Au fond, son retour à Lyon est programmé depuis son départ. Quand en mai dernier il est « monté à Paris » pour devenir ministre de l’intérieur, peu doutaient de son retour à Lyon pour les élections de 2020. Ses deux successeurs à la mairie (Georges Képénékian) et à la Métropole de Lyon (David Kimelfeld) savaient le caractère intérimaire de leurs missions.
Gérard Collomb avait sans doute imaginé son retour plus tardif et sans cette impression de précipitation. C’est ainsi qu’a commencé sa semaine. Lundi 1er octobre, il fait savoir dans la presse qu’il a remis sa démission au président Macron. Une démission refusée. Le lendemain, mardi 2 octobre, il insiste comme un enfant privé de chocolat afin d’être libéré de ses fonctions. « Mais laissez-moi démissionner », dit-il en substance toujours dans la presse. Le Président de la République accepte enfin le départ de son ministre de l’intérieur.
Gérard Collomb avait déjà posé officiellement les jalons de son départ. Dans un premier temps, il l’envisageait plutôt après les élections européennes en mai 2019. Il a rapidement changé le tempo de son retour à Lyon. Lui donnant même un caractère hâtif. Deux jours avant sa « première démission », il avait tenu un meeting à peine déguisé à Lyon.
Une réunion pour la « rentrée des territoires » qui était l’occasion de reprendre le pouls avec les militants En Marche. Un moment qui selon un député La République en marche (LREM) Marche aurait fait ressentir à Gérard Collomb un vrai « coup de flip ». La maison n’étant pas en ordre, il fallait alors rentrer plus rapidement que prévu.
Quatre jours après cette réunion de famille, il était officiellement de retour à Lyon.
1. Quai de gare et France 3 : un retour très orchestré
Mercredi, après une rapide passation de pouvoir plutôt fraîche avec le Premier ministre, il est tout aussi rapidement monté dans le TGV pour Lyon.
À son arrivée en gare de Perrache, il était attendu par plusieurs dizaines de journalistes.
Il est arrivé dans l’effervescence des journalistes plus que des Lyonnais. Sans haie d’honneur mais sans fusils braqués sur lui non plus.
Gérard Collomb a pu distiller des petites phrases pleines de lyonnitude. À la question, « est-ce que Paris vous manque ? », il répond :
« Pas du tout, regardez ce ciel bleu. Il est magnifique. J’ai quitté Paris, il faisait mauvais. »
La journée de retour s’est achevée tranquillement avec une participation au 19/20 de France 3.
2. Le silence des députés En Marche
Les critiques et les railleries se sont fait entendre, venues sans surprise de rangs non alignés. En somme, l’opposition, municipale ou métropolitaine, s’est opposée :
- Pour Philippe Cochet, maire de Caluire et président de la fédération Les Républicains du Rhône, Gérard Collomb pense « plus à lui-même qu’à Lyon »;
- pour le maire centriste du 2e arrondissement de Lyon, Denis Broliquier, ce sont des « manoeuvres d’un autre âge ».
- Pascal Blache, maire du 6e arrondissement, lorgnant sans loucher sur la mairie centrale en 2020, ne le dézingue pas totalement. Il juge toutefois le spectacle un peu « pathétique » malgré une « empathie pour Gérard Collomb ».
- À sa gauche, son opposante Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement, parle de sa démission révélatrice « d’une grande lâcheté ».
Finalement, les réactions les plus notables sont peut-être à chercher dans les silences. Ceux de la grande majorité des députés La République en marche du Rhône. Pas de réaction officielle des fidèles comme Anne Brugnera ou encore Hubert Julien-Lafferière. Il y a peu, ces même députés avaient envoyé une lettre à Gérard Collomb pour se plaindre de la référente du mouvement En Marche dans le Rhône, une certaine Caroline Collomb. Une initiative pas vraiment appréciée par son mari. Les députés ont fini par rentrer dans le rang. Cette semaine, ils ont donc préféré se taire.
À une exception, celle de Thomas Rudigoz. Installé dans le 5e arrondissement de Lyon, là où officie Caroline Collomb, il se sait de toute façon en terrain miné et hostile. Un peu plus libre que ses collègues, il a critiqué l’attitude de Gérard Collomb de façon indirecte. Plutôt que de regretter son retour à Lyon, il a jugé son départ du ministère de l’intérieur préjudiciable à un moment où son expérience « constituait un atout important ». Des larmes de crocodile.
3. Il redeviendra maire de Lyon mais renonce à la Métropole de Lyon d’ici 2020 par choix politique
Gérard Collomb redeviendra maire de Lyon sous peu. Georges Képénékian a démissionné comme convenu dès l’acceptation de la démission du ministre de l’intérieur. Peu de voix dans la majorité municipale vont lui manquer au moment de retrouver son fauteuil.
Les élus Europe Écologie-Les Verts ont tout de même fait savoir qu’ils ne voteraient pas en sa faveur. Il ne pourra donc compter sur les trois voix de ceux avec qui Gérard Collomb s’était allié en 2014 entre les deux tours des élections municipales.
