SUR RUE89
Deux jours après son retour de congé maternité, le 29 janvier 2015, Karline Marion, 34 ans, danseuse au ballet de l’Opéra de Lyon, apprend qu’elle ne sera pas reconduite dans la prestigieuse institution. Son cinquième CDD, le dernier donc, s’achève en juin de la même année.
Après cinq CDD, les danseurs de l’Opéra de Lyon sont pérennisés en CDI. A ce moment charnière, Yorgos Loukos, 67 ans, directeur du ballet de l’Opéra de Lyon depuis 33 ans, décide de se séparer de la danseuse.
L’homme en polo noir, fines lunettes, comparaît au tribunal correctionnel de Lyon ce jeudi [09 novembre], pour discrimination et harcèlement.
« À son âge… »
Au tribunal, Yorgos Loukos, debout devant Karline Marion, jure ne pas avoir de problèmes avec les danseuses mères de la compagnie. Celle qui est assise derrière lui ce jeudi n’était juste pas assez bonne.
« Elle était pas mal, elle n’était pas la meilleure. » Et le temps, « à son âge » (34 ans à l’époque, donc), n’aurait pas arrangé les choses. « [Elle] n’allait pas à 40 ans devenir exceptionnelle », observe-t-il.
Seulement, dans l’épais dossier (« une chance », pour ces motifs d’inculpation), deux retranscriptions d’enregistrements, captés par la danseuse à l’insu de Yorgos Loukos, sont accablantes pour le directeur du ballet.
Dans la conversation enregistrée, Yorgos Loukos égrène aussi les noms des danseuses mères de la compagnie, toutes en CDI.
« … et il y a toi. On va donc faire une école maternelle », tance-t-il.
« Vous aviez peur que je m’installe après avoir eu un enfant, que je ne sois plus aussi dynamique », lui dit aussi dans l’entretien Karline Marion. « C’est une des raisons, effectivement », reconnaît alors Yorgos Loukos.
Le second entretien, enregistré fin février 2015, intervient après que le directeur refuse, deux jours avant le départ, que Karline Marion se rende avec la compagnie à Bordeaux, comme prévu, pour se remettre en forme et revoir la chorégraphie du spectacle qu’elle devait danser de nouveau à Brest.
« Tu vas rester à Lyon pour faire ta gym et t’occuper de ton truc. » Son truc ? Dans l’enregistrement, Karline Marion le reprend, alors il finit par concéder : « Oui, c’est de ton enfant que je parle. »
L’art et le droit
Pour le procureur, dans ce dossier, « le doute est absent, il n’existe pas ». La « vraie raison » de son éviction renvoie à un « motif prohibé par la loi ». Le procureur, qui requiert six mois d’emprisonnement et 8.000 euros d’amende, ajoute que le prévenu « ne se remet nullement en question ».
Pour l’avocat de la défense, l’institution ne fait pas la chasse aux femmes enceintes. Le 31 janvier, « on va choisir l’excellent et on va mettre de côté le bon ». Tout simplement.
Le tribunal a jeudi soir condamné Yorgos Loukos à six mois de prison avec sursis, 5.000 euros d’amende et 20.000 euros de dommages et intérêts. Il entend faire appel de cette décision.
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