Julien Denormandie lui a demandé de « surseoir à la nouvelle organisation envisagée » qui comportait une « mise à l’abri » priorisée via des critères de « vulnérabilité » ultra restrictifs et pour une durée de deux mois.
Jeudi après-midi, à une délégation de travailleurs sociaux en grève, le représentant du préfet du Rhône avait parlé d’« incompréhension » à propos du plan de restructuration de l’hébergement d’urgence. Le rétropédalage était dans l’air.
Vendredi matin, au cours d’une réunion nationale sur le plan froid à Paris, le ministre du logement a été plus directif. Aux associations, notamment regroupées au sein de la Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS), il a indiqué « qu’il a demandé au préfet de surseoir à la nouvelle organisation envisagée et d’organiser dans les prochains jours des concertations avec les associations ». Ainsi le rapporte le cabinet de Julien Denormandie.
Contactée, la préfecture du Rhône ne fait évidemment aucun commentaire.
Son porte-parole indique seulement qu’« une réunion était déjà prévue avec les associations ». Un premier rendez-vous devrait avoir lieu dans « une dizaine de jours ».
Quelle concertation pour régler les problèmes de l’hébergement à Lyon ?
Même si le ministère ne parle que de « surseoir à la nouvelle organisation », on imagine mal le préfet du Rhône, au terme de la « concertation » avec les associations, ressortir les mesures qui ont suscité la colère de ces mêmes associatifs et des travailleurs sociaux. Pour rappel, la refonte annoncée fin octobre du dispositif d’hébergement d’urgence prévoyait des critères ultra restrictifs de « vulnérabilité » (priorité aux familles avec des enfants de moins d’un an) et pour une période de deux mois.
C’est tout le plan du préfet Mailhos visant à « fluidifier » l’hébergement d’urgence qui est remis en question.
Dans un communiqué, le collectif de travailleurs sociaux « hébergement en danger » s’est félicité des annonces du ministre. Mais sans plus de triomphalisme. Auprès de La Croix directeur de la FAS, Florent Gueguen, a insisté :
« Cette victoire ne règle en rien la situation d’extrême pénurie des places d’hébergement. »
Car les problèmes restent colossaux. Préfet comme associations, tout le monde est d’accord sur ce point : le système est saturé.
Il fallait une quinzaine de mois pour obtenir un hébergement. Des délais qui s’allongent alors que le nombre de places a quasiment doublé entre 2014 et 2019, passant de 3 095 à 5 983 dans le dispositif pérenne (chiffres préfecture).
Résultat, des milliers de personnes restent à la porte de l’hébergement d’urgence. Entre le 18 et le 24 novembre 2019, la Maison de la veille sociales (MVS) dénombrait 2 619 personnes qui ont appelé le 115 et ne trouvaient pas de places d’hébergement. Et pour accéder aux lits ouverts pour le plan froid, la commission urgence de la Maison de la veille sociale opèrent déjà un tri en fonction de critères de « vulnérabilité ».
Les acteurs mettent en avant la complexité du problème, comme les travailleurs sociaux dans leur communiqué :
« Réceptacle des dysfonctionnements des politiques publiques connexes, la demande d’hébergement ne cesse de s’accroitre et de connaitre des tensions.
En réaction à la décision du ministre, la Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS) demande qu’« une réelle concertation puisse être mise en place ». C’est toute la question.
La question des moyens se repose
Lorsqu’il présentait son plan de restructuration de l’hébergement d’urgence, le préfet Mailhos expliquait, en substance, qu’il n’était pas pertinent d’ajouter de nouveaux moyens puisque « malgré les efforts continus, les délais d’attente avant une mise à l’abri ont augmenté ». Et de conclure :
« Cette situation inacceptable est en grande partie causée par le manque de fluidité des dispositifs. »
Si le ministre de veut plus de ce plan de « fluidification », voudra-t-il mettre de nouveaux moyens dans l’hébergement d’urgence à Lyon et dans les autres services de l’Etat qui dysfonctionnent (on pense à l’hôpital ou la Direction de l’immigration de la préfecture) ?
Pour augmenter le nombre de places, c’est au niveau de l’Etat – et plutôt de l’Etat central que des services déconcentrés – que cela se joue.
Mais pas seulement. La Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS), plaide pour que les collectivités s’y mettent véritablement, même s’il ne s’agit pas de leur compétence directe :
« L’Etat, et à ses côtés la Métropole et le Département doivent assumer leurs responsabilités vis-à-vis des personnes en situation de rue ».
La FAS pourrait ajouter les communes. Mais à l’heure des élections municipales, les maires sortants ne vont certainement pas se précipiter pour ouvrir des centres d’hébergement.
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