Pascal Waldschmidt, maire de Beaumont en Ardèche, est le maître d’ouvrage des Bogues du Blat, passionnant projet qui doit faire vivre son territoire et le sortir de funestes destinées.
Il est invité dans le cadre de la conférence « Logement social et territoires ruraux » et entrera en dialogue avec Loïc Bonneval, sociologue, maître de conférences à l’Université Lumière Lyon 2, membre du Centre Max Weber, qui travaille sur les acteurs des marchés du logement. Ses travaux articulent sociologie urbaine et sociologie économique.
Nous publions ci-après le texte de Pascal Waldschmidt.
Une volonté communale de développement
Située sur le versant cévenol de l’Ardèche du sud, la commune de Beaumont a engagé, depuis une quinzaine d’années, une politique de développement pour enrayer le déclin de l’agriculture et le vieillissement de la population.
Le principal obstacle à l’installation de jeunes actifs réside dans la grande difficulté d’accès au foncier, bâti et non bâti. On compte, en effet, une centaine d’habitations permanentes, quelque cent cinquante résidences secondaires, une quarantaine de gîtes pour le tourisme saisonnier, et moins d’une dizaine de logements locatifs à l’année.
Aussi, outre son action dans le domaine du foncier agricole (récupération de 25 hectares de biens vacants, aide à l’installation, inauguration d’une ferme communale), la commune a aménagé six logements locatifs dans d’anciens bâtiments. Le maintien des effectifs de l’école communale, avec plus de vingt élèves (cinq élèves en 1978), est la preuve et le résultat de ces efforts.
Pour poursuivre cette politique, la commune a réalisé son Plan local d’urbanisme (PLU), en passant par une étude paysagère qui a souligné le capital paysager admirable de la commune, et l’adoption d’un Plan d’aménagement et de développement durable (PADD).
Ce PLU prévoit une urbanisation maîtrisée autour de l’habitat existant, la création de deux nouvelles zones de trois ou quatre habitations, et le projet du Blat, au hameau du Serre, pour des logements « sociaux » en accession progressive à la propriété.
La commande de la commune de Beaumont
En 2005, la rencontre entre la commune et la médiatrice de l’action Nouveaux commanditaires de la Fondation de France aura une importance décisive pour la maturation du projet du Serre et sa définition. Les deux partenaires conviennent qu’un projet d’architecture est un acte artistique et culturel. L’action Nouveaux commanditaires offre la possibilité d’une commande d’études préalables à l’architecte Patrick Bouchain et à son équipe de l’atelier Construire.
L’une des parcelles du hameau du Serre est une châtaigneraie centenaire de 9 800 mètres carrés. Justifiant un aménagement en terrasses, exposée sud-est, elle ouvre sur un paysage remarquable.
Les grands axes de la commande sont présentés :
- Création d’un groupe de cinq à huit habitations avec une répartition des logements favorisant la disposition de F2, F3 ou F4 et permettant l’aménagement des espaces intérieurs avec l’éventualité d’une extension ultérieure ;
- Des terrasses et/ou des espaces extérieurs privatifs et collectifs attenants aux habitations;
- Une aire de stationnement.
Pour le choix des matériaux et l’isolation des habitations, il est demandé de prendre en compte les fortes variations climatiques. Une réflexion sur les énergies renouvelables et l’assainissement collectif doit être supervisée avec des équipes situées en Rhône-Alpes qui ont déjà développé une recherche dans ces domaines.
L’enveloppe budgétaire pour la réalisation doit s’aligner sur le coût du logement social. Il s’agit de prouver que des logements innovants peuvent être édifiés avec des budgets maîtrisés.
Très rapidement, des rencontres sont organisées avec les habitants de Beaumont. Elles donnent lieu à un cheminement avec l’équipe de Construire autour des partis pris architecturaux, environnementaux jusqu’aux montages juridico-financiers.
La réponse de Construire : « Les Bogues du Blat »
La réponse de Patrick Bouchain, Loïc Julienne et Sébastien Eymard a permis d’aller au-delà des premières intentions, d’ouvrir la commande à leur démarche expérimentale et d’interroger conjointement la possibilité de construire autrement.
L’atelier Construire instaure un processus associant étroitement population, entrepreneurs, futurs habitants, architectes et artistes, afin de faire de la construction un acte culturel.
Les études préalables ont introduit une méthode pour les phases de conception et de construction :
- Un dialogue unissant tous les habitants à l’acte de construire;
- Des échanges se font autour du travail de maquettes à grande échelle, de prototypes, des recherches de matériaux archaïques ou novateurs ayant pour objectif l’économie, le respect de l’environnement et la beauté;
- La construction a pour objectif de permettre à chacun de gérer son habitat en fonction de l’évolution de ses besoins dans le temps;
- La période de chantier est structurée autour de plusieurs temps forts pour la communauté : chantier collectif des aménagements intérieurs et des espaces extérieurs, fête de la levée des charpentes.
Suite aux premières intentions exprimées en mars 2009, les orientations du projet ont été tracées au mois de juillet de la même année : concevoir un habitat social rural où la maison serait l’unité de base, revenir à l’espace privé familial, tout en permettant l’ouverture au groupe social du hameau.
Un schéma général a été établi pour huit maisons dont la conception initiale est constituée d’une charpente en ogive, de sa couverture et de l’aménagement du seul rez-de-chaussée. Le reste du volume doit être clos de façon légère, les équipements techniques étant dimensionnés pour une occupation progressive du volume dans les étages supérieurs.
Chaque maison est implantée à cheval sur plusieurs faïsses sans terrassement destructeur du site ; elle est orientée soit au sud, soit à l’est vers le vaste paysage qui s’étend jusqu’aux gorges de l’Ardèche, dans le sens de la pente dégageant progressivement un espace sur pilotis.
À partir de cet habitat initial, le collectif composé des élus, des architectes et de la médiatrice décide d’entamer une réflexion sur l’accession progressive à la propriété dans le cadre d’un montage défini avec le maître d’ouvrage.
La Coopérative d’Habitants « SCI APP » (Société civile immobilière d’accession progressive à la propriété) est une des formules juridiques facilitant l’accession à la propriété. Elle est rendue exécutable par la loi Engagement national pour le logement (ENL) entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Ce montage a été envisagé par la commune qui n’a pu, à ce jour, la mettre en application.
Elle opte aujourd’hui pour la location-vente. Au fur et à mesure du paiement de leurs loyers, les occupants peuvent acquérir des parts jusqu’à devenir entièrement propriétaires. Tous les travaux entrepris par les habitants (extension de la surface habitable, modifications) le sont à leurs frais et deviennent partie intégrante de leur capital.
Début 2012, l’édification est engagée.
Liens hypertextes de Rue89Lyon
La conférence de Pascal Waldschmidt et Loïc Bonneval aura lieu le mercredi 15 mai aux Halles du Faubourg, dans le cadre des Mercredis de l’Anthropocène
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