En mai 2017, un ancien détenu témoignait :
« Au tribunal, quand on entend qu’on va être incarcéré à Villefranche, c’est comme si on prenait une double peine. »
Rue89Lyon vous en parlait déjà il y a quelques années, la maison d’arrêt de Villefranche n’a pas la réputation de traiter ses détenus avec le plus grand soin. Dans sa dernière enquête intitulée « Villefranche-sur-Saône : l’omerta », l’OIP fait état de mauvais traitements réguliers.
En 2012, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) avait déjà déploré le cas de la maison d’arrêt caladoise. Cinq ans plus tard, la situation ne semble pas s’être améliorée, bien au contraire.
« Si tu bouges, je te les pète »
À commencer par les violences faites aux détenus. Le coordinateur Sud-Est de l’ONG de l’association, Amid Khallouf, le rappelle dans son enquête :
« Au moment de la visite du CGLPL de 2012, deux enquêtes pénales étaient en cours, susceptibles de mettre en cause des agents pour des faits de violence à l’encontre de personnes détenues. »
En 2016, trois surveillants pénitentiaires ont été mis en examen pour violences aggravées et une enquête préliminaire a été ouverte en avril à l’encontre du chef d’établissement. Ce dernier aurait donné des coups de genoux à un détenu déjà menotté.
L’usage de la violence physique à l’encontre des personnes incarcérées est régulièrement rapporté tant par les victimes que par leurs familles.
Alors que les surveillants emmenaient un prisonnier, les mains liées, au quartier disciplinaire, l’un d’eux lui aurait tordu les doigts et lancé avec véhémence :
« Si tu bouges, je te les pète. »
Mais à rapporter ces violences auprès de l’OIP, les détenus risquent gros. C’est la raison pour laquelle l’organisation fonde son enquête sur des courriers et témoignages anonymes récoltés via la plateforme en ligne ou lors des permanences.
Des violences qui seraient également verbales. La population carcérale de la maison d’arrêt de Villefranche étant composée de personnes issues de l’immigration, il ne serait pas rare d’avoir à faire à des propos racistes. En 1996, le syndicat FN-pénitentiaire –jugé illégal par la suite– avait d’ailleurs connu un franc succès, rapporte l’enquête. Un succès qui a laissé son empreinte ?
Des fouilles à nu régulières
Néanmoins, l’enquête ne manque pas de rappeler que seule une minorité du personnel est concernée par ces accusations et que beaucoup sont scandalisés par certains agissements. Dans un courrier adressé à l’OIP, un surveillant caladois alerte :
« Certains de mes collègues bourrés de haine et de violence confondent autorité et autoritarisme. »
L’association affirme avoir reçu de nombreux courriers de plaintes de la part de détenus concernant « des fouilles à nu abusives, suivies par une fouille de cellule ». Fouilles durant lesquelles les effets personnels peuvent être « souillés ». La tante d’un détenu, dont la chambre a été inspectée rapporte :
« Ils auraient même déchiré les photos de sa fille qui étaient accrochées au mur. »
Mais pour les surveillants, de tels exercices seraient nécessaires pour garantir la sécurité à la fois du personnel et des détenus, en particulier depuis l’interdiction des fouilles systématiques. C’est en tout cas ce qu’explique Dominique Verriere, secrétaire régional du syndicat majoritaire l’UFAP, joint par la rédaction :
« L’interdiction de fouille systématique pose un problème de sécurité. »
Avant de préciser :
« Au bout d’un moment la sécurité qu’on essaye de faire sert aussi aux détenus. Certains sont bien contents qu’on puisse les protéger des agressions dont ils pourraient être victimes. »
« Ce n’est pas une enquête, c’est un pamphlet »
Dans le milieu pénitentiaire, l’enquête passe mal. Joint par téléphone, le représentant de l’UFAP argue :
« Pour moi ce n’est pas une enquête, c’est un pamphlet. Je n’ai pas vu de chose là-dedans qui me fasse dire que c’est une enquête. »
Pour lui, le système carcéral est encore trop caricaturé aujourd’hui :
« Il faut sortir de cette caricature du surveillant violent et alcoolique. Le système pénitentiaire est beaucoup plus complexe que ça. »
Avant de concéder :
« Oui, évidemment que certains détenus se plaignent. Mais le quotidien n’est pas celui que l’on voit dans les journaux. C’est un monde violent, mais c’est de la violence insidieuse, de la pression. »
Le représentant de l’UFAP précise tout de même que certaines relations entre les détenus et les surveillants se passent bien. Et qu’une histoire d’amour aurait même vu le jour il y a peu dans un autre établissement, à Roanne.

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