L’association Eisenia, qui milite pour le développement du lombricompostage dans l’agglomération lyonnaise, a saisi le Défenseur des droits pour l’alerter sur le sujet.
« Le but n’était pas de stigmatiser la collectivité, simplement d’alerter sur des petits problèmes et avancer ensemble ».
C’est ce que promet Cyril Borron, membre d’Eisenia, à propos de cette saisine du Défenseur des droits. Un euphémisme pour cette démarche qui n’est pas anodine et peut paraître surprenante puisqu’on connait davantage le Défenseur pour œuvrer dans le champ des discriminations.
« Ça a fait un peu de bruit dans les réseaux politiques. On a appris qu’il y en a quelques-uns qui se sont fâchés », reconnaissait Cyril Borron lors de la conférence de presse que tenait l’association au sujet des biodéchets de masse, le 17 novembre dernier.
C’est le Défenseur des droits lui-même qui avait lancé le 18 juillet dernier un appel à témoignages pour mieux identifier les problématiques liées à la gestion des déchets.
Le tri fantôme des biodéchets issus des marchés alimentaires
Que reproche exactement l’association à la Métropole de Lyon ? Outre le taux abusif de la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM – lire l’encadré ci-contre), Eisenia pointe surtout « le non-respect de l’obligation de gestion séparée des biodéchets des gros producteurs », à savoir les supermarchés, restaurants et marchés alimentaires.
En particulier, la Métropole n’organise pas la collecte séparée des biodéchets sur les marchés alimentaires de son territoire. Un « gisement » pourtant plein de potentiel, qu’Eisenia chiffre à 7000 tonnes par an.
Eisenia n’est d’ailleurs pas la seule à soulever ce problème. L’association Zéro Déchet Lyon dénonce, elle aussi, les manquements de la collectivité sur ce sujet.
Dans son bilan du « Plan stratégique de gestion des déchets 2007-2017 » de la Métropole, Zéro Déchet tire une conclusion sans appel :
« Le tri des biodéchets [des gros producteurs] est quasi inexistant dans les lieux gérés par la ville et la Métropole : le tri est très ponctuellement réalisé dans les cantines scolaires (primaires et collèges), mais inexistant pour les marchés municipaux (à l’exception de quelques expérimentations). Ces biodéchets partent par conséquent directement pour l’incinérateur… ».
Le « millefeuille territorial » en cause ?
Quiconque a assisté à une fin de marché à Lyon s’est bien rendu compte que cagettes, déchets alimentaires et emballages divers étaient ramassés pêle-mêle et non triés. Un grand gâchis car la collecte finit directement à l’incinérateur. Un bonheur pour ceux et celles qui font de la récup’.
Pourtant depuis 2012, l’article 204 de la loi Grenelle 2 rend obligatoire le tri des biodéchets pour les gros producteurs. Et depuis le 1er janvier 2016, le seuil pour définir ce qu’est un « gros producteur » est fixé à 10 tonnes de biodéchets par an.
Un tonnage que la plupart des grands marchés alimentaires atteignent aisément, comme le souligne une étude de l’ADEME. Et qui concerne a priori la Métropole de Lyon, en charge de la gestion des ordures ménagères, auxquelles sont assimilés les déchets des marchés alimentaires.
Sauf qu’une circulaire ministérielle du 10 janvier 2012 précise le cas particuliers de ces biodéchets. Ce sont les collectivités qui organisent les marchés alimentaires – c’est-à-dire les communes – qui en sont détentrices et responsables.
« Il appartient alors au détenteur de ces déchets de s’organiser avec le producteur pour mettre en place un tri à la source des biodéchets ».
Autrement dit, la Métropole s’occupe de la gestion des déchets ménagers et assimilés, du nettoyage des fins de marché mais les communes, comme la Ville de Lyon, sont responsables du tri des biodéchets. Un bel exemple d’enchevêtrement des compétences.
Émeline Baume, conseillère métropolitaine en charge de « la prévention des déchets », met en avant ce problème de compétences pour expliquer l’inaction de Lyon en la matière :
« Les déchets appartiennent à la collectivité qui accueille les marchés […]. Ce n’est pas la Métropole qui gère les marchés, c’est la ville de Lyon. Pourquoi la ville de Lyon ne s’en occupe pas ? Parce qu’elle voulait se mettre en articulation avec l’action de la Métropole… »
Une situation quelque peu ubuesque qui devrait bientôt connaître une amorce de solution, en application du « Pacte de cohérence métropolitain ».
Le dernier conseil municipal, lundi 20 novembre, vient en effet de voter le « Contrat territorial » entre la Ville et la Métropole de Lyon qui clarifie un certain nombre de points, dont cette question des biodéchets.
Une « fiche action » mais pas encore d’action
À l’intérieur de ce « Contrat territorial », une « fiche action » (non disponible en ligne actuellement) porte justement sur « l’optimisation du nettoiement des marchés alimentaires et forains ».
La ville de Lyon s’y engage à :
- Faire respecter le règlement des marchés (notamment les horaires de fin de marché et les obligations liées à la gestion des déchets)
- Répondre aux objectifs de prise en charge de la gestion des déchets produits (y compris biodéchets).
De son côté, la Métropole prend acte et déclare qu’elle va :
- Accompagner la Commune dans la démarche pour répondre aux objectifs de gérer à la source les biodéchets avec les forains et la commune
- Proposer à la Commune des évolutions du règlement des marchés, pour ce qui concerne la propreté du marché et la gestion des déchets
- Mettre à disposition de la Commune des outils de sensibilisation et de communication à destination des forains […].
Une répartition des compétences qui semble enfin mettre un peu de clarté dans un fonctionnement jusqu’ici nébuleux.
Problème : aucune solution n’est avancée dans cette fiche-action. Celle-ci se contente de renvoyer à une expérimentation « Marché propre » menée sur le marché de la Place Guichard (Lyon 3ème) entre mars et juin 2017 et de promettre de nouvelles mesures pour le courant 2018.
Mais Émeline Baume nous avait averti :
« Ça ne va pas se faire du jour au lendemain, comme d’habitude. C’est entre maintenant et 2020 ».
« Un Plan B comme Biodéchets »
Dans ce contexte, les membres d’Eisenia espèrent que leurs idées seront entendues. Ils ont présenté à la presse leur « plan B, comme Biodéchets ».
Particuliers, marchés et restaurateurs : l’association a avancé des solutions de collecte et de valorisation pour chacun de ces producteurs de déchets organiques végétaux. Avec au centre des préconisations, le recours au lombricompostage :
- Installer des lombricomposteurs collectifs dans des immeubles et des lieux publics pour le volet « particulier ».
- Collecter en vélo-cargo ou camion-benne auprès des gros producteurs et valorisation sur des plateformes de lombricompostage agricole de proximité.
Selon Eisenia, ce plan aurait naturellement un impact environnemental, économique et social « positif » et permettrait aussi de tendre vers le zéro déchet. Mais Il nécessite, comme les membres de l’association le reconnaissent eux-mêmes, « des études approfondies » pour être peaufiné.
Ils en appellent d’ailleurs à la collectivité pour financer ces études de faisabilité et des éventuelles expérimentations de terrain. Histoire d’à nouveau « avancer ensemble » ?
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