« Nous constatons une gradation entre des « signaux faibles » et des départs de feu sur les quatre centrales nucléaires. La situation aujourd’hui n’est pas satisfaisante. (…) Dans les interventions, il y a des parades et des risques qui doivent être évalués. Tout ça n’est pas fait correctement. Soit les parades ne sont pas là, soit le risque est mal évalué. »
C’est Olivier Veyret, adjoint à la cheffe de la division de Lyon de l’ASN, qui le dit.
Ce « risque incendie » est pourtant considéré par l’ASN comme le risque principal en matière d’exploitation d’une centrale nucléaire.
Et pour 2017, l’Autorité de sûreté nucléaire observe un « relâchement dans les organisations » en matière de prévention incendie.
Dans la majorité des cas relevés par l’ASN, ce sont des sous-traitants d’EDF qui étaient en charge des tâches à réaliser (travaux, laverie, démentèlement,…).
L’ASN ne remet pas en question le principe de la sous-traitance. Mais prévient par la voix d’Olivier Veyret :
« C’est un partenariat. Si EDF a choisi de sous-traiter, qu’elle en assume les conséquences. EDF doit renforcer sa présence sur le terrain, avec une meilleure transmission de l’information et plus de surveillance. »
A la centrale du Bugey, des flammes d’un mètre et le plan d’urgence interne déclenché
C’est l’événement emblématique de l’année 2017. Pour l’ASN, ce qui s’est déroulé ce 19 juin est l’incident le plus grave. Le départ de feu a eu lieu sur le toit du bâtiment technique alimentant le réacteur numéro 5. Il a eu lieu lors de travaux d’isolation. Des flammes d’un mètre ont été constatées.
Le plan d’urgence interne a dû être déclenché conduisant au confinement des 1200 personnes en poste ce lundi après-midi-là la centrale nucléaire.
L’ASN note qu’« aucun blessé n’est à déplorer. Il n’a pas été observé de rejet radioactif dans l’environnement ».
Dans les centrales de Tricastin et Saint-Alban, « des signaux faibles »
Pour la centrale de Tricastin, selon l’ASN, il n’y a pas eu d’ « événements importants » mais des « signaux faibles », en dehors de la zone contrôlée.
L’adjoint à la cheffe de division prend l’exemple des soudures réalisées lors de travaux.
« Ce sont par exemple des projections d’étincelles lors de travaux à la meuleuse qui vont générer un départ de feu sur des déchets à proximité. »
Ce « manque de maîtrise » a été constaté par l’ASN à Tricastin mais aussi à Saint-Alban.
« Ce sont des départs de feu qui de devraient pas se produire », martèle Olivier Veyret.
A Saint-Alban, des flammes au niveau du sécheur de la laverie ont été constatées. Or, cette laverie avait déjà connu un départ de feu en avril 2015. Finalement, la laverie a dû être fermée. Et les vêtements contaminés doivent être acheminés sur d’autres sites nucléaires.
A Cruas, deux incendies dans la zone contrôlée
La centrale nucléaire d’Ardèche a connu deux départs de feu en zone contrôlée en 2017. Le plus important a eu lieu le 7 septembre 2017, dans le bâtiment qui sert à traiter les déchets radioactifs avant leur départ. Les déchets y sont entreposés puis enveloppés, souvent avec dans du béton.
En septembre dernier, dans ce bâtiment de conditionnement des déchets, l’incendie s’est déclenché dans l’armoire séchante à l’intérieur de laquelle des filtres étaient entreposés. Dans son « état 2017 de la sûreté, l’ASN relève également que « la maîtrise des risques liés à l’incendie est en retrait par rapport aux années précédentes ».
A Superphénix, des risques d’incendie perdurent
Définitivement arrêtée en 1997, la centrale Superphénix, à Creys-Malville (Isère), est en cours de démantèlement.
Dans la nuit du 4 au 5 juillet 2017, un départ de feu a affecté des déchets pollués au sodium en zone contrôlée. Dans sa lettre de suite après inspection, l’adjoint à la cheffe de division de Lyon en charge du démantèlement, Richard Escoffier explique :
« Des déchets étaient entreposés en attente de reconditionnement. Ces déchets nucléaires (tronçons de tuyauteries, coupons, vannes..), susceptibles de contenir une pellicule de sodium contaminé ou de soude, proviennent d’opérations de découpe des réservoirs réalisées par un sous-traitant sur des circuits sodés, en majorité non carbonatés ».
Ces déchets ont été entreposés dans la mauvaise zone car ils n’étaient pas considérés comme des éléments radioactifs par l’entreprise sous-traitante.
Lors de la conférence de presse, il a pointé une transmission d’information défaillante d’EDF à son sous-traitant :
« Les exigences qui ont été spécifiées au prestataire ne parlent pas de sodium. Or, les déchets en question étaient pollués au sodium [qui servait au refroidissement, ndlr]. Il y a un problème de surveillance du prestataire par EDF. »
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