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Propagande et fascination nazies au procès du chef du Bastion Social

Steven Bissuel, leader du GUD Lyon devenu Bastion Social, affiliés à l’extrême droite, comparaissait devant la Justice ce mardi 19 juin. Il est poursuivi pour avoir publié une image et un texte à caractères antisémites sur les comptes Facebook et Twitter du GUD il y a trois ans. Plus que l’affaire, c’est l’attirail et toute la « propagande » nazis retrouvés chez lui qui a marqué l’audience.

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Nouveau palais de justice. Férvier 2017. Lyon ©Léo Germain/Rue89Lyon

L’avocat de Steven Bissuel, Benoît Brogini, s’est irrité du temps passé sur le décor dans lequel vit son client.

« On fait le procès des scellés ou bien des faits qui lui sont reprochés ? »

Le détail des trouvailles des enquêteurs lors de la perquisition à l’ancien domicile de Steven Bissuel a en effet focalisé l’attention. En deux temps.

Cartes postales de Hitler et réplique de pistolet Beretta 

La présidente du tribunal s’est chargée tout d’abord d’énumérer les armes :

« Une matraque électrique, une lampe shocker (lampe de poche taser, ndlr), deux matraques télescopiques, une bombe lacrymogène et une réplique de Beretta ».

Puis, le procureur a passé en revue la bibliothèque au détour d’une question. Il étale alors ce qu’il estime être « toute une propagande nazie » :

« Mais enfin M. Bissuel, est-ce que vous croyez que des cartes postales à l’effigie d’Adolf Hitler, de la Wehrmacht, des textes qui réécrivent l’histoire d’Oradour-sur-Glane, de collaborateurs, de Léon Degrelle, l’Ave Europa un chant à la gloire de la Panzerdivision font de vous un citoyen ordinaire ? »

Steven Bissuel regrette que les « policiers n’aient pas noté qu’ [il avait] également le Manifeste du parti communiste ou des livres de Malraux ».

Le procureur insiste :

« Un citoyen ordinaire est-il quelqu’un qui a une fascination nazie ? »

Shoasis et étoile jaune sur des ananas

Ou plutôt un « citoyen normal ». C’est ainsi qu’un peu plus tôt l’actuel chef du Bastion Social s’était décrit. Affirmant avoir réagi en « citoyen normal » face à l’évocation de la Shoah qu’il juge « omniprésente » et « quasi quotidienne ». Ce qui l’avait conduit à publier un dessin le 27 janvier 2015, jour de la commémoration des 70 ans de la libération d’Auschwitz.

En réalité, un détournement de l’étiquette des bouteilles d’Oasis, avec l’inscription « Shoasis ». On y voit des ananas portant des étoiles jaunes et des pyjamas rayés évoquant ceux des prisonniers des camps avec l’inscription du portail du célèbre camp de concentration « Arbeit macht frei ». « Teneur garantie : 6 millions au Zyklon B » en sous-titre.

Le détournement était accompagné d’un commentaire : « Joyeux anniversaire Auschwitz. 70 ans de business ça commence à faire ». Après les avoir diffusés sur le compte Twitter, la page Facebook et le site du GUD Lyon, il avait été mis en examen le 29 janvier 2015.

Le voici à la barre trois ans et demi plus tard, poursuivi pour « incitation à la haine raciale » et « apologie de crime contre l’humanité ».

Si le « message d’anniversaire » est de son fait, l’illustration qui l’accompagne n’est pas de lui. Les enquêteurs l’ont datée à 2011, au moins, et attribuée à « Joe le corbeau ». Un dessinateur bien connu de la fachosphère, Noël Gérard de son vrai nom, auteur notamment de la BD Shoah Hebdo. Il fut un temps proche de Dieudonné et des thèses d’Alain Soral. Adepte aussi de la « quenelle ».

