Pour se balader aux abords du vélodrome, il faut se rendre au nord du parc de la Tête d’Or. Entouré d’une multitude d’arbres et ceinturé par un lac, l’endroit ressemble à une petite île.
Accessible par deux chemins, le terrain est à l’abri des regards. Trop, selon Xavier Simond, adjoint (UDI) au maire du 6ème en charge du Sport :
« C’est un site sous utilisé et trop peu de gens savent qu’il existe. Il n’y a même pas, dans le parc, l’inscription du vélodrome sur les panneaux verts de signalisation. »
Xavier Simond voit l’arrivée du tournoi de tennis , grâce à l’aide substantielle de la Région, comme une belle opportunité, qui permettra de mettre en lumière cet emplacement singulier. Selon lui, la Ville de Lyon dont dépend le vélodrome, a tardé à le rendre plus visible. Et ce n’est certainement par la responsabilité de la mairie d’arrondissement :
« C’est un équipement qui relève de la mairie centrale. Une mairie d’arrondissement comme la nôtre n’a pas de budget. »
Adjoint au maire de Lyon en charge des Sports, Yann Cucherat voit également la présence de l’Open Parc au vélodrome comme un atout non négligeable :
« Cet événement est une magnifique vitrine pour le parc de la Tête d’Or. Les spectateurs sont clairement séduits par le cadre magique de ce parc mythique, qui n’offrait cependant jusque-là pas toutes les garanties de visibilité que mérite un équipement de la qualité du vélodrome Georges Préveral. En ce sens, l’Open Parc, qui va ramener 20 000 spectateurs sur les cinq jours de compétition concernés, va définitivement permettre au vélodrome d’être identifié, et donc, les associations utilisatrices en tireront bénéfice. »
La rénovation du vélodrome « pour l’Open de tennis »
L’adjoint de la Ville de Lyon le certifie : dans un souci de protéger ce fameux « atout », le vélodrome a été renouvelé en hiver dernier.
« Des travaux entrepris sur le renforcement de la structure béton et de la piste ont été entrepris pour la somme de 318 000 euros. »
Pourtant Gérard Cellier, président du club Lyon Sprint Evolution (LSE) qui utilise régulièrement le vélodrome, n’y croit pas. Lui, qui reconnaît avoir « tout un tas de repères et d’attaches » lié à ce lieu, affirme que seuls 160 000 euros auraient été dépensés pour des modernisations de la piste. Il ajoute :
« La rénovation n’a pas été faite pour nous. C’est un coup de peinture pour faire de belles images du vélodrome lors du tournoi de tennis ».
Même réaction pour Marc Pacheco, entraîneur consultant de demi-fond au LSE et « célèbre » pistard lyonnais :
« Tout a été repeint, on a nettoyé au karcher les couloirs des cabines, les tunnels… Je n’ai jamais vu ça en 40 ans. Et après, ils viennent nous dire que ce n’est pas pour le Grand Prix de Tennis. Il y a un moment, faut arrêtez de se moquer des gens. »
Son de cloche identique chez les parents des licenciés du club, qui sont allés jusqu’à rédiger une pétition adressée au maire, au président de la Région et au préfet du Rhône :
« L’organisation au centre de ce Vélodrome du tournoi de tennis Open Parc, nous exclut de celui-ci pendant plus d’un mois, sans concertation d’aucune sorte. […] Dans ce mois de mai, nous devons préparer, malgré tout, nos pistards pour les championnats Auvergne/Rhône-Alpes, qualificatifs pour les championnats de France, dans le plus grand désintérêt de nos élus. »
L’arrivée du festival « Roulez Jeunesse » au vélodrome
Sans parler du tennis, d’autres activités se déroulent sur le vélodrome, qui n’est pas exclusivement réservé aux cyclistes. C’est le cas par exemple de « Divertisport », « les Parcours du Cœur » ou les acrobates de la « slackline ».
