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C’est bien beau d’être artiste #28 : Decibelles ou l’école du micro ardent

Oubliez vos préjugés sur le rock qui serait blindé de testostérone. Les trois lyonnaises de Decibelles font un genre de filles qui jouent avec le mur du son. Pas là pour épargner vos oreilles.

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Entre pop noisy et longs riffs indiscutablement punk, les joueuses de Decibelles ont déjà dû tiquer en lisant ces lignes car elles ne veulent surtout pas « se coller d’étiquette ». Avec un troisième album tout juste sorti, le trio compose son identité, le girl-band indé de 2017.

Sabrina (guitare/chant) et Fanny (batterie) se sont rencontrées à l’école maternelle. À 14 ans, adeptes d’air guitar et d’air batterie, elles finissent par recevoir leurs premiers -vrais- instruments, pour Noël. Merci petit papa.

Decibelles ne voit véritablement le jour qu’en 2007, avec l’arrivée d’Emilie d’Ornano comme bassiste au sein de la formation. Récemment, elle a quitté le groupe pour être remplacée par Julia Kat, rencontrée « grâce à la magie des réseaux sociaux ».

Des influences ? À leurs débuts, elles évoquent des groupes comme Le Tigre ou encore les Yeah Yeah Yeahs. Aujourd’hui, on pourrait retrouver dans leur playlist des sons de Meat Wave, Radioactivity, Sonic Avenues ou encore Audacity.

« La scène, c’est un défouloir »

Le groupe vient de fêter ses 10 ans, la musique de Decibelles a indiscutablement mûri. Le 31 mars dernier sortait Tight, un troisième album concocté avec amour dans un studio grenoblois. Après l’EP Sleep Sleep en 2015, le trio prend un virage plus pop, avec une multitude de longues plages rêveuses et atmosphériques.

Ce sont Sabrina et Fanny qui composent les textes, en français ou en anglais :

« Les paroles en français, c’est Fanny qui les écrit. Cela demande plus de travail, il faut vraiment choisir les mots. En anglais, tu peux dire de la merde, ça passe. On aimerait faire plus de français, mais quand tu fais du rock et pas de la chanson française, c’est plus galère à chanter. »

« Comme si quelqu’un allait faire de la boxe, c’est pareil »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que sur scène, elles ne se ménagent pas au point que l’on se demande d’où elles sortent cette rage.

« La scène c’est un échappatoire, un défouloir, raconte Sabrina. Comme si quelqu’un allait faire de la boxe, c’est pareil. On se fait plaisir, c’est spontané. On n’aime pas se forcer, ni les groupes qui en rajoutent. »

Si le groupe est exclusivement féminin, Decibelles ne veut pas être assimilé à un groupe de « punkettes » ou encore moins « girly ». Des termes qui les horripilent au plus haut point, elles qui ne veulent pas penser leur musique « en termes de genre » :

« C’est insupportable, ça a tout de suite un côté gentillet, qui nous décrédibilise. Il y a plein d’autres groupes de filles qui comptent sur leur image pour vendre leur musique alors que ce qu’elles font est naze. Et ça, ça nous dessert », explique Fanny.

Passé le temps de la composition et de l’enregistrement, place aux tournées. Elles repartent bientôt sur les routes avec une cinquantaine de dates dans toute l’Europe. Du 12 au 30 avril, ce sera l’Allemagne et l’Autriche puis enchaînement avec l’Espagne, la Belgique et les Pays Bas, tout le mois de mai.

Le retour au bercail est prévu le 13 mai prochain, à l’Epicerie Moderne de Feyzin. Une salle « cosy et intimiste » où Decibelles avait envie de poser ses amplis depuis longtemps.

Au détour d’un café dans leur ville, Lyon, nous avons soumis le prolifique trio à notre questionnaire « Orgueil et préjugés ».

Le trio Décibelles. De gauche à droite : Sabrina, Fanny, Julia. | ©Marion Bornaz

Rue89Lyon : Quel a été votre premier geste artistique ?

Sabrina Duval : Avec Fanny, on a été enfants de chœur à la chorale. On avait six ans, on chantait à l’Eglise avec nos jolies robes. Mais personnellement je n’en ai aucun souvenir !

Fanny Bouland : Ma mère me raconte toujours quand je suis arrivée dans la chorale. Elle me disait : « J’avais peur pour toi, tu devais chanter toute seule devant plein d’enfants ». Je ne m’en rappelle pas non plus, ça ne m’a pas traumatisée.

Julia Kat : On m’a mis au théâtre en premier. Et après au cirque. Le trampoline, le trapèze, tout ça. J’étais un peu potelée quand j’étais petite. J’étais une boule sur une boule.

Quelle pratique artistique trouvez-vous intolérable ?

Sabrina Duval : Les bolas !

Fanny Bouland : Le cirque, quand ça implique des animaux. Tout ce qui touche aux animaux, en fait. Même dans l’art contemporain. On est contre.

