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Débat sur la culture à Lyon en 2020 : « Réclamons un deuxième tour ! »

Pierre Desmaret, fondateur de la compagnie Le Fanal, a assisté au débat organisé par Rue89Lyon et le Petit Bulletin, dédié à la place de la culture dans Lyon et dans sa métropole. Les candidat.e.s ont en pleine campagne donné des points de vue, des positions divergentes, et le metteur en scène en a tiré un récit que nous publions volontiers.

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Le premier débat de cette campagne électorale organisé par Rue89Lyon et Le Petit Bulletin. ©Houcine Haddouche

Un supplément sera prochainement publié par le Petit Bulletin. Et, à venir, une vidéo de cette très riche soirée d’échanges entre candidat.e.s à ces élections municipales 2020 : poursuivons le débat notamment via les commentaires.

Le premier débat de cette campagne électorale organisé par Rue89Lyon et Le Petit Bulletin. ©Houcine Haddouche
Le premier débat de cette campagne électorale organisé par Rue89Lyon et Le Petit Bulletin. ©Houcine Haddouche

« Grâce à Rue89Lyon et le petit Bulletin, nous avons pu découvrir les visages et les programmes culturels des candidat(e)s à la Mairie de Lyon réuni(e)s ce mardi soir dans la très baroque Chapelle de la Trinité. Enfin presque, la représentante du RN, Agnès Marion ayant quitté l’assemblée, indisposée par la pertinente présence de manifestants à l’extérieur de la Chapelle Ampère.

Outre que cette initiative inédite doit être saluée – ce qu’aucun candidat n’a manqué de faire -, chaque « camp » a été remarquablement incarné par son/sa champion(e), tout(e)s candidat(e)s au trône sauf Jean-Yves Sécheresse, délégué par l’équipe Collomb pour remplacer Yann Cucherat, qui, plaisante Sébastien Broquet, avait sans doute piscine. Le constat général c’est que la Culture c’est 20 % du budget de la Ville, ça fait plus ou moins 120/135 Millions, immobilisés dans les institutions toutes remarquables, cela va de soi.

« C’est dire, ma femme est artiste »

Partant de ça, qu’est-ce qu’on fait pour marquer sa différence ? Dalya Daoud ouvre le banc.

En commençant par la gauche, le candidat de droite, indubitablement, Etienne Blanc, bonhomme grand, enfoncé tranquille dans son fauteuil avec son micro posé sur un ventre un peu replet mais pas trop, grand physique soigné par des marches digestives avec Laurent Wauquiez. Le truc qui l’énerve dans tout le sujet de la culture ? Les tuyaux des orgues de nos églises fort négligés par les deux mandats précédents… Non mais quel scandale ! Facile Pour Georges Képénékian toujours prêt à dégainer son expérience – réelle – d’élu à la culture sur deux précédents mandats : « avant de refaire l’orgue, il vaut mieux refaire le toit de l’église ».

La « réal politique culturelle » face aux « délires » des autres candidat(e)s. Le coup de passe-passe budgétaire d’Etienne Blanc, c’est d’affecter des marges futures de la Ville aux nouveaux projets culturels. Sauf si, évidemment, il y a une crise, une crue du Rhône qui risque bien d’embarquer sa nouvelle cité lacustre avec sa candidature à la Mairie.

Puis à sa gauche, la droite lyonnaise, modérée, campée dans la rondeur Labichienne de Denis Broliquier, qui adore la culture, « c’est dire, ma femme est artiste »… Alors là, c’est autre chose, la pure posture de bourgeoisie provinciale, plutôt sympathique, mais n’ayant pas du tout de pensée autre qu’un défilé de poncifs et d’a priori sur, par exemple, le projet illisible des « Subs ».

Cette fois, c’est le camp Collomb représenté par Jean-Yves Sécheresse, ainsi que Nathalie Perrin-Gilbert (NPG) qui s’y collent, en rappelant à quel point le nouveau projet des Subsistances est enthousiasmant. Monsieur Perrichon se renfrogne un peu, n’en pensant pas moins, on reverra ça du côté d’Ainay.

L’argent de la Métropole

Ensuite vient le cas Grégory Doucet, décontracté et concentré, s’exprimant clairement et sans note, justifiant au passage sa position de leader des sondages. Il déroule son approche écologiste de la culture qui reste encore emmêlée, là encore, dans une difficulté à décliner concrètement une écologie culturelle…

Du coup on se perd un peu dans les méandres de la participation citoyenne : «  faites-moi remonter ce que vous voulez chers citoyens, on va faire dans le transversal ».

S’annonce Georges « fingers-in-the-nose » Képénékian. Souvent énervé par la candeur (pour ne pas dire autre chose) des propositions des autres candidats, il montre bien que la Culture dans une ville comme Lyon est devenue une affaire très technique et que, ‘si je veux bouger un curseur là ou là, ça va être compliqué parce que ça et ça… Et que c’est pour ça qu’on a fait ça donc si veux faire ça , faut tenir de compte de ça, sinon ça va pas le faire’.