Mais s’il y a un festival qui parvient à conjuguer le sport et la culture, c’est bien « Roulez Jeunesse ». Prenant le rythme d’une biennale, l’événement a pris place au vélodrome en juin 2014. Deux ans plus tard, 6000 personnes se déplacent au nouveau rendez-vous. Une affluence qui a doublé depuis la première édition.
Malgré le caractère discret du vélodrome et cette charte interdisant les rassemblements de plus de 80 personnes, ce n’est donc pas la première fois qu’il y a un événement important sur la piste.
Co-directeur du festival, Olivier Dumonteil considère ce bâtiment incroyable et raconte comment cela a commencé :
« L’initiative de s’emparer du vélodrome vient de l’association, c’est un endroit qu’on connait depuis longtemps. On a demandé à la mairie centrale et tout est allé vite. La collaboration s’est bien passée. »
Le président Gérard Cellier n’est pas contre cette idée de partage. Mais il aimerait que son club pratique sur le vélodrome toute l’année, afin de ne pas être amputé de deux mois durant l’été, une période dédiée aux activités de « Divertisport ».
Au XIXème siècle : un vélodrome qui ne doit pas « perturber » le parc
Sujet de disputes actuelles, le vélodrome de Lyon a également suscité la polémique à sa création.
L’histoire commence en 1891. Les archives municipales de Lyon rappellent que les présidents du Cyclophile lyonnais, du Bicy-Club et de l’Union régionale des cyclistes adressent une pétition à la Ville. Ils soumettent l’idée de concevoir un vélodrome sur les pelouses du parc de la Tête d’Or, créé en 1857 par les frères Bühler.
Si l’administration municipale accepte d’étudier cette demande, plusieurs opposants à cette construction montent au créneau. Leurs arguments ? La volonté de préserver ce site singulier et de maintenir le calme dans les environs.
Le dernier mot revient aux adhérents du projet. Germain Bouilhères et Joseph Teysseire, architectes lyonnais, sont en charge de la réalisation. L’impératif est le suivant : le vélodrome ne doit pas se voir de l’extérieur et perturber le panorama du parc.
Le dimanche 27 mai 1894, l’exposition universelle organisée au parc de la Tête d’Or dévoile au grand public le vélodrome. Au programme de cette journée : des courses de cycles et des démonstrations de nouveaux modèles de vélos, comme le détaille Les archives de Lyon.
Édouard Herriot veut en faire un terrain de jeux pour la jeunesse.
Malgré le succès naissant du cyclisme à cette époque, la municipalité ne touche que 500 F par an grâce au vélodrome, peu fréquenté. C’est pourquoi le maire de Lyon Édouard Herriot tente, en 1909, de le changer en « terrain de jeux et de sport pour la jeunesse ». Mais cette métamorphose ne prend pas, et l’exposition internationale urbaine de 1914 vient conforter la présence du site à la Tête d’Or.
D’abord en terre-battue, le revêtement de cette piste de 333,33 mètres change en chape-ciment en 1934. Une surface que Marc Pacheco a foulée, puisque le cycliste « pistard » devenu entraîneur, arrive à Lyon en 1973. Trois ans plus tard, le revêtement est de nouveau corrigé en synthétique rose. Mais celui qui a pédalé sur plus de 300 vélodromes précise que l’enduit n’était pas durable :
« Le revêtement n’a pas tenu 20 ans et partait en frite. (sic) »
Après plus d’un million de tours de piste dans ce qu’il appelle « sa deuxième maison », Marc Pacheco révèle une anecdote familière :
« C’est tendancieux, mais quand le temps est menaçant, on regarde si le trou de la dame est humide. La dame, en réalité, c’est la statue féminine qui est au-dessus de la ligne d’arrivée, et il y a un trou dans les arbres où la pluie et les nuages viennent souvent de là. »
Quatre statues dominent en effet le mur d’enceinte du vélodrome, dont deux ont été réalisées par les sculpteurs Marcel et Léopold Renard.
