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Peut-on parler de l’anthropocène comme d’une expérience humaine ?

« Expérience esthétique et imaginaire de l’Anthropocène », une conférence à écouter le 27 novembre prochain aux Halles du Faubourg (de 18h30 à 20h).

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Centre commercial Auchan à Syracuse Nord (Sicile) ©Alfonso Pinto

La prochaine conférence des « Mercredis de l’anthropocène » est ainsi intitulée : « expérience esthétique et imaginaire de l’anthropocène  ». Une thématique, introduite ci-après par une tribune signée par Alfonso Pinto, chercheur postdoctoral à l’Ecole urbaine de Lyon, qui animera la conférence.


Au sein du riche et complexe débat que les sciences humaines et sociales mènent à propos du nouvel âge géologique, deux constats méritent une attention particulière.
Le premier concerne la difficulté de faire sortir la notion de l’anthropocène d’un terrain purement académique et scientifique. Il ne s’agit pas tout simplement de vulgariser des contenus scientifiques mais surtout de repérer au sein de notre « esprit du temps » la place occupée par la question des rapports entre homme et environnement.
Dans l’actuel contexte culturel, politique et social, l’anthropocène occupe une place majeure sans souvent que le nom « anthropocène » n’apparaisse.
Le deuxième constat concerne plus strictement le débat en cours et en particulier sa portée en termes d’échelles spatiales et temporelles. En effet, on a largement recours à des concepts tels que la Terre, la Planète, l’Homme, la Nature ou la Culture, et le risque est parfois celui que la grande échelle nous conduise vers un registre à l’apparence abstraite et trop théorique.

Les changements ont une dimension sensorielle précise

Peut-on parler de l’anthropocène, entre autres, comme d’une expérience humaine, à la fois individuelle et collective ? Le mot « expérience » est à utiliser dans son sens premier (du latin experire), au sens d’éprouver quelque chose au travers des apparats sensoriels.

Les changements que l’anthropocène cherche à décrire ont une dimension sensorielle précise et (souvent malheureusement) tangible et concrète. Si le premier niveau de l’expérience se joue sur le fait d’« éprouver » individuellement et collectivement des phénomènes qui atteignent l’environnement, il est tout à fait possible d’aller un peu plus loin en attribuant au mot « expérience » une dimension politique, historique et géographique.

La perception d’une série de changements particulièrement néfastes est aussi susceptible de contribuer à la définition de notre « esprit du temps » (ou du Zeitgeist pour le dire à la manière des Allemands), qui se manifeste en particulier dans nos rapports au temps (individuel et historique) et à l’espace (tant à niveau global que local).

Esthétique et anthropocène

La question esthétique est intimement liée à celle de l’expérience. La philosophie occidentale (Kant surtout) a justement évoqué l’idée d’une « expérience esthétique », qui par exemple, dans le cas du Sublime, fait du rapport entre Homme et Nature son élément crucial. De quelle manière donc le questionnement esthétique est-il susceptible d’exprimer l’expérience que nous éprouvons vis-à-vis de l’anthropocène ?

L’imaginaire : le trait d’union entre l’expérience et l’esthétique

Enfin, la discussion prendra en compte aussi la notion d’imaginaire, qui, d’une certaine manière, représente le trait d’union entre l’expérience et l’esthétique. Dans ce contexte on traitera l’imaginaire (géographique en particulier) comme un ensemble de représentations à la nature variée (images, récits, cartes, films, littérature, etc.), qui, dans leur interaction mutuelle, contribue à façonner notre imago mundi, (l’image que nous possédons de la Terre), mais aussi notre imago temporum (la manière dont nous nous représentons notre présent, notre passé et notre futur).

Centre commercial Auchan à Syracuse Nord (Sicile) ©Alfonso Pinto
Centre commercial Auchan à Syracuse Nord (Sicile) ©Alfonso Pinto

Intervenants

  • Elise DOMENACH est maîtresse de conférences en études cinématographiques à l’ENS Lyon et membre de l’Institut d l’Asie Orientale. Agrégée et docteur en philosophie, co-traductrice de plusieurs ouvrages de Stanley Cavell (Un ton pour la philosophie, Le cinéma nous rend-il meilleurs ? et Philosophie des salles obscures), elle est l’auteur de Stanley Cavell, le cinéma et le scepticisme (PUF, 2011). Spécialiste de philosophie du cinéma, elle travaille sur le scepticisme au cinéma. Récemment, elle a étudié le cas du nucléaire au cinéma, en travaillant deux ans au Japon sur les films sur Fukushima. Elle est l’auteur de Fukushima in Film. Voices from the Japanese Cinema /Fukushima au cinéma. Voix du cinéma japonais (Presses de l’Université de Tokyo, 2016).
  • Matteo MESCHIARI, professeur associé à l’Université de Palerme depuis 2015, où il enseigne la géographie et l’anthropologie de la communication. Ancien chercheur en patrimoine démo-ethno-anthropologique, il a enseigné l’anthropologie culturelle et l’anthropologie du paysage. Il a également enseigné en France dans les universités de Lyon, Avignon et Lille.

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