Il a été reconnu coupable d’avoir publié la photo d’un homme faisant une « quenelle » devant l’école juive de Toulouse où Mohamed Merah avait tué quatre personnes en 2012. Dieudonné est par ailleurs l’auteur de la chanson « Shoananas » qui lui a valu d’être condamné en appel en novembre 2013 pour incitation à la haine raciale.

« C’était du second degré »

On nage dans les mêmes eaux boueuses. « On marche sur un fil là… », a préféré dire la présidente du tribunal. Le fil, elle a tenté de le garder après chacune de ses questions qui recevaient toujours la même réponse. Steven Bissuel a étiré sa ligne de défense sur la corde raide de la liberté d’expression et de la satire.

Exemple : « diffuser cette image c’est ma liberté d’expression. Je n’invite strictement à rien. C’est humoristique. Si on ne peut pas détourner quelque sujet que ce soit, ce n’est plus de la liberté d’expression dans un pays qui se prétend démocratique ».

Ou encore : « C’est ma liberté d’aller sur ce terrain, piquer là où ça peut ne pas plaire à tout le monde ». Version crédule : « il n’y a pas d’incitation ou de provocation, je pensais que ça rentrait dans le cadre de la loi ».

La présidente a tenté de dévoiler ce que cache ce « second degré » invoqué par le prévenu.

« – Présidente : Mais allez plus loin ! Vous voulez susciter quoi ?
– Steven Bissuel : Normalement, dans l’Histoire, plus les choses s’éloignent moins on en parle. Là, c’est l’inverse. Sur ce fait (la Shoah, ndlr), il y a une omniprésence quasi quotidienne. C’est mon point de vue.
– Donc pour vous ces blessures devraient être refermées et ne pas être évoquées ?
– Quand on en parle autant, c’est normal que la caricature les touche. »

« Vous allez me dire que le GUD est un groupe humoristique ? »

France Culture traite le sujet du Bastion Social et de l'extrême droite à Lyon. Capture d'écran
France Culture traite le sujet du Bastion Social et de l’extrême droite à Lyon. Capture d’écran

Le chef du Bastion Social s’est étonnamment beaucoup appuyé sur Charlie Hebdo.

« Ils ont bien caricaturé la Sainte-Vierge ou le Pape avec toutes sortes d’objets rentrés dans ses orifices et on ne va pas leur enlever ce droit. »

Auquel cas il s’agirait de lui reconnaître celui de diffuser cette image le jour anniversaire de la libération d’Auschwitz.

«Le droit de la presse vient restreindre la liberté d’expression. Et il n’y a pas d’alinea particulier sur la Vierge Marie dans le droit de la presse, monsieur », a coupé la présidente, manière d’indiquer qu’aucune religion n’était plus intouchable qu’une autre face à la satire.

La présidente n’a pas oublié que ni le GUD ni son chef ne sont des organes de presse. On se trouve pourtant là devant la 6e chambre correctionnelle de la presse. Alors, elle a gardé toujours ce fameux fil, celui qui indique que le coup n’est pas parti d’un innocent mais du leader d’un groupuscule d’ultras, d’extrême droite.

– « La Présidente : Vous me dites que c’est de l’humour, alors le GUD est un groupe humoristique ?
– Steven Bissuel : Absolument pas. Mais c’est un moyen qui peut être utilisé.
– Mais que voulez-vous véhiculer avec ce message ?
– C’est simplement quelque chose diffusé à une date précise, ni avant ni après. Il n’y a pas d’apologie ou d’incitation à la haine.
– Mais comment est perçu à votre avis votre commentaire ?
– Bien, si les gens peuvent comprendre que c’est de l’humour. Et mal aussi, oui. C’est une caricature, ça peut déranger, c’est le but.
– Sauf que c’est le GUD qui la diffuse…
– Oui. »

Le procureur : « Le GUD ? Ce sont des nazis »

Le procureur a employé des mots très forts. Malgré les contestations de Steven Bissuel, il a douté que le GUD ait vraiment disparu et a qualifié le groupuscule de « cancer de la haine ».

