« Je n’ai pas envie d’avoir des morts sur la conscience »

« En plus des morts causés par le coronavirus, on risque d’avoir des morts de faim ! » déclare Emma.

Depuis le début du confinement, de nombreux accueils de jour ont dû fermer. Et les distributions alimentaires sont fortement restreintes.

Face aux appels à l’aide de ses élèves, Emma ne pouvait rester les bras croisés :

« J’entends les enfants de mon école crier à l’aide en nous disant qu’ils n’ont pas d’argent et qu’ils n’ont pas à manger. Je n’ai pas envie d’avoir ces morts sur la conscience ».

Pour elle, c’est un devoir de citoyenne.
Avant de se lancer dans les livraisons, elle a tenu à en discuter avec ses colocataires, notamment sur les risques de transmission du coronavirus :

« Ils ont tout de suite accepté » raconte-t-elle, « je fais très attention. Je respecte les gestes barrières, je porte un masque et je me désinfecte souvent les mains ».

Durant les vacances scolaires de Pâques, elle va essayer de mobiliser ses élèves dans son action citoyenne:

« Je vais demander aux enfants de faire des repas #Poureux avec leurs parents ».

Par cette initiative, elle espère sensibiliser le plus de personnes possible :

« C’est pas tous les jours qu’on voit la maîtresse en bas de chez ses élèves pour récupérer des paniers », s’amuse-t-elle.

Emma vélo #Poureux
Emma part faire sa livraison, ses paniers sont remplis de viennoiseries offertes par une boulangerie et d’un repas pour 4 personnes

« On a pu développer plein de choses, donc ça prouve que c’est possible. »

Pour l’instant, “l’après confinement” est très flou pour Emma et le personnel de l’école. Elle n’a eu aucune information sur le devenir de ces familles.
Elle espère néanmoins, que l’on tirera des leçons de cette crise sanitaire et se félicite de la solidarité qui s’est créée à Lyon en si peu de temps.

« On a pu développer plein de choses, donc ça prouve que c’est possible. »

Selon elle, on assiste à une prise de conscience collective de certaines réalités sociales. Elle prend l’exemple des chambres d’hôtel réquisitionnées par la préfecture pour les sans-abri :

« ça prouve que les choses bougent ».


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