D’ici 2020, il a annoncé qu’il ne reviendra pas la tête de la Métropole de Lyon. Son choix est avant tout politique (et mathématique) : il ne peut plus compter sur une majorité.
Les élus écologistes métropolitains ne veulent plus de lui et les « petits maires » du Val de Saône et des Mont-d’Or du groupe Synergie, ne lui font plus confiance. Ce sont eux qui lui assuraient une majorité. Le groupe des élus socialistes de « La Métropole autrement », derrière le maire de Villeurbanne Jean-Paul Bret, pourtant dans sa majorité, ne semble pas davantage emballé par son retour. Avant même son retour officialisé, il avait fait part de ses très fortes réserves en vue d’un nouveau soutien à Gérard Collomb.
4. Kimelfeld tente toujours de s’émanciper doucement
La semaine écoulée n’a finalement pas révélée de grandes surprises. Elle a toutefois accéléré le rapport de force engagé entre Gérard Collomb et David Kimelfeld. Ce dernier le met en place pas à pas depuis quelque temps. Jamais dans l’opposition frontale, toujours en se démarquant par petites touches. En insistant à chaque prise de parole ou presque sur sa « gouvernance plus collective » ou son oreille plus attentive aux questions écologiques.
La semaine dernière, il redisait à l’antenne de TLM ne pas avoir « les mêmes sensibilités que Gérard Collomb sur un certain nombres de sujets » et les « mettre en avant ».
Dans Le Figaro du jeudi 4 octobre, il a continué à montrer un peu plus les muscles. Un peu plus ferme, il a affirmé ne « pas être un intermittent ou un intérimaire ». Mais sans jamais retourner la table et sortir le fusil :
« J’ai pris les dossiers à bras-le-corps. J’ai la volonté de continuer à avancer et de dresser des perspectives. On verra ensuite qui portera quoi. »
Critiqué par un proche de Gérard Collomb à peine descendu du train à Perrache, David Kimelfeld n’a pas laissé passer.
« Cette métropole fonctionne, elle est managée, elle est gouvernée. »
Le proche en question, Roland Bernard, conseiller municipal de Lyon, jugeait qu’il manquait d’autorité. Preuve que le rapport de force s’accélère et se raidit : David Kimelfeld a demandé à celui qui est aussi conseiller métropolitain et membre de la commission permanente, de démissionner de son mandat à la Métropole de Lyon.
5. Gérard Collomb se prend pour Clémenceau
Cette semaine, les critiques ont aussi porté sur l’âge de Gérard Collomb. Sur l’air de : « un quatrième mandat à 73 ans est-ce bien raisonnable ? ». Pas surprenant alors que certains essayent de tirer les ficelles pour faire trébucher le « vieux ». Ainsi, l’initiative de Jean-Michel Daclin, ancien adjoint de Gérard Collomb, est remontée à la surface dès la semaine dernière. Sous forme d’une lettre circulant auprès de notables pour lui demander de passer la main.
Sur France 3, Gérard Collomb a trouvé la parade : il se prend pour Georges Clémenceau, ministre de de l’Intérieur comme lui :
« Clémenceau lorsqu’il a fait gagner la Première guerre avait environ 80 ans, ça laisse quelques marges d’espérance ».
Selon Le Progrès, le monde économique lyonnais ne serait plus vraiment enclin à le soutenir en 2020. Ceux-là même qui étaient présents à la mairie de Lyon pour lancer officieusement la campagne d’Emmanuel Macron alors ministre de l’économie.
Jeudi, un sondage Ifop-Fiducial pour Lyon Capitale indiquait qu’aujourd’hui près de 60% des Lyonnais interrogés ne veulent pas de son retour. Ils seraient malgré tout 31% à voter pour sa liste aux élections municipales au premier tour. Preuve aussi qu’à deux ans ou presque des élections municipales et métropolitaines, il est bien difficile de tirer des leçons.
6. Collomb partira en 2020 sous l’étiquette Collomb et pas Macron
Une liste qui ne portera pas l’étiquette La République en marche. Gérard Collomb risque donc fort de repartir en 2020 sous l’étiquette Gérard Collomb. Comme il l’a déjà fait car localement son nom reste aussi une marque. S’il a récemment pris ses distances avec Emmanuel Macron, laisser de côté l’étiquette En Marche n’est donc pas nécessairement un nouveau geste de défiance.
Il avait déjà annoncé sa volonté d’élargir bien au-delà de LREM en créant son association « Un temps d’avance ». S’il était besoin de le préciser, le premier fédéral du Parti Socialiste du Rhône a fait savoir que son parti ne travaillerait pas avec l’ancien de la maison.
« S’il ne revendique plus l’étiquette LREM, n’a pas annoncé de rupture avec la ligne politique du gouvernement actuel et de sa majorité. »
2020, c’est donc encore bien loin.
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