A Paris, à la veille de Noël les danseuses de l’opéra interprétaient « Le Lac des cygnes » sur le parvis du palais Garnier, devant une grande banderole « Opéra de Paris en grève ».
Le 14 janvier dernier, à Lyon, des professionnel.les de la culture formaient un cortège funèbre devant l’opéra pour « enterrer notre système de solidarité ».
« Cérémonie d’enterrement des retraites » devant l’opéra de Lyon #lyon pic.twitter.com/bdVZx764oo
— Le Progrès Rhône (@leprogresrhone) January 21, 2020
Un débat pour refaire de la culture un enjeu des élections
Contre la réforme des retraites, des « actions théâtralisées »
Le 30 janvier, avant une représentation de La Tosca, le chœur et l’orchestre de l’Opéra de Lyon entonnent « Va pensiero », le chœur des esclaves extrait de l’opéra Nabucco de Verdi, sous une vidéo des différents secteurs en grève contre la réforme des retraites : enseignants, avocats, soignants… Une action reconduite avant chaque représentation de La Tosca.
Ce mardi 11 février, une petite troupe d’une centaine de personnes ont déambulé tout l’après-midi dans le quartier de la Part-Dieu de la CARSAT à Pôle emploi via la CAF. A chaque étape devant chacune des institutions, des prises de paroles ont raconté un bout de l’histoire de la protection sociale à la Française.
En fil rouge, ces « travailleurs et travailleuses de la culture » entendaient rendre hommage à Ambroise Croizat, le « père de la Sécurité sociale », comme écrit dans un tract distribué aux employés, forcément « macronistes », des bureaux alentours.
Au son de la trompette, l’action se voulait festive et non-violente.
Ce sont ces actions « théâtralisées » qui se sont multipliées depuis début janvier. La première « performance » a consisté dans la distribution d’un courrier mystère aux derniers visiteurs de la Biennale d’art contemporain.
Mini manif et actions festives de @Culturo_poing à #Lyon en hommage à A. Croizat « père de la Sécurité Sociale ».
>> Article à venir sur ce collectif regroupant des personnes de la #culture mobilisées contre la #reformedesretraites pic.twitter.com/lW7yKMs5rQ— Rue89Lyon (@Rue89Lyon) February 11, 2020
« La culture, ça fédère »
Jusqu’ici peu représentée dans les mouvements sociaux, la culture a fait une apparition remarquée dans les mobilisations contre la réforme des retraites. Dès le 5 décembre, les étudiants des Beaux-Arts avaient surpris les manifestant.es en débarquant avec une énorme banderole renforcée clamant « Grève humaine ».
Au-delà des syndicats du secteur, les professionnel.les de la culture se sont rassemblé.es en divers collectifs. A Lyon, le collectif « Culture au poing » réunit les salarié.es de l’opéra, les ouvreur.ses, les bibliothécaires et des intermittent.es.
Cette manière de travailler en collectif, mais en lien étroit avec l’intersyndicale, s’est prolongée à d’autres secteurs avec « Arts en grève » formé, à Lyon, essentiellement par des plasticien.es et des élèves des écoles d’art comme Emile Cohl.
A chaque grosse manifestation interprofessionnelle, les banderoles « culturopoing » et « arts en grève » rassemblent, au milieu des cortèges syndicaux, plusieurs centaines de personnes issues du monde de la culture. Particulièrement le 9 janvier dernier.
Un cortège artistes encore très fourni. Banderoles, pancartes et fanfare #9janvier2020 #Lyon pic.twitter.com/nUTmWnBzmC
— Rue89Lyon (@Rue89Lyon) January 9, 2020
A la création du collectif « culture au poing », on retrouve des bibliothécaires et/ou des syndiqué.es de la CGT Spectacle et SUD Culture qui voulaient, en ouvrant la mobilisation à des personnes hors syndicat dans la culture, ramener plus de monde. De ce point de vue là, c’est une réussite. Une bibliothécaire syndiquée à SUD explique :
« C’est plus mobilisateur que de défiler derrière une banderole Ville de Lyon. La culture, ça fédère. Avec cette étiquette syndicale ou Ville de Lyon, on aurait jamais eu autant de monde ».
A l’origine également, l’idée est aussi d’utiliser les bibliothèques et tous les lieux de culture comme des lieux de rencontre pour aller au contact des gens et informer.
Le véhicule de la culture contre la réforme des retraites
Un membre de du collectif « culture au poing », qui se fait appeler Camille Lagrange explique :
« Concernant cette réforme des retraites, nous n’avons pas de revendications spécifiques au monde de la culture. Nous mettons simplement nos compétences à profit sous forme d’actions théâtralisées. Nous ne sommes pas le Black bloc. Pour l’instant, nous sommes non-violents. Mais à force d’être attaqués de manière injustifiée par la police, comme lors de la manif du 6 février dernier, la colère monte ».
Les fonctionnaires territoriaux de la Ville de Lyon ou d’autres collectivités côtoient des pros de la culture beaucoup plus précaires.
Cet artiste de rue, intermittent du spectacle, poursuit :
« Personnellement, la retraite, je ne vais pas en avoir. Mais je me bats contre la disparition de la sécurité sociale en solidarité avec d’autres. »
« Comment prendre en compte les spécificités de nos carrières dans un modèle qui nivelle tout par le bas ? »
A mezza voce, pour contester la réforme des retraites, des professionnel.les du secteur des arts et de la culture mettent en avant les spécificités de leur travail, qui ont « souvent » pour conséquence des « carrières en dent de scie ».
Une lettre de 242 travailleur.es des arts et de la culture de plusieurs villes, dont le ballet de Lyon pose le problème :
Lettre au gvt signée par 242 travailleurEUSEs du spectacle
CNDC d’Angers, Malandain Ballet Biarritz, Ballet de Bordeaux, CCN Ballet de Lorraine, Ballet de Lyon, Ballet de Marseille, Ballet de Metz, Ballet du Rhin, Opera de Paris, Ballet Preljocaj#artengreve#cultureenlutte pic.twitter.com/rJnbblabaJ— Tristan (@tibty) January 26, 2020
Ce mardi 11 février, un intermittent en charge la sono annonçait la poursuite du mouvement :
« La mobilisation est encore forte même si elle s’essouffle. On est obligé de continuer. Si on lâche après plus de deux mois, il n’y aura plus de possibilité de luttes victorieuses ».
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