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La lutte des classes au temps des « gilets jaunes »

La Villa Gillet a proposé à une historienne, un politologue et un analyste de débattre sur l’actualité de la lutte des classes, à l’heure du mouvement des « gilets jaunes », dans le cadre du Festival (Re)faire société : mode d’emploi.

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"Nouveaux visages de la lutte des classes" avec Jérôme Fourquet, Ludivine Bantigny et Thibault Muzergues, animé par Clémence Mary. © Bertrand Gaudillère / item

« L’Histoire de toutes sociétés jusqu’à nos jours, c’est l’histoire de la lutte des classes. »

C’est du moins ce qu’affirment Karl Marx et Friedrich Engels dans le Manifeste du Parti Communiste en 1848. Mais depuis le XIXe siècle, les classes sociales ont bien changé et les luttes sociales aussi. Aujourd’hui, quelle est la lutte des classes ? avec quelles classes sociales ?

C’est à ces questions qu’ont tentées de répondre Jérôme Fourquet, analyste politique et directeur du département « sondage et stratégie d’entreprise » à l’IFOP ; Ludivine Bantigny, historienne et Thibaut Muzergues, politologue, lors d’une conférence animée par la journaliste Clémence Mary.

Le retour de la lutte des classes

Il est bien loin, le rêve d’une société sans classe. On avait cru, à la fin du 20e siècle, que tout le monde allait pouvoir entrer dans la classe moyenne. Cette illusion de la société sans classe s’est évaporée. Les mutations économiques depuis les années 1980, et la crise de 2008, ont entraîné un décrochement d’une partie de cette classe moyenne. Tous les intervenants s’accordent à le dire: y a bien une division de la société en classes sociales.

« La classe ouvrière n’est plus représentée, mais elle n’a pas disparu. Tandis qu’une partie de la classe moyenne a perdu son statut. Ce qui marque le déclassement de ces membres de la classe moyenne, c’est le fait qu’ils n’aient plus accès aux biens de consommation et aux loisirs de leur classe. » Analyse Jérôme Fourquet.

Il ajoute :

« C’est cette classe moyenne privée de son accès à la consommation qu’on a vu descendre sur les ronds-points avec le mouvement des Gilets Jaunes. »

Pour les auteurs, les mouvement sociaux comme celui des « gilets jaunes » montrent que la division en classes implique une lutte entre ces classes.

« Ce que l’on peut voir avec ces nouvelles révoltes, c’est qu’elles révèlent les conflictualités.» Ajoute Ludivine Bantigny.

Même Thibault Muzergues, qui se présente comme un homme de droite, le reconnaît :

« Le grand défaut de la droite française, c’est qu’elle refuse le terme de lutte des classes. Contrairement aux conservateurs anglais, qui reconnaissent que la classe est la base de la politique britannique ».

Vote Macron, vote de classe

L’élection d’Emmanuel Macron marque aussi le retour d’une division sociale du corps électoral.

« On l’a vu à travers nos sondages IPSOS : en 2012, M.Hollande et M.Sarkozy marqués clairement la séparation entre les électeurs de droite et de gauche. Mais ils avaient des sympathisant dans les classes sociales hautes comme basses. » Précise Jérôme Fourquet.

« Mais en 2017, Emmanuel Macron lui, avait autant d’électeurs à gauche qu’à droite, mais il y avait un fossé entre les classes hautes qui votaient pour lui et les classes basses. Macron a marqué le retour de la division entre les classes. »

Pas de doutes donc parmi les intervenants donc : notre société est bien divisée en classe.

 

Une nouvelle division de la société

Thibault Muzergues, dans son ouvrage « La Quadrature des Classes », propose une approche très originale de la division en classe de la société. Selon lui, il existe en occident quatre classes sociales, qu’on peut identifier grâce aux résultats des dernières élections. Les classes créatives votant Macron, les Nouvelles minorités qui votent Marine Le Pen, les Millenials qui votent Mélenchon et enfin la classe moyenne provinciale, qui vote pour François Fillon. (Lire sa tribune)

Pour Jérôme Fourquet, une division en quatre camps électoraux est encore trop simpliste pour refléter une réalité complexe. Le titre de son ouvrage, « L’Archipel Français », explique bien son approche des classes sociales. Selon lui, il existe une multitudes de classes sociales, formant un archipel, susceptibles de s’allier ou de s’affronter.

Ludivine Bantigny s’oppose à ces deux approches :

« Je ne doute pas de la qualité du travail sociologique. Mais diviser la société en quatre classes ou en archipel, c’est passé à côté du clivage fondamental du rapport au capital. Ce clivage définit les deux classes dans la société. Mais bien sûr il ne faut pas les essentialiser, Karl Marx parlait bien de la pluralité de ces classes. »

La légitimité démocratique remise en jeu ?

Qu’il n’y ait que deux classes ou une multitude, le retour de la lutte des classes remet aussi en question les structures politiques actuelles.

« Jusqu’alors, le suffrage universel avait permis aux gouvernements occidentaux d’assurer leur légitimité. Le mouvement des « gilets jaunes » a violemment remis en question cette légitimité. Pour rappel, Macron n’a eu l’appui que de 12% des votants au premier tour » rappelle Ludivine Bantigny.

Les « gilets jaunes » et la gauche pourraient-ils s’allier pour faire advenir une démocratie plus populaire ? Rien de moins sûr, d’après Thibault Muzergues :

« On est plus dans l’ambiance de la République de Weimar de 1932 que celle de la Russie de 1916. »

>> Cet article a été initialement publié sur la plateforme Villa Voice.

Retrouvez ci-dessous la conférence dans son intégralité:


#Gilets jaunes

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