Derrière son expulsion se cache, selon les gérants du commerce, une augmentation des loyers. Une pression immobilière dans un secteur de la Presqu’île dont de nombreux commerces appartiennent à un fonds d’investissement d’Abu Dhabi. Le même qui a contribué à maintenir les commerces du quartier Grolée vides pendant de longues années.
Ils se pensaient à l’abri. Le samedi 3 août dernier, les propriétaires postaient un message de soulagement et de victoire sur leur page Facebook. Depuis le 3 juin planait en effet au-dessus de la tête de la pizzeria une procédure d’expulsion. Le délai de deux mois avait couru.
Deux jours plus tard, l’expulsion a tout de même eu lieu. Policiers, artisans et déménageurs étaient sur place pour vider l’emblématique pizzeria du nord de la Presqu’île de Lyon. Une expulsion, largement filmée, où l’on peut voir le commerce être vidé.
Deux jours après, c’est même l’enseigne qui est décrochée. Laissant malgré tout la trace de son nom, présent à Lyon depuis 1965.
La pizzeria était en difficulté. En 2017, elle avait été placée en redressement judiciaire. Un plan de dix ans avait été établi en 2018, comme l’indiquait Lyon Capitale. Un an plus tard, une procédure d’expulsion était prononcée pour défaut de paiement de loyers. Des loyers finalement payés, en retard, à cause de la trésorerie délicate, selon la pizzeria.
Jusqu’à cette expulsion effective du 5 août dernier.
Des hausses de loyers qui font partir les petits commerces
Le cas de la pizzeria Carlino, met en lumière la pression immobilière instaurée par les fonds d’investissements propriétaires de nombreux commerces et bureaux dans ce secteur de la Presqu’île. Une pression qui se traduit par des hausses conséquentes de loyers.
Nathalie Carlino indiquait ainsi à 20 minutes que le loyer de sa pizzeria avait été multiplié par 5 entre 2010 et 2017. La pizzeria devait depuis un an s’acquitter d’un loyer de près de 3000 euros par mois (un chiffre contesté par le bailleur). Une somme conséquente pour un commerce indépendant en difficulté.
Le quotidien pointait le cas du pâtissier Debeaux, qui laissera son local non loin de là à la fin de l’année. En cause ? Toujours la même chose : des loyers qui augmentent et que des commerces de quartier ne peuvent plus assumer.
Le local de la pizzeria Carlino appartient au fonds de pension ADIA (Abu Dhabi Investment Authority) via la société gestionnaire Firce Capital. Cette société, dirigée par Christophe Fournage, et est bien connue dans ce secteur de la Lyon. C’est elle qui gère en effet les commerces du quartier Grolée à quelques pas de là.
Opération « République Grolée Carnot » : le quartier fantôme de Lyon se réveille-t-il ?
Le même fonds d’investissement qui a fait de Grolée un quartier fantôme
Un secteur où la spéculation financière et immobilière sur les immeubles et pieds d’immeubles commerciaux a été particulièrement intense ces dernières années. Un secteur emblématique de ses conséquences pour le commerce : des locaux restés vides très longtemps, aux loyers inaccessibles pour les commerces indépendants et destinés à de grandes enseignes. Qui ont finir par arriver l’an dernier.
Une situation qui guette les derniers commerces de quartier et indépendants du nord de la Presqu’île ? Selon l’association de commerçants Carré Nord Presqu’île cité par 20 minutes, c’est inévitable :
« ADIA s’est porté acquéreur en 2016 de 8 commerces dans le quartier, explique Carole Chateau, porte-parole du Mouvement Carré Nord presqu’île. Il détient déjà la moitié de la rue de République et la quasi-intégralité de la rue Grolée ».
Et la mairie de Lyon ? Il y a deux mois, Gérard Collomb avait indiqué au même journal que « en tant que collectivité publique, [elle] ne peut rien faire. Nous ne pouvons pas intervenir dans des contentieux opposant des bailleurs privés et des locataires ».

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