Si vous avez aimé le film Demain, vous savez que le britannique Rob Hopkins apporte une partie de la réponse.
Le fondateur du réseau des « villes en transition » propose une méthode pour approfondir cette transition écologique, « ici et maintenant ».
L’enseignant en permaculture est l’invité du Musée des Confluences pour une conférence ce dimanche 9 avril à Lyon et s’est prêté aux jeux de l’interview, depuis le train qui le menait en France. (Traduction de l’anglais : Vanessa Oliveira)
Rue89Lyon : Comment approfondir la transition écologique quand il y a déjà beaucoup d’actions (AMAP, magasins de producteurs, monnaie locale…) comme à Lyon ?
Cette ville de 7 700 habitants a vu fleurir les potagers et les arbres fruitiers en ville ; une politique de transport axée sur le vélo ; une monnaie locale ; une société locale d’énergie renouvelable ou encore un quartier de maisons écologiques. Douze ans plus tard, le modèle a fait des petits et le mouvement a grossi. Le réseau des « villes en transition » regroupe aujourd’hui plus de 1 200 groupes dans le monde.
> Voir le site du mouvement
Rob Hopkins : Une ville comme Lyon a déjà beaucoup de bonnes initiatives en cours, qui essaient de mener à une ville résiliente qui produit peu d’émissions de carbone. Il y a des AMAP, une monnaie locale et plein d’autres projets.
Comment la Transition peut aider dans ce contexte ? La Transition fonctionne, dans une ville, à l’échelle du quartier. A Londres, par exemple, il y a environ 50 groupes de Transition dans la ville, qui fonctionnent tous à l’échelle de leur quartier. C’est seulement maintenant, 10 ans après la création du premier groupe, que nous voyons dans le réseau un « Londres en transition » émerger.
Ces groupes à l’échelle locale peuvent générer une demande pour des initiatives déjà en cours, peuvent créer des réseaux où développer leurs idées de manière plus profonde, ainsi que catalyser de nouveaux projets. L’important est qu’il y ait beaucoup d’interactions, que les idées soient partagées, les évènements relayés, qu’il y ait du réseautage.
Ce qu’on essaye de faire sur le long terme par exemple à Londres, c’est de changer la culture de la ville. Comme me l’a dit un « transitionneur » à l’initiative d’un nouveau marché de produits locaux, « nous voulons que nos enfants grandissent en pensant que tout ça est normal ». Que ce soit appelé « Transition » ou non n’a finalement pas d’importance.
En France, de nombreux points de réglementation semblent empêcher des avancées écologiques, particulièrement pour les questions d’énergie et d’agriculture. Comment se positionner ?
Je trouve que nous sommes à une période fascinante de l’histoire. Je rencontre des communautés qui me disent que leurs autorités locales ne sont pas intéressées par ce genre de projets. Ensuite je vais rendre visite à ces autorités locales et je découvre qu’elles ont toutes lu mes livres, qu’elles ont regardé « Demain » et ont adoré. Elles me disent « nous aimons ces projets mais ils n’intéressent personne ici ». J’en ressors en pensant « vous devriez parler entre vous ! ».
De plus en plus, des portes qu’on pensait fermées sont, en réalité, quand on les pousse, ouvertes. Oui il y a peut-être des lois qui rendent certains projets de transition difficiles, mais il y a tout autant de façons créatives de les détourner. Nous avons tendance à être très bons pour trouver des raisons de ne pas agir, mais ce que je vois dans chaque groupe de Transition, ce sont des personnes qui décident d’agir sans la permission, et qui font des choses incroyables.
C’est le moment d’être créatifs. Si les gens montrent qu’ils sont désireux de changer les lois, alors ces lois changeront.
Changer où et comment on dépense notre argent a un pouvoir extraordinaire, bien plus que ce que nous pouvons imaginer.
Vous dites que pour aller plus loin dans la Transition, nous devons faire des affaires et arrêter l’activisme. Pouvez-vous expliquer ?
Dans les exemples de transition écologique, Rob Hopkins insiste régulièrement sur le développement des brasseries locales. Ce n’est pas chez Rue89Lyon que nous allons le contredire. Promouvoir la bière artisanale est l’un des objectifs du Lyon Bière Festival. La deuxième édition aura lieu à la Sucrière (Lyon 2ème) les 15 et 16 avril 2017. Retrouvez toute la programmation sur le site de l’événement ; la billetterie par ici.
Ce n’est pas exactement ce que je dis. Il y a un besoin énorme et grandissant de faire de l’activisme, et de résister. J’ai adoré la banderole que Greenpeace a accrochée derrière la Maison blanche juste après l’élection de Donald Trump avec écrit dessus « Resist ». Même si j’aurais ajouté quelque chose. Si mes talents de couture avaient été suffisants, j’aurais ajouté deux mots sous « Résistez » : « ré-imaginez » et « rebâtissez ».
