La dernière publicité de la région Auvergne-Rhône-Alpes (à voir en image ci-après) est un message de son président, Laurent Wauquiez, tout frais patron de Les Républicains et en route vers l’infini et au-delà. Traduisons-la : moi, je sais mieux gérer qu’Emmanuel Macron.
« Manu » gère le budg’ de la France, « Laurent » celui d’une des plus importantes régions françaises. Ce n’est pas la même échelle mais il veut tout de même montrer qu’il fait tout, en mieux.
1) Plus d’impôts en 2018 en France ? Pas encore sûr
« + 7 milliards de dépenses publiques, + 2,2 % des dépenses des ministères et +4,5 milliards d’impôts ». On suppose que ce sont les projections évaluées de l’État, pour 2018. Pour les 7 milliards c’est exact, elles vont passer de 417 à 424 milliards d’euros en 2018 selon le budget présenté par Bruno Le Maire, ministre de l’économie, en septembre 2017. La hausse globale des dépenses des ministères est exacte aussi même si c’est une moyenne et qu’elle recouvre des orientations différentes selon les ministères.
Concernant une hausse de 4,5 milliards des impôts, ce n’est pas certain. S’il ne cite pas sa source, Laurent Wauquiez fait référence à une note de l’INSEE dévoilée en décembre 2017. La hausse de la CSG, des taxes sur le diesel et la hausse du prix du paquet de cigarettes constituerait selon l’institut une hausse des impôts et des prélèvements de 4,5 milliards d’euros pour l’année 2018. Le gouvernement conteste en expliquant que certaines de ces mesures doivent modifier le comportement et la consommation des contribuables. Il avance même l’inverse et promet une baisse de 5 milliards d’euros des impôts.
Pour Mathieu Plane, économiste à l’OFCE, interrogé par France 2, c’est un scénario intermédiaire qui devrait se dessiner :
« En réalité, en moyenne sur l’année 2018, on devrait être sur quelque chose d’un peu entre les deux, c’est-à-dire globalement sur quelque chose d’assez proche de zéro, lié à l’impact des mesures fiscales sur le pouvoir d’achat. »
2) « Aucune augmentation de la fiscalité » dans la région, facile quand on en n’a pas (vraiment) la compétence
Depuis sa campagne électorale en Région, il le répète. « Pas d’augmentation des impôts » durant le mandat. Nous le répétons alors aussi encore une fois : les régions n’ont qu’une compétence limitée en matière de fiscalité. Ainsi, pour le budget 2018 qui s’élève à 3,7 milliards, 2 milliards proviennent d’une fiscalité sur laquelle la région n’a pas la main. Elle n’est décisionnaire qu’à hauteur de 357 millions de ses recettes fiscales seulement.
Elle fixe le prix de la carte grise, notamment, lequel a été aligné de façon avantageuse. Il était de 45 euros par cheval fiscal pour l’ancienne région Auvergne et de 43 euros pour Rhône-Alpes. Depuis le 1er janvier 2017, il est de 43 euros pour l’ensemble de la nouvelle grande région.
Dans un contexte général de continuité de la baisse des dotations de l’État, la Région a connu en 2016, selon le rapport de la Cour des comptes, une évolution de ses recettes fiscales quasi stable (baisse de moins de 1%). Elle a malgré tout profité, comme les autres, de la hausse de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dont le taux, non fixé par les régions, a progressé de 1,4 % entre 2015 et 2016 et qui constitue une « importante ressource » pour les régions.
Cet axe d’argumentation est devenu « La Région du courage » dans des pubs diffusées dans la presse et sur le réseau de transports en commun.
3) « Baisse de 6 % des dépenses de fonctionnement » ? Des coupes dans la masse salariale
Selon la publicité citée plus haut, les finances de la France, c’est la gabegie. En Auvergne-Rhône-Alpes, ce serait en comparaison Oncle Picsou. Laurent Wauquiez oppose l’augmentation des dépenses à son fameux plan d’austérité maintes fois répété visant à réaliser 300 millions d’économies sur la totalité du mandat. Sur la publicité, cela devient « 590 millions d’économies en trois ans ».
Elle indique également une baisse des dépenses de fonctionnement de 6 %. C’est en effet ce qu’indique la rapport de la Cour des comptes sur les finances locales d’octobre 2017. Sur ce coup, Laurent Wauquiez est presque modeste, il aurait pu indiquer que c’est plus que prévu et qu’il s’agissait de la deuxième année consécutive de baisse (2015 et 2016).
La Cour des comptes précise que la Région a réalisé des économies sur l’ensemble des postes de dépenses de fonctionnement (personnel, fournitures, services…). De bons résultats obtenus notamment par la coupe dans la masse salariale, -1,1 % de dépenses de personnel dans un climat particulièrement délétère pour les agents depuis la fusion. Une économie réalisée « principalement sur la masse salariale des personnels non titulaires ».
Un constat qui fait écho aux critiques de Jean-Charles Kohlhaas, conseiller régional Le Rassemblement (EELV et Parti de Gauche), qui notait lors du vote du budget 2018 de la Région :
« Il est particulièrement inquiétant de voir que 16 % des postes ouverts à la région ne sont pas pourvus. Si les services ne peuvent pas travailler correctement, l’investissement ne pourra pas être fait. On entend des remontées dans ce sens des élus locaux, des entrepreneurs ou d’associations qui ne voient pas arriver les moyens annoncés ».
4) « Champion de l’investissement » ? À coups de subventions selon la Cour des comptes
Alors, beaucoup de com’ a été produite sur les titres et palmarès de « Région la mieux gérée de France selon la cour des comptes » ou de « N°1 pour la relance de l’investissement », ce qui n’apparaît pas dans le rapport. Mais c’est anecdotique.
L’équipe de Laurent Wauquiez met en avant l’augmentation de 20 % par an des investissements (21 % en réalité même). Ce que confirme la Cour des comptes qui note que la Région est la seule à avoir « accru ses dépenses d’investissement parmi celles dont la capacité d’autofinancement est en hausse ».
Cette dernière note toutefois que « cette augmentation est due à la seule politique de subventionnement ». La politique de subvention de Laurent Wauquiez connaît une boussole très particulière, souvent politique, et qu’on dit influencée ou dictée par une éminence grise Ange Sitbon.
La Cour des comptes note que, dans le même temps, les dépenses d’équipement ont elles baissé de 5 %. Elle relève également que ces dépenses « découlent d’engagements pluriannuels » pas forcément tous engagés et impulsés par l’actuel exécutif régional.
5) L’épargne ne progresse pas vraiment
Cette même Cour des comptes indique également que la Région a eu un « recours à l’emprunt supérieur à son besoin de financement », de l’ordre de 124 millions d’euros. Histoire de se refaire un fonds de roulement.
Grâce aux économies réalisées, l’épargne brute de la Région a augmenté de 8 %. Mais au final, l’épargne nette ne progresse que très « légèrement ».
La pub comparative est déployée sur de nombreux supports, mais elle reste un peu courte pour analyser la politique régionale.
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