La peine est plus lourde que la réquisition du ministère public.
Après la condamnation à 4000 euros d’amende (80 jours amende de 50 euros) d’Yvan Benedetti, il y a près d’un an, pour reconstitution de ligue dissoute, le parquet avait fait appel.
Lors de l’audience devant la cour d’appel de Lyon, en mai dernier, l’avocat général avait requis 6 mois de prison avec sursis et trois dans de privation de droits civiques, civils et familiaux. Ce 11 juin, les juges de la cour d’appel de Lyon ont donc partiellement suivi les réquisitions. En alourdissant la peine de prison mais en rejetant la privation de ses droits.
« Je savais que j’allais être condamné puisque je me suis toujours dit coupable de maintien de ligue dissoute. Mais après 4 ans d’enquête et d’investigation, c’est quand même la montagne qui accouche d’une souris. Je prends ça pour une victoire », a indiqué à Rue89Lyon Yvan Benedetti qui n’était pas présent au rendu de l’arrêt de la cour d’appel de Lyon.
Le nationaliste évite une nouvelle peine financière. Déjà condamné à payer près de 60 000 euros d’amende après de multiples condamnations, il a toujours affirmé n’avoir aucune intention de les payer un jour.
L’Oeuvre française dissoute en 2013 mais maintenue au moins jusqu’en 2014
Son mouvement de l’Oeuvre française, vieille formation nationaliste pétainiste, et celui des Jeunesses Nationalistes de son compère de l’époque Alexandre Gabriac, avaient été dissous par Manuel Valls en 2013. Une dissolution intervenue dans la foulée de la mort de Clément Méric, militant antifasciste décédé après une rixe avec des membres des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (mouvement différent de celui dirigé alors par Alexandre Gabriac).
Le ministère de l’Intérieur entérinait alors la dissolution de quatre groupuscules dont l’Oeuvre française de Benedetti et les Jeunesses nationalistes de Gabriac (lire ici). Déboutés par le Conseil d’État, les deux mouvements avaient alors présenté un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH).
« On attend d’ailleurs son jugement sous peu. J’avais dit que l’Oeuvre Française existerait encore alors qu’on aurait oublié Manuel Valls et François Hollande. C’est ce qu’il se passe », clame Yvan Benedetti.
Leur condamnation en juillet 2018 portait sur une période de 11 mois (du 26 juillet 2013 au 26 juin 2014). Période pendant laquelle, au terme d’une instruction, le tribunal a considéré que les activités militantes d’Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac ont continué comme avant la dissolution annoncé le 24 juillet 2013.
Une dissolution qui a fait du mal mais relancé d’autres formations nationalistes
Depuis, Alexandre Gabriac, s’est mis en retrait du mouvement nationaliste malgré quelques actions sporadiques. Il a rejoint l’Isère et le mouvement catholique extrémiste Civitas.
De son côté, Yvan Benedetti se présente toujours comme le président de l’Oeuvre française. Il a lancé en 2016 le Parti nationaliste français (PNF) pour poursuivre son action avec la même idéologie : travail, famille, patrie.
Les deux exclus du Front National, avaient reconnu en marge de l’audience de première instance un coup dur porté à leurs mouvements.
« Cette dissolution nous a tués. Avant, nous étions le premier mouvement nationaliste. Quoi qu’en dise l’accusation, nous n’avons pas réussi à reconstituer une organisation. Des militants se sont découragés. Après la dissolution, on a réussi à perdurer quelques mois. Mais sans locomotive et avec toute cette répression, les militants sont partis dans la nature. », indiquait Alexandre Gabriac.
Yvan Benedetti reconnait aujourd’hui également un « trou d’air » :
« Outre le découragement des militants, c’est toute une structure qui est mise à mal. Cela crée un gros trou d’air. Une grande partie de notre énergie est consacrée à lutter contre la répression et donc ça nous détourne de notre combat premier ».
Yvan Benedetti parmi les « gilets jaunes » pour capitaliser sur la « période révolutionnaire »
Récemment, Yvan Benedetti a aussi fait parler de lui. Il s’est rendu dans les rues de Paris aux côtés des « gilets jaunes », dont il se revendique. Un mouvement social sur lequel se sont greffés un temps de nombreux groupuscules d’extrême droite comme le Bastion Social, notamment à Lyon, l’Action Française ou encore la Ligue du Midi.
Yvan Benedetti avait d’ailleurs été repéré par des militants antifascistes avec lesquels il avait échangé des coups lors de la manifestation du 1er décembre 2018.
Le mouvement des « gilets jaunes » a été une occasion pour certaines formations d’extrême droite de tenter de capitaliser et d’attirer à elles des militants dans un contexte « révélateur d’une période révolutionnaire » selon Yvan Benedetti.
Récemment, le 25 avril 2019, il était entendu par la commission d’enquête parlementaire consacrée à la lutte contre les groupuscules d’extrême droite et lancée en janvier 2019. Lors de son audition, celui qui s’est défini par le passé ouvertement comme « antisémite, anti-juif et anti-sioniste », aurait tenu des propos négationnistes. La présidente de la commission, la députée La France insoumise Muriel Ressiguier, a décidé de signaler ses propos au procureur de Paris. Une enquête a été ouverte contre Yvan Benedetti.
Le milieu nationaliste a connu de nombreux coups durs ces dernières années. Après la dissolution de l’Oeuvre Française et des Jeunesses Nationalistes et Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires en 2013, c’est le Bastion Social (ex-GUD) qui a connu le même sort cette année. En revanche, pas question pour Yvan Benedetti de se réjouir d’une possible arrivée de nouveaux militants venus de ces formations disparues
« C’est trop tôt pour dire si la dissolution du Bastion Social nous a servis. Il n’est de toute façon pas question de se partager les morceaux entre les autres mouvements nationalistes. Il faut plutôt le soutenir comme je l’ai fait. Et le jugement contre moi aujourd’hui est de nature je crois à leur redonner confiance».
Yvan Benedetti pourrait se représenter aux municipales en 2020
En 2014, Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac avaient mené une liste lors des élections municipales à Vénissieux. Élu conseiller municipal, le préfet du Rhône avait alors demandé l’annulation de son élection ainsi que d’une de ses colistières. Jean-François Carenco, préfet de l’époque, estimait que près de la moitié des personnes présentes sur la liste nationaliste « Vénissieux fait front » ne souhaitait pas y figurer. Les élections avaient été invalidées et de nouvelles s’étaient tenues en 2015. Va-t-il remettre ça en 2020 malgré la difficulté pour constituer des listes ? Ce n’est pas à exclure.
« Il y a de grandes chances que je me réinvestisse pour les municipales 2020. Dans la région de Lyon ou ailleurs », nous a indiqué celui qui a quitté Lyon et est officiellement domicilié en Corse.
Il entend incarner le nationalisme que « Marine Le Pen ne représente pas » avec un de ses mouvements politiques : le PNF ou Les Nationalistes « qui a une vocation plus large ». Ses formations n’auront pas nécessairement pour but de « monter des listes partout où c’est possible mais pourront soutenir des listes municipales réellement nationalistes ».
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