Celles-ci représentent Chrysomallos, créature fantastique évoquant un bélier, et Phillipidès, célèbre coursier de Marathon.
« Une ambiance folle » pour les championnats du monde
À l’occasion des championnats du monde de cyclisme sur piste 1989 à Lyon, la surface du vélodrome est alors remplacée par de la chape de résine orange. La compétition devait à l’origine se dérouler à Grenoble, mais « leur vélodrome était trop long », explique Marc Pacheco. L’entraîneur se souvient :
« J’étais mécano pour les Canadiens. Un championnat du monde, ça dure huit jours, mais il faut arriver huit jours avant. Alors j’ai abandonné ma femme et mes enfants en vacances, j’ai pris l’avion pour accueillir les Canadiens et préparer le matériel. Il y avait une ambiance folle, et à l’époque, il y avait l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest, mais ça ne se voyait pas du tout. »
Marc Pacheco n’est pas le seul de la région à avoir participé à ces championnats. À l’époque, Daniel Morelon n’est autre que l’entraîneur de l’équipe de France.
Cette année-là, le Français Patrick Da Rocha remporte l’argent au Keirin tandis que Régis Clère rafle le bronze à la poursuite individuelle. Côté femme, Jeannie Longo se distingue avec deux médailles d’or.
Georges Préveral, c’était « Monsieur Lyon »
Le samedi 8 avril 2006, le vélodrome du parc de la Tête d’Or se fait baptiser Georges Préveral. Cet ancien champion de cyclisme était, entre autres, le fondateur du Sprinter Club Croix-Rousse Caluire en 1967. L’association fusionne en 2000 avec le Lyon Pistard Club et donne naissance au Lyon Sprint Evolution (LSE).
En 2016, le Club en école de cyclisme (jusqu’à minime) a été le meilleur club régional. Et les jeunes cyclistes collectionnent les podiums et les titres. Le 29 avril dernier, à Saint Étienne, ces mêmes jeunes ont remporté le TNJP (Trophée national du jeune pistard).
Depuis plus de 20 ans, l’association s’entraîne sur le vélodrome. Au total, le LSE compte 100 licenciés, 14 entraîneurs et une école de cyclisme.
Marc Pacheco garde de ce bâtisseur un souvenir intact :
« C’était Monsieur Lyon, il a fait plus de 500 courses. Moi il m’aimait bien. Un jour il m’a dit : « Écoute Marc, t’es très spectaculaire dans les courses, faut que tu te mettes derrière une moto. » C’est comme ça que j’ai débuté derrière les motos. »
Marc Pacheco qualifie Georges Préveral de « pédagogue, de père » :
« C’était le papy de tout le monde, un homme qui aimait donner. Il connaissait le vélo sur le bout des doigts, et la piste surtout. »
La construction d’un nouveau vélodrome dans la Métropole de Lyon ?
À l’avenir, Marc Pacheco, aimerait voir la construction d’un nouveau vélodrome couvert de 200 mètres dans une friche industrielle.
« Je veux me battre pour rouler sur un vélodrome en bois (sic) dans ma ville », insiste-t-il.
L’entraîneur de demi-fond a même déjà le lieu en tête : la Rotonde, un grand site à Oullins, qui appartient à la SNCF.
De l’avis de Yann Cucherat, cette proposition est loin d’être faisable à court terme :
« Les collectivités locales traversent une période de contraintes budgétaires depuis la baisse des dotations de l’État. La construction d’un vélodrome couvert n’est pas d’actualité, et nous préférons déjà optimiser l’usage et les capacités de celui dont nous bénéficions, à ciel ouvert. Bien que j’entende aisément qu’un équipement en intérieur offrirait encore d’autres garanties. »
Pour les années à venir, la Ville de Lyon assure ne pas vouloir imposer au vélodrome trop de manifestations sportives et privilégier avant tout les utilisateurs habituels du site. L’Open Parc est finalement l’exception qui confirme la règle, puisqu’il sera le seul événement de ce format à être organisé tous les ans.
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