Le lancement de ce guichet unique, qui améliore l’accueil des usagers, a été accueilli par une grève de certains agents des deux collectivités. Explications.
Concrètement pour toutes les demandes sociales – ouvrir ses droits au RSA, une aide pour payer son loyer ou sa facture d’électricité ou simplement pour la pesée du bébé – il faudra pousser, à terme, la porte de l’une des 18 Maisons sur le territoire de Lyon.
“Une des concrétisations de la Métropole de Lyon”
En novembre dernier, lors de la présentation à la presse de cette fusion partielle, Georges Képénékian (maire de Lyon et conseiller métropolitain) pointait cette amélioration principale :
« Le parcours d’un guichet à un autre est compliqué. Les populations les plus fragiles peuvent ainsi décrocher. »
Ce guichet unique signifie également dossier numérique unique. Et aussi la possibilité d’être accueilli sans rendez-vous.
De son côté, le macroniste président de la Métropole, David Kimelfeld, a pu reprendre son discours favori : une collectivité qui concilie le développement économique et « en même temps » le social.
« C’est l’une des concrétisations de la Métropole : comment se donner les moyens de développer une métropole attractive et, en même temps, faire en sorte que la métropole soit la plus inclusive pour les plus fragiles d’entre nous. »
Avec cette fusion, on devrait passer de 25 à 18 structures sociales. Les Antennes sociales du CCAS vont être supprimées. Mais la Ville de Lyon va payer des loyers à la Métropole.
Tous les agents sont maintenus : il y en aura 300 dont 224 seront des agents de la Métropole. Dans le cadre d’une « gouvernance partagée », chaque collectivité garde son budget et ses agents.
Il s’agit donc plus d’une coordination que d’une fusion. D’où le terme de « mutualisation ». Il ne devrait pas y avoir d’économie. Ou à la marge. Mais David Kimelfeld veut y croire :
« Notre premier objectif n’est pas de faire des économies. Mais d’être plus efficients pour les plus démunis. J’espère qu’à long terme on fera des économies ».
Ce rapprochement entre le CCAS de la Ville de Lyon et la Métropole pourrait-il servir de modèle pour les autres communes ?
Zorah Aït-Maten, adjointe à la Ville de Lyon en charge des affaires sociales, prévient :
« La création des Maisons de la Métropole pour la solidarité ne s’est pas faite en un claquement de doigt. C’est une expérimentation qui a pris deux ans ».
En clair, la mutualisation d’autres services à Lyon ou dans d’autres communes n’est pas pour demain.
“Un projet qui se réalise dans les pires conditions”
Le jour de l’ouverture, le 22 février, les syndicats SUD et CFE-CGC avaient déposé un préavis de grève pour alerter sur les « dysfonctionnements qui surviendront inévitablement ». Pour ces deux organisations syndicales, « ce projet a du sens mais il se réalise dans les pires conditions possibles pour les agents et les usagers. »
Le Jour J, un rassemblement de 70 agents s’est tenu devant la Maisons de la Métropole pour la solidarité du 3e arrondissement, rue Corneille.
Le secrétaire de la CFE-CGC de la Métropole de Lyon reconnaissait l’importance pour les usagers de créer un guichet unique. C’était le seul point positif.
« On fait une belle vitrine. La Métropole et la Ville de Lyon innovent mais il faut mettre les moyens. Là, on part sur des bases catastrophiques. »
Cette fusion des deux guichets se fait dans un contexte tendu : la demande sociale augmente, or les deux collectivités réalisent cette « mutualisation » à moyens constants.
Une secrétaire d’une ex-Maison de la Métropole du 3e arrondissement raconte :
« Depuis 3 ou 4 ans, on voit arriver des personnes âgées. Ce qui n’était pas le cas avant. Il y a aussi des personnes qui travaillent mais n’arrivent pas à trouver un logement. Sans parler de la prise en charge des mineurs non-accompagnés en forte augmentation ».
Les agents et agentes rencontrées remettent notamment en question « l’accueil inconditionnel », autrement dit, l’accueil sans rendez-vous. Aurore Dumetz, représentante SUD du CCAS de Lyon :
« On a testé cet accueil inconditionnel dans les Antennes solidarité du CCAS. Sur le papier, c’est une bonne chose. Mais sans moyens humains, ça tourne à l’accueil à la chaîne où l’on ne passe que dix à quinze minutes par personne. Car on ne peut pas avoir de réponses immédiates, par exemple pour une personne à la rue. C’est une utopie. Du coup, la personne repart avec un rendez-vous dans trois semaines. »
« On fait une belle vitrine mais sans moyen »
Cette représentante syndicale explique que, à l’accueil, ces agents ont plus de chances de se faire agresser :
« L’immense majorité des agressions se sont produites à l’accueil. C’est l’absence de réponses immédiates qui peut créer la frustration et, parfois, la violence. »
Autre innovation fortement critiquée, le « dossier social numérisé ». Il est présenté comme permettant un gain d’efficacité car cela évite de réinterroger l’usager. Les Antennes solidarité du CCAS utilisent déjà ce dossier social numérique. Aurore Dumetz, la représentante SUD, fait un retour d’expérience et pointe un problème :
« En rendez-vous, le souci est que l’on doit remplir en direct le dossier informatique alors que l’on devrait être à l’écoute des usagers qui racontent souvent des choses difficiles ».
Et de conclure :
« On est dans le travail à la chaîne, pas dans du travail social. Il faudrait davantage de moyens humains ».
Les syndicats soulignent une nouvelle fois les différences de statuts. Entre les anciens du Rhône et les anciens du Grand Lyon, il y avait déjà des statuts différents au sein de la Métropole. Désormais, dans un même bureau, des agents n’auront pas les mêmes revenus et les mêmes horaires.
La polyvalence est également demandée. Les agents Ville de Lyon doivent acquérir les compétences de ceux et celles de la Métropole et inversement. D’où également la revendication d’un coup de pouce, sous forme de prime suite à cette mutualisation.
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