Amaury, Charles et Chris vont faire la rencontre, en cet hiver de l’année 1983, dans cette station huppée (connue de quelques « skieurs, golfeurs et vieux rentiers »), d’une autre triplette, féminine, sur laquelle ils jettent bon an mal an leur dévolu.
Dans « Chasseurs de neige », l’auteur lyonnais Daniel Parokia prend un plaisir contagieux à marquer l’époque de ses traits. Le magazine « Mademoiselle âge tendre » traîne par ici. Là, Platini espère faire gagner la France en Coupe d’Europe et Sting, avec son groupe Police, gratte pour la première fois les notes langoureuses de Every breath you take.
L’auteur fera un grand écart de 20 ans mais, à ce stade du livre, on ne le sait pas encore. On ne sera propulsé dans le temps que plus tard pour une fin fracassante et, évidemment, un commencement.
Une douillette histoire d’amour… stoppée net
A Gstaad, on suit ces trois jeunes étudiants, en prolongation. Lesquels ne se valent pas. Ils sont copains, par défaut (se sont-ils connus à la chorale de l’école Steiner, à Bâle ? Au siège du fan club de Joe Dassin à Charleroi, en Belgique ?), par opportunité, par coïncidence. C’est amplement suffisant pour se mettre un peu la chauffe, se pousser à emprunter telle piste de ski, à inviter telle fille à boire un verre. Celle-ci ou plutôt celle-là car ils décident sans en avoir les moyens de s’attribuer l’une ou l’autre de la bande formée par Ingrid, Constance et Maude.
Le style de Daniel Parokia est peu commun, extrêmement drôle, encanaillant le lecteur de façon directe et audacieuse, afin qu’il goûte sans réserve la maladroite poursuite des trois « proies » qui sont, elles, logées dans un hôtel de luxe, par ces gars flirtant avec la loose.
Entre deux rails de cocaïne, l’une se moque, l’autre observe de haut et imagine mener la danse, avant de se faire elle-même balader. Une troisième se dit que le moins vaniteux des jeunes hommes n’est pas si mal. Une histoire d’amour va-t-elle naître entre Chris et Maude, au sommet de cet idyllique paysage de montagnes ? Mais oui. La romance est même sensuelle, convaincante et douillette. Pas longue, en revanche.
La « chasse » des vacanciers pour moitié équipés va prendre une tournure inattendue. Tandis que le récit glissait jusque là de façon harmonieuse, tandis que l’on pouvait sourire en toute impunité des ratages des uns, de la vacance des autres, planait malgré tout une inquiétude.
Tout cela ne pouvait que mal finir -sauf à se dire qu’il ne s’agit pas de la fin. Un vrai 360°. Daniel Parokia réussit une figure compliquée. La neige tombe drue désormais sur cette histoire qui tourne au drame. A Gstaad, les deux bandes se sont opposées au détriment de l’histoire d’amour qui voyait tout juste le jour. Au revoir et ne revenez surtout pas.
Dans les dernières pages de ce roman cousu serré, que l’on ne va pas gâter en en révélant le contenu, c’est le sentiment absurde d’un immense gâchis qui s’impose, vingt ans plus tard. Mais si le temps perdu ne se rattrape pas, on sait qu’il a existé malgré tout quelque part. Parokia ne ménage pas ses personnages et distribue les bons et les mauvais points : ceux qui s’en sont tenus à ce qu’ils sont méritent de s’en tirer, tandis que les autres n’ont qu’à rester coincés dans les rôles un peu vains qu’ils se sont donnés. Et ça, on ne va pas se mentir, ça se lit tout schuss.
Chasseurs dans la neige, Daniel Parokia, paru aux éditions Buchet-Chastel (janvier 2019).
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