Pour ré-insuffler du cash dans, comprend-on, les compagnies, on va taxer la Métropole de 10 millions d’euros, Georges donnant pour acquise cette disposition. Aucun(e) candidat(e) ne lui fait remarquer que cette –plutôt bonne- idée aurait pu être déjà être appliquée pendant son mandat… Mais bon.

Et la gauche sur la Culture ?

Au tour de Nathalie Perrin-Gilbert qui est incontestablement une bretteuse de haut vol, elle connaît les dossiers de son arrondissement, rien ne l’énerve plus que l’évènementiel, le clinquant, l’attractivité, la hausse du prix du m2, et le ‘système Collomb en général’. Pourtant à l’écouter évoquer son projet pour l’ancienne école des Beaux-Arts, reconfigurée en « mini-quartiers » où seraient rassemblés culture, fablab, artistes de toutes disciplines, un peu d’immobilier quand même, on se dit qu’elle rêve, sur les pentes, à un Hôtel-Dieu new génération et bobo.

Et on ressent dans ces quelques interactions entre candidats que le caractère de Gérard Collomb a infusé à l’intérieur même des élu(e)s qui le côtoient au plus près, dont NPG.

Cela étant, elle reste, du fait de sa combativité, une adversaire redoutable et probablement quelqu’un qui maitrise assez bien la machine municipale.

La grosse déception, du moins sur le sujet, est Sandrine Runel, représentant quand même les forces de Gauche (enfin PS et PC, enfin ce qu’il en reste). Trop appliquée, semblant débiter ses arguments comme on passe des portes en chasse-neige, elle se sera prise dans plusieurs écueils : défendre des spectacles dans des églises, retrouver le -vrai- sens de la Fête des Lumières (religieux donc !), ouvrir les bibliothèques le dimanche (ben voyons). On lui souhaite bon courage pour sa réunion bilan, et on souhaite aussi que la revalorisation des MJC ne soit pas le seul projet pour cette gauche locale.

Qui pour définir une direction culturelle forte ?

Jean-Yves Sècheresse est apparu comme plus qu’un second choix, arrivant en dernière position pour balancer un ‘je préfère la solidarité plutôt que la dissidence à Georges Képénekian’. Pas facile puisque ce dernier a grosso modo revendiqué le bilan culturel du mandat, que pouvait-il, lui l’élu à la Sécurité, trouver comme marge de manœuvre ? On croit déceler qu’une ouverture sur le social, et le statut des artistes, évoqué en tout dernier point, pourrait être un axe de politique culturelle du clan Cucherat.

On s’étonne en effet que lui seul (avec NPG pour les conditions de travail à l’Opéra) ait évoqué la question culturelle par cet axe des « statuts » certes un peu fourre-tout, mais qu’on aurait plutôt attendu chez sa voisine du PS ou du candidat EELV.

En tout cas, il montrait ici une connaissance un peu plus marquée des conditions d’exercice et donc de vie des artistes dans la ville, ne débitant pas seulement la doxa « culturelle » de l’attractivité de la ville, de son rayonnement, blabla.

Excellente « première fois »

Alors en conclusion, la remarque qui s’impose c’est qu’aujourd’hui, à Lyon (comme en France probablement), aucune équipe ne prend le risque de définir une direction culturelle forte, personne ne renverse la table, n’ose toucher aux institutions, ni aux évènements, au mieux entendrons-nous qu’il faut un rééquilibrage chez EELV immédiatement contrecarré par un « qui on dégage alors ? » des papys Collomb. Sans doute, le RN, s’il avait été présent, aurait bousculé ce jeu quelque peu verrouillé par les possibles alliances au second tour.

Cependant, la tranquille détermination de Grégory Doucet et la tendance générale en faveur de l’écologie est porteuse face à des candidatures plus âgées, qui font valoir leur expérience, mais avec une position en surplomb, qui, à mon sens, affaiblit plus qu’elle ne renforce. Mais le candidat EELV ne peut tout attendre de l’idéal participatif sur lequel il s’appuie constamment et qui peut, au final, s’avérer peu efficace dans la complexité municipale.

Après cette excellente « première fois », on pourrait rêver à une nouvelle rencontre, où les candidats seraient confrontés à des thèmes concrets dont ceux qui sont apparus en filigrane, comme rassembler excellence et proximité, accessibilité et exigence, demander des comptes et exiger le respect des obligations sociales etc. Face à l’énorme appareil qu’est la Ville de Lyon, le jeu apparaissait déséquilibré entre les candidat(e)s qui n’y connaissent pas assez et les autres qui s’y connaissent un peu trop.

On a senti, en plus, que Dalya Daoud et Sébastien Broquet étaient désormais prêts à en découdre pour faire un peu grincer la petite musique baroque, interprétée par nos candidats et candidates dans la Chapelle de la Trinité.

Réclamons un deuxième tour ! »


#Culture

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Extrait du texte d'Alexis Jenni, Les patates farcies
Margaux Létang, lauréate du concours "Lyon, des nouvelles de 2050". ©Rue89Lyon

Photo : Rue89Lyon

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