« Le GUD, ce sont des nazis », lâche-t-il.

Après avoir questionné le prévenu de 24 ans sur ses lectures et ce qu’elles trahissent selon lui de ses idées politiques, il a jugé « dramatique que cette génération qui va nous succéder n’ait pas compris les leçons de l’Histoire ».

Assis sur son banc, Steven Bissuel a parfois fait le signe non de la tête, face aux jugements ou quelques mauvaises interprétations du procureur sur sa panoplie retrouvée chez lui.

Avant de se rasseoir, le procureur a insisté : « Si le GUD n’existe plus, les nazillons demeurent ».

« Il n’y a pas d’exhortation directe à la haine »

Steven Bissuel devait être assisté par Paul Yon. Ce n’est pas n’importe qui puisqu’il s’agit de l’avocat de Marine Le Pen. Si son nom figurait encore au dossier au moment du procès, c’est finalement Benoît Brogini, avocat au barreau de Nice qui était présent à Lyon.

Il a d’abord soulevé une question de droit portant sur la qualification des faits, de nature selon lui à rendre toute la procédure caduque. Avec pour conséquence l’arrêt des poursuites.

Sur le fond, il s’est attaché à montrer que ni l’incitation à la haine ni l’apologie de crime contre l’humanité n’étaient suffisamment caractérisées pour être retenues.

« Il n’y a pas d’exhortation directe à la haine. Le problème de la caricature c’est qu’il y aura toujours quelqu’un pour être choqué. Alors oui, ce n’est pas très drôle. On ne va pas se taper sur le ventre en se disant ‘elle est bien bonne celle-là, merci Bissuel !’ ».

Pour lui on est dans le même cas de figure que l’affaire concernant Christiane Taubira, l’ancienne Garde des Sceaux, comparée à un singe par une élue FN. Il s’appuie sur la condamnation annulée de l’élue frontiste. La cour d’appel de Cayenne a bien cassé le jugement mais sur un point de forme.

Et les lectures de son client ?

« Il s’intéresse à la politique. Le lien juridique est ténu entre la bibliothèque et la volonté de M. Bissuel dans la publication qu’on lui reproche ».

Dans l’histoire, « des caricatures ont largement contribué à la haine de l’autre »

De l’autre côté de la barre, Me Philippe Genin représentant de la LICRA, estimait qu’on « ne se moque pas d’une religion, on ne se moque pas d’un massacre ». Selon lui, l’accusation d’apologie de crime contre l’humanité se justifie.

S’adressant à Steven Bissuel :

« Vous savez parfaitement que des caricatures ont été abondamment diffusées entre les deux guerres. Elles ont largement contribué à la haine de l’autre, à la haine du juif et aux évènements qui se sont produits. Elles appellent au meurtre et en relayant cette image vous vous l’appropriez. »

L’avocat imagine que dans la tête de Steven Bissuel, « les juifs ont fait de leur martyr un business ». S’adressant une dernière fois à lui :

« Si on caricaturait des êtres que vous chérissez et que vous avez perdus, ne ressentiriez-vous pas une haine saine cette fois ? Essayez de comprendre Monsieur Bissuel que cela peut vous arriver demain. Peut-être que demain, on s’en prendra à vous, je ne sais pas, parce que vous avez les cheveux trop courts ».

Steven Bissuel en situation de « récidive légale », condamné une première fois par le tribunal pour enfants de Villefranche-sur-Saône en 2013 pour avoir tagué des inscriptions telles que « La France aux Français ».

Il est actuellement mis en examen pour des violences en marge d’un concert « antifasciste » en avril à Lyon. Il a d’ailleurs interdiction de se rendre dans le 5e arrondissement de Lyon entre 22h et 6h.

Récemment, au micro de France Culture, il avait tenu des propos très ambigus au sujet de l’influence du « lobby sioniste » en France.

Six mois de prison ferme et la confiscation de ses effets sous scellés ont été requis contre lui.


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