Ce bronze représentant Auguste Burdeau a été fondu sous l’occupation nazie. Une association laïque milite pour le retour de la statue.
Ce mercredi d’octobre, ils sont trois membres du Cercle Maurice Allard à rendre hommage à Auguste Burdeau. Une banderole est tendue au pied du monument et le président fait son discours devant la caméra de France 3.
Un passant intrigué se questionne sur ce qui se trame. Le président de l’association laïque lui narre alors l’histoire de cet homme politique français de la fin XIXe :
« C’est un fils d’un canut arrivé au sommet de la République »
Auguste Burdeau, une « ascension républicaine »
La page Wikipedia qui lui est dédiée retrace une « ascension républicaine ».
Né en 1851, orphelin à dix ans, le tout jeune Burdeau fut apprenti comme tisseur sur soie tout en suivant les cours du soir pour être admis au lycée de Lyon. Étudiant en 1870, il s’engagea dans l’armée contre les Prussiens. Fait prisonnier, il s’échappa et obtint la légion d’honneur à 20 ans.
Agrégé de philosophie, il enseigna à Nancy et à Paris au très prestigieux lycée Louis-le-Grand. C’est là qu’il fut repéré par Paul Bert, ministre de l’Instruction publique, qui le nomma chef de cabinet en 1881.
À cette époque, Auguste Burdeau écrivit deux ouvrages remarqués pour démontrer que la morale n’est pas obligatoirement liée à la religion.
Il fut député du Rhône de 1885 à 1894 et deux fois ministres. Élu président de la Chambre des députés, le 5 juillet 1894, il mourut cinq mois plus tard.
En hommage, une statue fut érigée en 1903 dans sa ville natale, au bas de l’actuel jardin des plantes (Lyon 1er). De face, un bronze le représentant surplombant une fontaine et au dos de l’édicule, les grandes dates de son parcours.
Mais en 1942, la statue fut fondue par le régime de Vichy. Aujourd’hui, restent l’édicule et la fontaine.
« Un modèle que tout le monde devrait connaître »
Depuis trois ans, le Cercle Maurice Allard tente modestement de réactiver une « mémoire républicaine et laïque » lyonnaise. Son président, Jean-Louis Kaigre, est remonté :
« On veut nous faire croire que notre ville, c’est « Lyon la Catholique ». Alors que c’est « Lyon la Républicaine » ! Ne disait-on pas d’Édouard Herriot qu’il était le pape de la laïcité ? »
À la suite de recherches sur ces figures républicaines lyonnaises, Auguste Burdeau est apparu comme une évidence. Un modèle à remettre en avant.
« J’ai grandi dans ce quartier des Pentes de la Croix-Rousse et jamais on ne m’a parlé de Burdeau, poursuit le soixantenaire Jean Petrilli, le vice-président du Cercle Maurice Allard. Aujourd’hui alors que l’ascenseur social est bloqué, il faudrait que les écoliers lyonnais viennent voir sa statue, car il est un symbole de l’ascenseur social ».
Le refus de recréer la statue de Burdeau : seulement une question de sous ?
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En 2015, le Cercle Maurice Allard a sollicité la mairie du 1er arrondissement pour « recréer cette statue et la remettre à sa place ».
La majorité « Lyon citoyenne et solidaire » (Gram, Parti de gauche, PCF) du conseil d’arrondissement a appuyé cette demande auprès de la mairie centrale, compétente en la matière. Refus de la mairie pour une question de « restriction budgétaire », une nouvelle fois confirmée par l’adjoint au patrimoine Jean-Dominique Durand en octobre dernier.
Contactée par Rue89Lyon, la Ville de Lyon développe :
« Le contexte de restrictions budgétaires ne nous permet pas d’envisager la réalisation d’une nouvelle sculpture. »
La Ville de Lyon affirme que « la mémoire d’Auguste Burdeau reste fortement honorée dans l’espace public lyonnais ». A trois endroits :
- La rue des Pentes de la Croix-Rousse qui porte son nom
- Un jardin à son nom aménagé en 2012 au 17 rue Burdeau
- Le monument-fontaine du jardin des plantes sur lequel était la statue.
Et la Ville d’ajouter :
« Cette présence sur différents sites permet un devoir de mémoire plus que jamais nécessaire. Bien sûr, la Ville accueillerait favorablement toute initiative citoyenne, associative concernant l’apport de Burdeau et le projet d’une nouvelle statue, si des fonds pouvaient être réunis ».
Les « restrictions budgétaires » ne convainquent pas les membres du Cercle Maurice Allard.
« Les élus de la mairie centrale mettent en avant un aspect financier alors qu’ils ne connaissent même pas le chiffrage, s’emporte Jean-Louis Kaigre. D’autre part, les cultes ne semblent pas subir les mêmes restrictions budgétaires. La Ville de Lyon dépense chaque année des milliers d’euros pour les soutenir ».

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