Quand le cirque débarque à Fourvière en 2011, c’est avec Les Tziganes tombent du ciel par les Romanèset une compagnie canadienne rodée aux grands shows, les 7 Doigts de la Main. Cette dernière reviendra quatre fois, jusqu’à évincer le théâtre qui traditionnellement faisait l’ouverture du festival : c’était l’an dernier, avec Triptyque, un travail articulé entre les circassiens et trois chorégraphes, dont Marie Chouinard.
De toute évidence, cet art pour petits et grands permet de drainer un large public, avec une durée assez courte (rarement plus d’une heure et trente minutes) quand bien même la qualité est fluctuante. Ainsi, les 7 Doigts ont impressionné avec Psy et Traces, beaucoup moins avec un Cuisine et confessions en roue libre.
À ce mastodonte, répondent d’autres spectacles à toute petite échelle venus parfois de loin, comme ce Tania’s paradise mené par une contorsionniste israélienne qui déballe les cartons de sa vie sur une minusucle scène promontoire circulaire.
Comme elle, de nombreux artistes – dictés tant par une économie compliquée qu’un besoin de revenir à l’authenticité – ont décliné des propositions presque lunaires comme le Bestias de la compagnie Baro d’Evel. Chez les Basques, les animaux – évacués du nouveau cirque et notamment chez Plume – n’étaient plus des prétextes à performances mais des compagnons de récits.
Et c’est avec eux que les Nuits de Fourvière investissent pour la première fois le domaine de Lacroix-Laval en 2015, jusqu’à y créer un village qui, l’an dernier, a accueilli des formes simples mais dramaturgiquement très construites, comme le Petit Théâtre de Gestes ou les très théâtraux et dark Dromesko.
Artisanat
Oui, le cirque a quelque chose à nous raconter, à condition de ne pas tomber dans un décalque trop transparent du réel.
Exception faite pour le Cirque Aïtal (venu en 2013), avec un petit bijou digne d’un film de Truffaut qui serait devenu acrobatique, Pour le meilleur et pour le pire. Seul sur scène et même en tournée, fuyant la hiérarchie et les « catégories sociales du cirque » comme il le dit volontiers, David Dimitri s’inscrit ainsi dans une lignée presque cinématographique, celle de Buster Keaton et de Meliès avec des numéros qui, volontairement, dérapent jusqu’à se transformer littéralement en boulet de canon puis rejoindre les airs, L’Homme cirque.
Dès le départ, tout est question d’équilibre : il tente de mettre ses chaussures en position debout sans regarder ses pieds puis s’essouffle sur un tapis roulant, jouant avec le rythme.
Cet accord, il le trouve aussi dans sa manière de jouer avec la taille de ses numéros, jouant de ses doigts qui courent sur un fil, à un numéro de bascule avec de vrais sacs de sable qu’il a lui-même pendu : tout est à vue du public et aucun technicien n’est caché dans des coulisses qui n’existent pas – sinon la coursive du chapiteau.
C’est que David Dimitri, enfant de la balle, fils d’un clown, ami du Mime Marceau suisse, et fildefériste avant même que cela ne devienne une spécialisation, aime animer le sentiment de peur si naturel au cirque en peaufinant ce qu’il y avait avant et après le saut périlleux.
C’est donc comme un comédien qu’il s’échappe du chapiteau, à quinze mètres de hauteur, sans la moindre protection ; il rappelle alors dans ce moment d’apesanteur que cette discipline est aussi l’une des plus dangereuses et des moins artificielles qui soient.
Créée chez eux à Besançon en mai dernier, « La Dernière saison » est pour Plume le commencement de la fin. Ce cirque a été précurseur, dès sa création en 1983, avec Amour, jonglage et falbalas, d’une façon de faire vivre le spectacle de rue, la magie, la musique.
Il y a trois ans, Tempus fugit, un best-of à l’occasion de leurs trente ans, reprenait des numéros qui, à nos yeux, paraissaient vieillis tant le nouveau cirque n’a cessé de se renouveler ces dernières années. Mais c’est bien à ces anciens que de nombreux jeunes circassiens doivent peut-être bien leur désir de prendre la tangente.
Défier la loi de la gravité est au cœur du travail sur la roue Cyr que mènent Juan Ignacio Tula et Stefan Kinsman dans Santa Madera, couvés à la fois par le trampoliniste Mathurin Bolze et la metteuse en scène Séverine Chavrier, tous deux particulièrement doués dans leur catégorie.
En groupe, hissés à bout de gras ou sur un trapèze, l’équipe de A simple space enchaîne les acrobaties alliant la simplicité à la technicité sans esbroufe.
Enfin, puisque depuis six ans maintenant il est démontré que le cirque se défait de sa gangue pour s’ouvrir aux autres arts, Aurélien Bory, circassien de formation mais se définissant comme metteur en scène va « espérer l’inattendu » avec les élèves comédiens, techniciens, costumiers de la 3e année de l’ENSATT sur la langue si alambiquée et novatrice de Valère Novarina. Le cirque s’écrit plus que jamais au pluriel.
L’homme Cirque
Par David Dimitri
Domaine de Lacroix-Laval – Route de Saint-Bel Marcy. L’Étoile
Du 1 au 23 juillet 2017, à 20h30 (relâche le 3, 10, 13 et 20)
La Dernière Saison
Par le Cirque Plume
Parc de Parilly – Bron
Du 30 juin au 5 août 2017, du lundi au samedi à 20h30 (relâche le 17 et 31 juillet)
L’Espace furieux
De Valère Novarina, dir Aurélien Bory
ENSATT – 4 rue Sœur Bouvier Lyon 5e
Jusqu’au 7 juillet 2017, à 20h (relâche dimanche 2) + jeu 29 à 14h30
Santa Madera
Par Juan Ignacio Tula & Stefan Kinsman
Domaine de Lacroix-Laval – Route de Saint-Bel Marcy. L’Étoile
A simple space
Par Gravity & Other Myths
Domaine de Lacroix-Laval – Route de Saint-Bel Marcy.L’Étoile
Du 1 au 23 juillet 2017, à 20h30 (relâche le 3, 7, 8, 9, 10, 13 et 20)
Par Nadja Pobel sur petit-bulletin.fr

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