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Confinés dans la rue : « Je mange des pâtes tous les jours sans beurre ni sel »

[Confinés dans la rue 4/5] Alors que la majorité de la population s’est confinée, les personnes sans abri ont perdu des repères. Yves Petit, membre de l’association ATD Quart Monde tente de rester en contact avec certaines d’entre elles. Il nous raconte comment la situation de ces personnes en grande précarité s’est encore empirée, craignant …

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Le jeudi 19 mars, jour 3 du confinement à Lyon. Beaucoup de structures pour apporter de l'aide d'urgence était fermées ©LB/Rue89Lyon. Une personne sans-abri devant la Grande pharmacie lyonnaise, rue de la République

[Confinés dans la rue 4/5] Alors que la majorité de la population s’est confinée, les personnes sans abri ont perdu des repères. Yves Petit, membre de l’association ATD Quart Monde tente de rester en contact avec certaines d’entre elles. Il nous raconte comment la situation de ces personnes en grande précarité s’est encore empirée, craignant surtout que ce lien soit de plus en plus difficile à maintenir. Face à une telle situation, certains sans-abris pourraient perdre tout espoir de s’en sortir.

Lundi 23 mars, jour 7 du confinement. Yves Petit a recueilli le témoignage de Denis, qui vit dans son camion.

« Je devais partir travailler dans les champs en Ardèche »

Denis vit dans un camion depuis plusieurs années, dans un quartier de Villeurbanne.

« C’est la merde. Il n’y a aucune information délivrée par l’Etat pour les gens comme nous. Cela fait une semaine qu’on attend. En ce moment, je squatte le bâtiment d’un pote pour charger mon portable pendant la journée parce qu’il n’y a rien d’ouvert. Je ne sais pas combien de temps cela va durer. Si cela dure jusqu’au mois de juin, cela va être la merde de chez merde. Pour ma part, il me reste 15 jours de chômage que je dois percevoir au début du mois d’avril. Cela va à peine rembourser le découvert que j’ai déjà à la banque. Et puis, direct derrière je vais être obligé de retaper dans le découvert. Je ne sais pas comment je vais faire pour enclencher le RSA. Je n’aurai plus rien. Je vais pas pouvoir rembourser les factures que j’ai pas encore payées pour le téléphone. Du coup, je vais être coupé. Déjà qu’en ce moment, je n’ai pas l’internet. Je suis obligé de gratter les réseaux wifi gratuits que je trouve ».

Il poursuit :

« Je devais partir travailler début mai dans les champs en Ardèche avec le même pote que les années précédentes. En ce moment, mon pote est bloqué au Portugal. Et puis, pour que le patron nous embauche, il faut aller lui demander tous les jours jusqu’à ce qu’il en ait marre et qu’il décide que c’est toi qu’il va embaucher. Des fois, tu restes une dizaine de jours en attente avant que le mec se décide à te dire ‘Ok, viens travailler’. C’est pour cela qu’il faut un minimum de pécule pour pouvoir se nourrir pendant ce temps là, parce là-bas, il n’y a pas les associations qu’il y a à Lyon ».

« Dans mon camion, il n’y a ni électricité ni eau »

« J’ai absolument besoin de ces trois mois de boulot pour faire suffisamment d’heures et prétendre à un quatrième mois avant d’enchaîner sur les vendanges, pour avoir un minimum de chômage l’hiver prochain. Je dors dans mon camion depuis des années, mais il tombe en lambeau. La porte est toute déglinguée et il prend l’eau de partout. Et dès qu’il y a du soleil, je crève de chaud. Je ne peux même pas bouger le camion parce que je n’ai pas de batterie. Et justement, le but de cette année, c’était de pouvoir gagner suffisamment pour pas tout dépenser dans la survie et acheter un nouveau camion. Et puis, j’avais enfin réussi à obtenir le document qui permet de faire la demande à Pôle Emploi pour me financer le permis parce que je peux plus continuer à me déplacer sans permis comme je fais. J’en ai marre de jouer au chat et à la souris. Si la commission avait accepté mon dossier, j’aurais pu avoir un financement de 1 200 euros. C’était le but de mon année ».

Une galère pour la nourriture :

« Mais maintenant, je me concentre sur autre chose pour survivre. Je suis dans le camion, mais il n’y a pas d’électricité et il n’y a pas d’eau. Pandémie ou pas pandémie, je suis bien obligé de sortir. J’ai un pote qui avait récupéré des pâtes et des boîtes de sardines. On a partagé ce qu’il avait. Il m’a donné 5 kilos de pâte et 12 boîtes de sardine. Il m’en reste 7. Je les compte. Et manger des pâtes tous les jours sans beurre et sans sel, je peux te dire que c’est dur. Et je ne sais pas combien de temps je vais tenir avec la bouteille de gaz qu’un autre pote m’a donnée ».

Sur la nourriture et l’accès aux Restos du cœur :

« Je sais bien que je peux aller à Flachet mais je veux être au minimum en contact avec les gens. J’ai pas forcément non plus envie de faire trois heures de queue pour récupérer une soupe ».

« J’aimerais pouvoir m’en sortir par moi-même »

« J’essaye de relativiser en disant que j’ai le sourire, mais à un moment donné, je ne sais pas comment faire à part bosser à fond pour me faire un peu de blé. Même si en mai, tout cela se finit, on n’arrivera pas à partir travailler si on n’a pas un minimum d’argent. J’aimerai pouvoir m’en sortir par moi-même ».

Denis a été contacté sur Facebook par deux bénévoles du lieu d’accueil où il a ses habitudes et qui est fermé depuis une semaine.

« Les appels Facebook, c’est bien gentil mais cela ne change rien à ma situation. »

Je me sens aussi concerné par cette remarque ! Denis poursuit :

« On est dans la merde et ils ne font rien. Il y a des annonces pour les entreprises, pour les autres et rien pour nous. La crise financière, on va vraiment la prendre dans la gueule. Et s’ils sortent de l’argent, ils vont le donner pour les hôpitaux, pour les masques. Qu’est ce que tu veux qu’ils aident ceux qui sont dans la merde ».

Et de poursuivre :

« Et maintenant, quand les policiers me voient, ils se foutent de ma gueule. Ils disent : ‘ouais, lui il est SDF’, alors que normalement, ils ne me remarquent même pas. Je suis habillé proprement, je me tiens comme tout le monde, ils ne voient pas que je galère ».


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