Ce n’est pas un événement que la Ville de Lyon met en avant et pourtant, l’occupation de l’église Saint-Nizier par une centaine de prostituées entre le 2 et le 10 juin 1975 constitue probablement le geste fondateur des mouvements de travailleuses et travailleurs du sexe à travers le monde.
Anne Buffet et Yann Dacosta se sont saisis du sujet pour créer le spectacle Loveless, qui s’appuie sur les témoignages de six prostituées recueillis à l’époque par Claude Janget, alors journaliste pour Libération, et regroupés au sein de l’ouvrage Une vie de putain. Pour la première fois, ces femmes marginalisées osaient tenir tête à l’oppression policière et revendiquaient le droit d’effectuer leur travail librement.
Si l’occupation s’est terminée par une intervention de la police sans que les prostituées soient reçues par les autorités comme elles le demandaient, ce coup d’éclat politique a braqué les projecteurs sur leurs conditions de vie et s’est propagé comme une traînée de poudre en France et à l’étranger.
Nous avons rencontré Antoine Baudry, animateur de prévention depuis onze ans au sein de Cabiria, association communautaire qui agit avec les personnes prostituées, afin de faire le point sur la prostitution à Lyon aujourd’hui.
Répression lyonnaise et délitement de la lutte
Entre 1975 et 2018, la réalité de la prostitution a bien changé. Ainsi, Cabiria travaille de plus en plus avec des femmes migrantes et les accompagne dans leurs démarches juridiques, administratives et de santé.
Ces femmes ne se perçoivent généralement pas comme victimes de systèmes mafieux. Beaucoup d’entre elles travaillent pour rembourser les passeurs qui leur ont permis d’immigrer. D’autres travaillent pour un petit ami ou un mari avec lequel elles entretiennent un véritable lien affectif, sans l’assimiler à un proxénète.
Malgré ces changements, une permanence semble se dessiner, profondément inscrite dans le territoire lyonnais, et qui réside dans la répression. Suite à une série d’arrêtés municipaux pris sous les mandats de Gérard Collomb, les personnes prostituées ont été repoussées à la périphérie de la ville et continuent de subir les harcèlements policiers qui étaient dénoncés en 1975, sous des formes nouvelles (comme par exemple les PV de stationnement).
Cette situation génère des tensions entre les personnes prostituées et empêche l’émergence d’un combat commun et solidaire. Cette concurrence est également renforcée par la loi de pénalisation des clients adoptée en 2016 et qui rend le contexte économique plus difficile.
Au final, si l’occupation de Saint-Nizier a posé la première pierre d’un combat pour les personnes prostituées, il apparaît que la route est longue pour que ces dernières obtiennent de meilleures conditions de travail.
Loveless, du 14 au 24 mars aux Ateliers, 5 rue du Petit-David-Lyon 2 / 04.72.77.40.00 / www.theatredescelestins.com
Association Cabiria, 5 quai André Lacassagne-Lyon 1 / 04.78.30.02.65 / www.cabiria.asso.fr
Par Stéphane Caruana sur heteroclite.org

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