En attendant, envois de mails, coups de fil, visioconférences pour certain.e.s enseignant.e.s, rapports heurtés avec l’administration, (léger) désarroi en entendant Jean-Michel Blanquer, coups de stress, récit d’anecdotes avec humour et vague à l’âme : plusieurs d’entre vous ont bien voulu partager cette expérience sur Rue89Lyon. N’hésitez pas à nous contacter (hello@rue89lyon.fr) pour que l’on échange et que l’on vous pose nos questions.
Ci-après, un second récit, celui d’une enseignante en Lettres, exerçant dans un collège à Lyon, pour des classes de 6ème et de 4ème et assurant aussi le rôle de prof principale.
À partir de l’annonce du confinement, nous avons eu un jour pour préparer nos élèves, notre matériel, recenser qui avait du matériel informatique chez soi et qui n’en avait pas. Il a fallu être réactif, on sentait qu’on attendait beaucoup de nous. Le Ministre a immédiatement annoncé que nous étions prêts, alors que nous ne l’étions pas du tout.
En tant que professeur, on a l’habitude du travail à domicile pour préparer nos cours mais notre job est avant tout une relation. Chacun sait à quel point le système éducatif français est encore archaïque (photocopies – énormément !) tableau Velleda et feutres, évaluations sur copies doubles, une petite salle informatique avec 12 postes défectueux (pour un collège de plus de 600 élèves).
Certes, de nombreux essais et formations numériques peuvent donner l’illusion qu’on se met dans le coup mais notre précarité ne nous permet pas de mettre en pratique les quelques conseils théoriques que l’on apprend en formation. C’est un peu comme un projet pédagogique ou culturel : on a beaucoup d’idées, d’enthousiasme, on y croit puis vient le mur des contraintes administratives, techniques et matérielles qui rend le projet énergivore et souvent impossible.
Depuis quelques années, nous sommes bien sûr dotés d’un ENT (environnement numérique de travail) bien pratique mais c’est un outil limité qui permet surtout pour faire le lien avec les cours (il donne l’emploi du temps, permet une communication interne et avec les familles et on y met le contenu vu pendant la séance et les devoirs à faire), de TBI (tableaux numériques interactif) dans les classes (la plupart du temps) que nous utilisons quasi exclusivement comme vidéo projecteur et de quelques tablettes fournies par la Métropole (environ une soixantaine pour presque 700 élèves).
Mais ces outils sont plus souvent sources de complication avec tous les bugs et soucis techniques du quotidien (problèmes de connexion, de batterie, de réseaux, de dégradation, de nombre insuffisant, etc.) et sont finalement très peu pris en main.
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J’ajoute que, disposant de très peu d’ordinateurs et de cours en effectif réduit, les élèves n’apprennent quasiment pas à se servir des outils informatiques. Ils ne maîtrisent pas la création et le transfert de fichiers.
Bref ça fait quelques années qu’on essaie d’apprendre à se saisir de la révolution numérique mais on était loin d’être au point, matériellement et techniquement.
Trop de modalités et de supports différents selon les professeurs
L’annonce que nous étions prêts nous a donc un peu fait peur. Nous avons été d’abord noyés par la proposition d’outils (publicités, dispositifs ministériels, offre promotionnelles limitées pendant le confinement).
Nous avons ouvert des comptes un peu partout, feuilleté des manuels en ligne, des sites interactifs, des ressources « clefs en main », puis on a reçu des injonctions ministérielles à utiliser ou ne pas utiliser tel ou tel logiciel (« okay exceptionnellement pour discord » puis « non pas de discord », etc. ), ou encore des lettres émanant de divers corps de l’Inspection académique nous expliquant ce que signifie « continuité pédagogique » : s’en tenir à des révisions / ne pas introduire de nouvelles notions / continuer le programme, tout en « respectant notre liberté pédagogique ».
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