La résistance est vitale, pour arrêter le recul de la protection du travail, de la politique climatique, du déploiement des énergies renouvelables. Mais en même temps nous avons aussi besoin de bâtir quelque chose d’autre, quelque chose de nouveau, une nouvelle économie.
C’est en partie ce que nous faisons lorsque nous créons de nouvelles façons de vendre la nourriture, de nouvelles boulangeries, de nouvelles solutions de logement, de nouvelles énergies. Nous faisons des pas en avant et faisons en sorte que la transition arrive. Ce n’est pas l’un ou l’autre. Notre activisme a besoin d’être ancré dans la création d’alternatives pratiques. Et nos alternatives pratiques ont besoin de comprendre pourquoi elles sont importantes sur le long terme.
Par exemple, dans ma petite ville, je fais partie de ceux qui ont lancé une fantastique brasserie artisanale, qui emploie déjà trois personnes. Mais nous l’utilisons pour explorer ce à quoi une « vraie bière locale » devrait ressembler afin de rejoindre des entreprises et des producteurs locaux.
Vous soulignez l’importance de développer un « groupe sain » (« healthy group ») dans la démarche de Transition. Pourquoi est-ce si important ?
Ce que je veux dire par « groupe sain », c’est que la plupart des histoires que vous entendez à propos de la Transition et des projets de Transition sont le fruit d’un travail de groupe. Un groupe de gens ordinaires qui s’allient pour faire des choses. Mais comme vous le savez, ce n’est pas toujours simple.
Nous pouvons avoir du mal à rendre nos réunions intéressantes, à prendre des décisions qui contentent tout le monde, à nous assurer que nos réunions ne sont pas dominées par une ou deux personnes trop insistantes ou aux opinions arrêtées (souvent des hommes), et nous devons gérer les conflits qui surviennent systématiquement.
Dans notre approche, nous soutenons que « comment » un groupe fait les choses est aussi important que ce qu’il « fait ». Donc nous entraînons les groupes de Transition à obtenir ces compétences, parce que c’est notre expérience qui fait toute la différence quant au succès de leur capacité à faire la Transition.
Dans notre vie quotidienne, nous voyons des gens qui deviennent moins empathiques, moins capable d’écouter les autres, plus à l’aise dans leur propre repli. Et donc nous avons besoin de compenser cela quand des personnes se réunissent pour faire la Transition, nous devons explicitement souligner l’importance de réellement écouter l’autre, de laisser de la place pour la conversation, et d’apprendre encore une fois qu’il est très important de se connecter et de travailler ensemble.
Jetez un œil à notre Guide essentiel de la Transition pour plus de détails là-dessus.
Comment pouvez-vous être optimiste dans la lutte contre le changement climatique alors que Donald Trump a annoncé qu’il voulait enterrer l’accord de Paris sur le climat ?
Que le président de la nation la plus puissante du monde fasse marche arrière sur la politique climatique, et qu’il essaie de se défaire de l’accord de Paris, c’est clairement désastreux.
Mais à bien des égards, les choses bougent plus vite qu’il ne peut l’anticiper. Le prix du charbon est ridicule, les énergies renouvelables sont désormais beaucoup moins chères. L’impulsion vers une économie à faible bilan carbone ne vient pas du gouvernement, mais bien des Etats et des villes, dont la plupart redoublent d’efforts.
Jerry Brown, le gouverneur de Californie, a récemment déclaré :
« Nous sommes prêts à nous battre. Nous sommes prêts à nous défendre ».
La Chine est en train de faire d’impressionnantes avancées, dans son ambition de devenir « la première civilisation écologique du monde ». En 2016, le pays a doublé sa capacité à produire de l’énergie solaire, et sa consommation de charbon a atteint son maximum. L’Arabie Saoudite semble déterminée à devenir ce que l’on appelle une « puissance solaire ».
Trump peut vouloir faire marche arrière dans la lutte contre le changement climatique, mais quoi qu’il en soit, le mouvement continue à avancer, et il est, espérons-le, impossible à arrêter. Dans bien des cas, c’est la seule approche qui semble sensée, économiquement parlant.
Actuellement, l’énergie renouvelable est la forme d’énergie la moins onéreuse. Mais tout en s’inquiétant que Donald Trump puisse empêcher l’application de l’accord de Paris, on devrait aussi se rappeler que cet accord aura du mal à être mis en place sans l’aide des communautés, sans l’aide des citoyens dans leurs écoles, leurs bureaux, leurs rues, leurs appartements.
Si on s’inquiète à propos de Donald Trump, on renonce à ce pouvoir, au moment même où nous devons mettre les bouchées doubles.
> Pour assister à la conférence de Rob Hopkins, le 9 avril à 16h, toutes les infos sont ici.
> Vous pouvez aussi la suivre en direct sur la page Facebook du musée.
> La Conférence sera suivie d’une discussion animée par Lionel Astruc, journaliste, auteur d’un livre d’entretien avec Rob Hopkins « Le pouvoir d’agir ensemble, ici et maintenant » (éd. Actes Sud).

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