Entretien avec le collectionneur qui a permis l’exposition actuellement en cours au Musée de l’Imprimerie, Paul Maréchal.
Petit Bulletin : Pourquoi exposer Warhol au Musée de l’Imprimerie ?
Paul Maréchal : Ce qui me frappe le plus dans cette exposition, c’est la variété et la destination des supports des œuvres qui sont présentées. Le premier mur en est un exemple tout à fait éloquent : vous avez un projet d’étiquette de vin, une couverture de livre, un article de magazine, une pochette de disque, une affiche de film, une invitation à une fête privée.
Ça donne le ton ! Ce travail de graphisme chez Warhol dont tout le génie créateur est basé sur l’imprimé, trouve une place toute naturelle dans le Musée de l’Imprimerie de Lyon, ça devait arriver un jour où l’autre (rires).
Les douze premières années de sa carrière sont consacrées à l’illustration de magazine. Il comprend ce qu’est le travail d’équipe et va répliquer ce modèle dans son atelier, la Factory, sauf que ce sera son projet artistique. Et même à la Factory, il va publier un magazine, Interview. Il est rare de voir autant de travaux de graphisme de Warhol réunis dans un même endroit.
J’aime beaucoup cet autoportrait qu’il a fait à l’aide d’un photocopieur, le caractère dérisoire de l’artiste qui ne se prend pas au sérieux mais surtout cette œuvre nous dit que Warhol est prêt à expérimenter avec tous les medium possibles, et effectivement au cours de sa vie il a travaillé avec l’ordinateur, le fax, le photocopieur, le film, la vidéo, évidemment la toile, le papier et que sais-je encore.
C’est vraiment l’artiste qui a travaillé avec la plus grande quantité de medium.
Warhol disait qu’un artiste peut créer sur des supports aussi variés qu’improbables tant et aussi longtemps que l’œuvre est pertinente à son époque.
Vous dites que Warhol a travaillé avec l’ordinateur ?
Il y a cette couverture de magazine commandée par Amiga, l’un des premiers magazines informatique et Warhol fait un autoportrait à l’ordinateur en 1986. Il découvre le programme Paint quelques mois auparavant, quand il est invité à l’anniversaire du fils de John Lennon, Sean, qui a neuf ans.
Parmi les invités de la fête il y a Steve Jobs, qui a l’idée d’apporter un ordinateur en cadeau à Sean. Ce dernier commence à jouer avec et Warhol trouve ça fascinant. Il dit :
« ah si je pouvais utiliser l’ordinateur, je n’aurais plus à me salir les doigts avec la peinture. »
Et plus tard quand il commence à manipuler l’ordinateur, il dit à un technicien :
« j’ai de la difficulté à faire bouger la souris, ça marche pas bien, ce serait bien si on pouvait dessiner avec un crayon directement sur l’écran de l’ordinateur. »
Il y a beaucoup de travaux de commande ?
Contrairement à une majorité d’artistes qui n’acceptent pas la commande, qui la voit comme une façon d’imposer les vues du commanditaire avec plein de restrictions, Warhol au contraire est stimulé par la commande.
Qu’elle vienne d’une compagnie de disques, d’une galerie, d’un magazine ou d’un éditeur, Warhol est alimenté par le défi que représente chaque commande et il essaie de faire une œuvre d’art à part entière. Dans toute sa carrière il n’a jamais fait aucune distinction entre l’art soi-disant commercial et les beaux-arts. Et allègrement, il a navigué entre les deux.
Cette distinction reste encore présente aujourd’hui ?
De moins en moins, Warhol a eu cette influence-là, et on voit les influences croisées dans les deux domaines aujourd’hui. Comme le disait le conservateur du Metropolitan Museum de New York, quand le MET organisait sa toute première exposition de Warhol il y a cinq ans, partant de l’idée suivante :
« tout le monde me dit que Warhol est l’artiste le plus important du 20e siècle, ou en tout cas la deuxième moitié du 20e siècle, la première moitié appartenant à Picasso peut-être, mais je voulais vérifier cette affirmation. » Et à la présentation de l’exposition il a dit : « C’est difficile de déceler s’il a été vraiment l’artiste le plus important du 20e siècle mais ce que j’ai découvert c’est qu’il a été l’artiste le plus influent. »
L’exposition comprenait soixante œuvres d’artistes contemporains ou modernes qui avaient toutes un emprunt ou une citation de Warhol.
Et c’est comme ça qu’on mesure l’importance d’un artiste, c’est l’influence exercée sur les générations suivantes.
Comment a débuté votre collection ?
La pochette de disque de Paul Anka est la toute première pièce de la collection que j’ai rassemblée, que j’ai littéralement créée parce que, quand j’ai commencé à collectionner des œuvres de design graphique de Warhol en 1996, je connaissais déjà les pochettes iconiques des Sticky Fingers avec le jean et la fermeture éclair véritable, la banane autocollante sur l’album du Velvet Underground et j’ai trouvé celle-là, donc je me suis demandé, il en a fait combien ?
J’appelle le Musée Warhol qui venait d’être fondé deux ans auparavant, je leur demande : combien de pochettes de disques Warhol a-t-il créé dans sa vie ? Ils m’ont envoyé une liste de 23 titres. Et quand j’ai continué les recherches, pendant dix ans, je suis arrivé à 65 pochettes de disques.
J’ai publié un catalogue raisonné, qui explique le contexte de création pour chacune des pochettes. Parce que je ne voulais pas collectionner pour collectionner, je voulais aussi documenter, expliquer et partager ces connaissances-là avec le public. Et c’est encore le livre qui se vend le plus, il y a eu deux éditions. J’ai aussi réalisé le catalogue raisonné de ses illustrations pour les magazines, et celui de toutes ses affiches de commandes.
Le catalogue des ephemera est en préparation, ainsi que celui des couvertures de livres, que je possède en intégralité. Voilà c’’est comme ça qu’a commencé cette collection d’ephemera et d’œuvres de design graphique d’Andy Warhol.
Andy Warhol Ephemera
Au Musée de l’imprimerie et de la Communication Graphique jusqu’au 16 septembre
Paul Maréchal, Andy Warhol – Les pochettes de disques 1949-1987 (éditions Prestel)
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