Cette photographie d’une jeune Afghane au foulard rouge et aux yeux de braise a fait le tour du monde. Elle doit vous inviter à vous rendre à l’exposition de son auteur, le photographe Steve McCurry. Une rétrospective-événement dont vous vous demandez sans doute si elle vaut le détour.
Entrer dans cette exposition, c’est d’abord passer de la lumière à l’obscurité. Comme lorsque vous pénétrez dans une maison en été et que l’iris de vos yeux ne s’est pas encore pleinement ouvert.
La première salle éveille en douceur avec des photographies de taille modeste, en noir et blanc. Elles montrent des hommes qui posent dans un camp au milieu des montagnes ou qui jouent sur une balançoire de corde, des images en apparence sereines.
Mais les armes tenues en main et les cartouchières portées autour des épaules détrompent vite ce sentiment. Les cartels, sobres tout le long de l’exposition, vous informent : « Afghanistan 1980 ». Il s’agit du premier reportage publié de Steve McCurry, sur la vie des moudjahidines au début de « la guerre d’Afghanistan ».
Les plans sont larges, le « style » pas encore affirmé, mais ce qui est au cœur du travail du photographe est déjà là, l’humain.
« Des instants de vie dans des contextes incroyablement difficiles »
C’est confirmé par la suite, dans le parcours d’exposition. Une porte passée et vous plongez dans un labyrinthe de toiles noires sur lesquelles les couleurs des clichés explosent.
À l’entrée, une galerie de portraits. Travail de toute une vie, du Nigeria en 1986 à l’Éthiopie en 2012, en passant par les USA, l’Afghanistan, l’Inde, en 1991, 2002, 2009. Ils montrent des femmes et des hommes de tout âge.
Les visiteur.se.s que nous avons croisé.e.s, comme Clémentine, sont sans exception captivé.e.s.
« Les regards sont forts et font ressortir beaucoup d’émotions. Ils nous regardent, nous », commente la jeune femme.
Catherine est plus lyrique :
« On ressent la capture de l’homme ; presque de l’âme. »
Elle avance dans l’exposition et ajoute devant d’autres cadres :
« Il capture des instants de vie dans des contextes qui sont incroyablement difficiles. »
Elle a raison. Devant l’insistance des regards portraitisés, on se demande : que regardent-t-ils ainsi ? Nous voilà immergés dans les 35 années de carrière de Steve McCurry, avec un échantillon de 200 photos.
Les moussons en Inde ou les vestiges du World Trade Center
C’est une des forces d’une bonne photographie, guider le regard, à l’intérieur de l’image ou même vers l’extérieur de celle-ci. On peut aisément parcourir l’exposition de la sorte.
Par la pointe d’un canon, la direction d’un regard, on se laisse guider d’une photographie à une autre. Cheminement. D’une jeune fille prise dans l’eau jusqu’à la taille durant les moussons en Inde, aux vestiges du World Trade Center -après les attentats du 11 septembre 2001.
Jusqu’à certaines voies sans issue, où des images vous saisissent, comme celle d’un reportage au Koweït montrant un char calciné devant lequel gît un corps. Ponctuation. Mais le sens du courant, une porte ouverte dans le désert ou la course d’un train, sur une autre photo, vous invite plus loin à continuer.
La dimension des tirages permet de très bien repérer de nombreux détails. Ici, une main d’enfant qui s’amuse dans un coffre de voiture ou un mur de fumées denses qui s’élèvent, bouchant l’horizon du désert. Là, un homme debout au côté de ses frères d’armes. Tous tronqués, coupés par le bord du cadre. Hors champ.
Illustration des limites de la photographie qui ne capture qu’un instant, un endroit. Zoomant sur un sujet, au milieu d’un événement plus large. Les photos de Steve McCurry le rappellent souvent, par le choix de ses cadrages. Cela vous invite à la curiosité, à chercher ce qui est au-delà du cliché.
Qui pose son regard sur le monde ?
Traverser les 35 années de carrière de Steve McCurry nous fait découvrir un travail à multiple facettes. Tour à tour photographe de paysage, reporter de guerre ou portraitiste, il conjugue toutes ces disciplines au long de ses reportages, remplissant le rôle primordial de témoin de la vie des Hommes.
C’est pourquoi, au détour des clichés proposés dans ce blockbuster pour lequel il vous faudra débourser 13 euros à l’entrée, vous reconnaîtrez certainement des images, déjà croisées dans les pages d’un journal ou d’une revue.
Souvent et de façon un peu banale, on dit de l’exposition d’un photographe qu’elle propose le regard qu’il porte sur le monde. En vous rendant à cette exposition, vous vous demanderez certainement quel regard Steve McCurry vous fait poser sur le monde.
Exposition « Le Monde de Steve McCurry » à La Sucrière – Lyon 2e. Jusqu’au 26 mai 2019.
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