Julia Kat : J’ai essayé de dresser mon chien mais ça n’a pas marché. Non sans rire, j’adhère totalement.

Quelle est pour vous la plus grosse arnaque artistique ?

Julia : Le festival Emergenza, grosse arnaque artistique. On est obligés de payer pour jouer ! Il y a 10 ans, on a cassé une batterie avec mon groupe de l’époque, ils nous ont virés.

Fanny : A chaque fois qu’il nous ont démarché on leur a dit non, ça ne nous intéresse pas.

Sabrina : En gros, tout ce qui consiste à payer pour jouer, déjà, c’est de la merde. Les tremplins, aussi.

Julia : Après il y a certains tremplins où tu peux gagner des trucs, un jour j’avais remporté une tournée de 6-7 dates. Mais dès qu’il faut payer, c’est mort. On paye déjà bien assez de choses.

Sabrina : Et aussi les grosses salles qui te donnent 20 euros pour jouer. C’est de l’exploitation. Autant ne rien donner du tout. Surtout quand tu sais que l’artiste avant lequel tu as joué se remplit les poches.

« Après notre premier concert, on a passé près d’une heure à pleurer dans les bras de nos mères »

Votre pire souvenir pendant un concert ?

Sabrina : Le premier concert de Decibelles. On avait 16 ans. C’était à Grenoble, il y avait un peu de monde. Grosse pression. On nous attendait au tournant en mode : « regardez ces merdeuses, elles font la première partie parce qu’elles sont jolies ».

Fanny : On venait de lancer le groupe donc on n’était pas préparées. Emilie s’était trompée de ligne de basse, Sabrina avait cassé une corde sur sa guitare et oublié d’enlever le standby de l’ampli. Tout ça est arrivé sur la première chanson.

Sabrina : Je n’avais pas de guitare de rechange. C’était horrible. Après on a passé près d’une heure à chialer dans les bras de nos mères, en plus on avait un peu bu.

Julia : Il y a quelques années, je jouais avec un groupe dans une soirée étudiante. On était montés sur scène à deux heures du matin, tous les étudiants étaient complètement rincés.

Entre deux chansons, l’un d’eux a commencé à chanter l’hymne de l’université. Les 150 personnes se sont mises à chanter autre chose, devant nous.

Il y a eu encore d’autres trucs pendant ce concert : un mec saoul est monté sur scène, il voulait parler au micro pendant qu’on jouait. Et en même temps, il y avait une fanfare de mecs à poil qui jouait devant la porte. C’était complètement fou.

« On dédie notre titre Le Seum, à Marine Le Pen. Sans hésitation. »

Avec lequel de vos parents pensez-vous avoir un problème ?

Sabrina : Aucun des deux.

Julia : Est-ce que je peux faire de l’humour noir en disant que ma mère est morte ? (rires) Je pense qu’on commencera vraiment à leur reprocher des choses quand on aura 50 ans.

Fanny : Moi ce serait plutôt avec ma mère. Mais bon, on ne va pas raconter nos vies.

A quelle personnalité politique pourriez-vous dédier une de vos créations ?

Fanny : Le Seum, à Marine Le Pen. Sans hésitation.

Le dernier produit culturel consommé/acheté/emprunté ?

Fanny : Je suis en train de rattraper mon retard dans la série Parks and Recreation. Mais en ce moment avec les concerts je n’ai pas trop le temps de lire.

J : Le dernier livre que j’ai lu, c’était Beauté Fatale de Mona Chollet. Ca parle de l’image de la femme dans la publicité, c’était très intéressant.

S : Hier je suis allée emprunter des DVD à la bibliothèque pour préparer mes cours. Ça s’appelle Les Couleurs du prisme, c’est un truc hyper minimaliste.

Avez-vous déjà sacrifié votre art pour de l’argent ?

(En choeur) : On a déjà assez sacrifié d’argent pour notre art !

Sabrina : Jamais, surtout pas dans le cadre de Decibelles. La question ne s’est jamais posée, et on ne nous a jamais demandé ça d’ailleurs.

Un projet à venir, un nouveau chantier, c’est : 1/ pour se refaire une santé financière, 
2/ pour montrer que vous êtes (toujours) en vie, 3/ pour prouver à un plan drague que vous êtes artiste contemporain ?

Sabrina : Aucun des trois. Réponse D, pour se faire plaisir.

Et sinon, vous comptez faire un vrai métier, un jour ?

(En chœur) : Jamais !

Julia : Musicien, c’est un vrai métier.

Sabrina : On travaille à côté de toute façon. Je pense qu’on fera toujours les deux. Mais si un jour ça peut nous payer notre loyer…

Fanny : On ne s’imagine pas sans ça, sans la musique.

The Oh Sees + Décibelles –13 mai 2017 en première partie de The Oh Sees – à l’Epicerie Moderne


#Orgueil et préjugés

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