Dans la société du spectacle qui se nourrit de joutes verbales et de clashs, le débat est sacralisé et celui qui s’y soustrait se voit vite accusé de sectarisme, voire de penchants anti-démocratiques. Pourtant, le cadre du débat, le contexte politique dans lequel il se déroule ou ses invités comptent au moins autant que son intitulé. Les États généraux de la bioéthique s’inscrivent ainsi dans un rapport de force très défavorable à celles et ceux qui défendent la liberté pour chacun·e de disposer de son corps.
Mieux structurés et mieux financés, nos adversaires ont massivement investi la moindre réunion, avec des conséquences désastreuses. Et il est sans doute illusoire de penser qu’on pourra inverser la tendance en se rendant individuellement à ces débats publics pour faire entendre un autre son de cloche.
Nosig, le Centre LGBTI+ de Nantes, a ainsi pu constater, dans un communiqué de presse du 20 février, que :
« l’organisation des États généraux (…) est incapable d’assurer des débats sereins» et que ceux-ci, «organisés sans aucune garantie d’équilibre dans le choix des intervenants», «sont la caisse de résonance de tous les mouvements réactionnaires. Des militants issus de « La Manif Pour Tous » y viennent en nombre, déverser leurs slogans haineux et leurs discours LGBTphobes, sans aucune modération ou réaction de la part des organisateurs ».
À Nice, une journaliste de Médiapart a pu faire le même constat.
Les vannes de la parole LGBTphobe largement ouvertes
Au-delà de ces débordements, parfaitement prévisibles, quelle justification peut-il y avoir à débattre durant six mois pour savoir s’il faut ou non accorder à une minorité les mêmes droits qu’à la majorité quand, dans le même temps, le gouvernement réforme par ordonnances ?
Pourquoi faut-il toujours qu’avant de progresser même très légèrement, nos droits fassent l’objet d’infinis débats qui ouvrent systématiquement les vannes de la parole LGBTphobe et où les personnes concernées ne sont que peu (voire pas du tout) représentées ?
Ces États généraux de la bioéthique posent ainsi aux personnes LGBT un insupportable dilemme. Ne pas y participer, c’est risquer de laisser le terrain libre à La Manif Pour Tous. Y participer, c’est risquer de servir de faire-valoir et de caution à un combat inégal et biaisé.
Face à cette impasse, plusieurs associations LGBT et féministes (dont Act Up, le Planning familial, SOS Homophobie…) ont publié mi-janvier une déclaration commune dans laquelle elles se disent «consternées de devoir à nouveau rappeler que l’autonomie et le libre-arbitre des personnes et en particulier des femmes, n’est pas un objet d’«éthique» et ne devrait plus faire débat».
Ce constat d’illégitimité, il convient de le garder en tête, quand bien même on déciderait malgré tout de se prêter au jeu de ces États généraux.
Par Romain Vallet, à lire sur Hétéroclite

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