Passé par la case Canal Plus, puis la direction de I-Télé et celle des Inrockuptibles, l’ami de Jamel Debbouze nous dévoile ici pourquoi entre Nova et Lyon, it’s a match.
Le reste (et c’est palpitant) est à lire dans son autobiographie rédigée à quatre mains avec le grand Michel-Antoine Burnier, Le Plein emploi de soi-même, parue en 2013.
Petit Bulletin : Lyon, c’est la ville de Jean-François Bizot, le défunt fondateur de Nova. J’imagine qu’il y a eu une certaine émotion dans les bureaux à l’annonce de l’obtention de la fréquence lyonnaise ?
Bernard Zekri : Oui, c’est comme avoir le sentiment de retrouver des racines. Jean-François est originaire de Lyon, moi-même je suis allé m’y balader plusieurs fois avec lui. C’est un retour aux sources, mais surtout ça nous faisait vraiment de la peine de ne pas y être présent : c’est une ville qui a une vocation européenne, qui a toujours eu un amour de l’innovation, du progrès, de la modernité. C’est une ville de circulation.
À Nova, on guette les nouveautés, on défriche et on partage ça avec les gens. On s’est toujours dit que la ville naturelle de Nova, c’était Lyon.
C’est un vieux combat, cette fréquence, qui date des années 90 : c’était l’une des toutes premières villes où Nova a voulu émettre en dehors de Paris. Il a même été question un temps d’un projet partagé avec Couleur 3.
Absolument, et même avant : on a très souvent fait dans le magazine Actuel (NdlR : qui faisait partie du même groupe) des suppléments où l’on venait à Lyon pour défendre les lieux et les initiatives culturelles. Il y avait un côté désespérant pour nous de ne pas réussir à émettre ici. L’objectif prioritaire, c’était Lyon.
Ça arrive dix ans après la mort de Jean-François Bizot et on sait qu’il le souhaitait ardemment : on est contents d’avoir pu mener à bien son idée. C’est magnifique et ç’a été un grand soulagement.
« J’aimerais bien qu’une émission qui prenne sa source ici soit diffusée en national : c’est mon ambition secrète. »
Vous partagez l’aventure avec l’ancienne équipe de la radio associative RTU, dont vous reprenez la fréquence.
L’idée : ce n’est pas Nova Paris qui débarque. Ce que j’aimerais beaucoup et ce pour quoi je vais me battre, car je pense que c’est une source de succès pour Nova, c’est de mettre en place des tuyaux aller/retour. Je veux enrichir la radio avec ce qui se fait à Lyon.
J’aimerais bien qu’une émission qui prenne sa source ici soit diffusée en national : c’est mon ambition secrète. Je suis sûr qu’il y a des gens nouveaux, des jeunes qui ont envie de s’essayer à ce média et que l’on trouvera-là de quoi enrichir notre antenne.
Pour l’instant, un certain nombre d’heures de diffusion sont assurées par le national et il y a neuf heures fabriquées localement. On découvre les gens qui vont assurer ces programmes et s’ils le souhaitent, on va les accompagner un peu.
Qu’avez-vous déjà repéré que vous souhaitez accompagner, à l’instar de Arty Farty et Nuits sonores dont vous êtes déjà proches ?
Ce que l’on veut, c’est s’intégrer à la vie locale en organisant des soirées, en participant à d’autres qui existent. Découvrir des DJs locaux que l’on pourrait mettre en évidence sur notre antenne. Nous sommes au début du processus. J’ai l’intention de me rendre à Lyon de manière régulière. Le premier objectif, c’est d’être lyonnais. À partir de là, on pourra remplir notre rôle d’animateur, de pertubateur.
La particularité du dossier présenté au CSA pour Nova Lyon, c’est un soutien très important des acteurs culturels de la ville pour votre venue.
Nova, ça existe à partir de cette animation de la ville. Le propos de notre radio est de développer des contenus originaux. On n’a pas envie d’être des bouts d’algorithme, de reprendre des infos ailleurs… Notre envie, c’est d’aller chercher. La proximité que l’on aura avec ces acteurs de la ville nous permettra d’atteindre nos objectifs. On espère créer autour de nous une excitation. On fait ce travail à Paris depuis longtemps, on espère arriver à avoir la même résonance à Lyon.
Je suis optimiste : ça fait longtemps que l’on attend ce moment. Matthieu Pigasse, qui a racheté la radio il y a un an et demie, a envie de développer Nova. Il nous a donné quelques moyens pour le faire. C’est le bon moment.
Le budget a été augmenté de manière substantielle avec son arrivée ?
Mathieu Pigasse a permis d’installer certaines émissions qui n’existaient pas il y a deux ans et qui ont un certain coût, comme la matinale d’Édouard Baer, qui remporte un gros succès. Plus Près de Toi a remis Nova sur la carte des médias qui bougent, on en a beaucoup parlé, sur les réseaux sociaux ses vidéos cartonnent. Ce que j’apprécie, c’est que c’est le ton, l’humeur de Nova.
C’est une radio qui ne passe pas la musique que l’on entend partout ! Les matinales des grandes radios c’est de l’info, découpée, c’est remarquable, mais on voulait de la fraîcheur, quelque chose de très différent.
C’est un ton que nous avons toujours développé et qui cette année est celui d’Édouard. On vient avec lui le 11 janvier au restaurant À La Piscine : je suis très excité par l’idée de venir avec lui à Lyon, on a l’intention de répéter cette expérience plusieurs fois cette année. Avec Édouard c’est sûr, mais aussi avec d’autres émissions.
Vincent Carry, directeur de Arty Farty, aimerait beaucoup que vous intégriez le futur Hôtel 71 : c’est toujours en discussion ? Est-ce qu’il y a une participation possible à l’incubateur de médias prévu dans ces locaux ?
Oui, même si c’est peut-être aller un peu vite que de le dire. Oui, car on s’est sentis proche de Vincent et de Arty Farty, on a envie de faire des choses ensemble. Vincent Carry incarne exactement ce genre de partenaires dont je vous parlais.
« Nova, c’est un choix fait dès le départ : trouver toutes les musiques qui résonnent et qui font vivre des communautés, les musiques de demain. »
Qu’est-ce que raconte Radio Nova de notre époque ? Vous avez lancé une émission sur le genre, par exemple.
Vous parlez de l’émission de Géraldine Sarratia, j’en suis ravi : elle existe depuis plus d’un an, c’est vraiment la première à traiter cette problématique frontalement et j’espère que l’Histoire la retiendra. Ce que l’on cherche, c’est une parole qui n’est pas passée avant par le moulin médiatique.
Ce sont des éléments qui aident à rapprocher les gens, plutôt que l’hystérie – je sais que tout le monde parle de ça, cette hystérie accentuée par les réseaux sociaux – mais nous vivons dans un pays formidable et on a pourtant l’impression, souvent, que c’est un cauchemar. Les médias couvrent de plus en plus les polémiques…
Le prêt à penser est notre ennemi. Prendre le contrepied, c’est très sain et ça permet de créer des pistes pour avancer. Partir en quête de cette parole et de ces musiques, aussi : c’est la fonction première de cette radio.
Je suis fier ainsi d’avoir à l’antenne le Nova Club de David Blot : en France aujourd’hui, il y a peu d’émissions qui racontent comment la musique se fabrique, qui sont les gens impliqués. Ça n’existe quasi plus. David Blot nous fait comprendre pourquoi un tube n’est que l’aboutissement d’une longue démarche. Il nous raconte ça : comment une scène se forme, comment les producteurs travaillent.
Nova, c’est un choix fait dès le départ : trouver toutes les musiques qui résonnent et qui font vivre des communautés, les musiques de demain. Quand on arrive à les raconter en plus de les faire écouter, c’est formidable.
Quels sont les résultats en terme d’audience après tous ces changements ?
Je suis satisfait. On a rarement vu un directeur de radio dire le contraire (rires) ! Mais il y a des règles de base : quand on change, ça prend du temps. On vient casser les habitudes des auditeurs, ça se manie avec beaucoup de précautions. En terme d’audience, les résultats sont assez satisfaisants. On n’a pas augmenté considérablement, mais on n’a pas perdu.
Et pour Lyon, il y a des objectifs ?
On a de l’ambition. Mais c’est un saut dans l’inconnu. On va faire des efforts cette année en termes de communication. On s’installe, on essaye de s’intégrer. On a en nous chevillée la certitude que Nova et Lyon c’est un joli mariage. Nous sommes sereins et optimistes.
« Le monde de la radio est très concurrentiel, et je vois bien le nombre d’années qu’il nous a fallu pour arriver à Lyon »
Une action en justice contre l’attribution de la fréquence à Nova Lyon a été intentée par le SIRTI…
Je suis absolument serein sur ce que nous avons fait et la façon dont nous l’avons fait. Nous sommes irréprochables. Jean-François Bizot, qui a investi sur cette radio depuis la naissance des radios libres, est probablement le seul de tous ces messieurs ayant acheté des radios, qui a fait un travail de service public : Nova n’est pas un endroit où l’on gagne énormément d’argent, parce que l’on considère que l’on a une mission.
Jean-François s’est battu au fil des années avec tous les gens qui travaillent ici pour faire découvrir en France le raï, la musique africaine, la salsa, le rap. On n’a pas fait comme les autres stations qui ont diffusé cette musique pour capter un public adolescent : la réalité, c’est que les gens qui ont fait découvrir cette musique en France, c’est nous et personne d’autre. Il y a une vocation culturelle forte à Nova.
Le monde de la radio est très concurrentiel, et je vois bien le nombre d’années qu’il nous a fallu pour arriver à Lyon. C’est peut-être ça qui gène : nous sommes une petite radio et le CSA a pourtant jugé bon de nous attribuer cette fréquence. À chaque autorisation de fréquence, il y ce type de recours. La justice fera son travail. Mais ce que nous avons fait, nous, je n’ai aucun doute.
Propos recueillis par Sébastien Broquet sur petit-bulletin.fr.
Edouard Baer, émission Plus près de toi : le réveil à Lyon
A la Piscine 8 quai Claude Bernard Lyon 7e
Jeudi 11 janvier 2018 à 6h30
S3A + Waxist + Lb aka Labat + Patchworks
Le Sucre 49-50 quai Rambaud Lyon 2e
Vendredi 12 janvier 2018 de 18h30 à 1h
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