Le film sort ce mercredi 22 février. Il est inspiré du roman de Jérôme Leroy, « Le Bloc », un polar qui avait déjà fait parler de lui en ce qu’il raconte l’extrême droite du point de vue des militants eux-mêmes.
« Chez nous » reprend ce principe en cherchant à susciter l’empathie du spectateur à l’égard d’une jeune infirmière, candidate aux municipales du « Bloc patriotique » (un parti qui présente tous les atours et détours du FN) joué par Emilie Dequenne, et à l’égard d’un néonazi qui apprécie les ratonnades, incarné par Guillaume Gouix.
De cette manière, « Chez nous » est un des rares films qui abordent de façon aussi frontale la question du FN et de son assise dans les territoires.
Les dirigeants du parti d’extrême droite ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Quatre heures à peine après la mise en ligne de la bande annonce, tir de barrage.
Steve Briois puis Florian Philippot et enfin le député Gilbert Collard ont dégainé. On retiendra que le député du Gard a parlé d »émules de Goebbels » pour qualifier le film et le réalisateur.
Ainsi, dès le mois de décembre, le FN était en ébullition à l’idée de voir sortir ce film en pleine période de campagne électorale.
Lucas Belvaux analyse la situation :
« Ils ont donné les éléments de langage. Le film est « un navet » (alors qu’ils ne l’ont pas même pas vu), il est fait par « un Belge avec vos impôts », en « pleine période électorale », etc. ».
Pour autant, le réalisateur belge ne se cache pas :
« Il faut traiter ce sujet du FN frontalement. Il faut dire les choses ».
Mais il se défend de vouloir « créer la polémique ». Présenté comme « un film engagé mais pas militant », « Chez nous » sort en effet à quelques mois de la présidentielle et des législatives dans le but de susciter le débat.
« J’ai fait un état des lieux, une synthèse. Je veux rappeler des éléments aux gens ».
« Chez nous », un film-synthèse sur le FN
Lucas Belvaux insiste lourdement sur cet aspect. Le film est une synthèse :
« Dans mon film, il n’y a que des choses que l’on trouve en libre accès sur Internet. Il n’y a pas d’enquête souterraine. Tout ce que je raconte est vrai. La fiction concerne uniquement les personnages. Les situations sont vraies ».
Le réalisateur dit s’être notamment inspiré du documentaire de Paul Moreira d’avril 2015 « Danse avec le FN ». Mais aussi de reportages et d’articles glanés depuis plusieurs années.
Il cite un reportage télé où Florian Philippot s’adresse à des militants :
« Quand vous entendez des propos racistes, répondez « on n’est pas là pour faire la morale ». »
Cette séquence est intégralement reprise dans le film, lorsque le personnage de Pauline assiste à sa première formation au sein du « Bloc patriotique ».
Idem, le lycéen qui tient un blog d’extrême droite n’a pas été inventé. Lucas Belvaux s’est inspiré d’un fait divers :
« C’est un gamin d’Annecy de 15 ans qui tenait un blog qui appelait aux meurtres et à la guerre. Il était issu de la classe moyenne, pas particulièrement politisé et sans problème au lycée. Personne ne l’avait vu venir. Il était dans un processus de radicalisation sur Internet. Pas djihadiste mais identitaire ».
Autre exemple, pour montrer un « FN qui suscite la violence », il intègre une scène d’agression :
« La fille qui se fait agresser par des adolescents en voulant arracher les affiches du FN, c’est une anecdote qui m’a été racontée par une des comédiennes ».
Et d’ajouter :
« Je ne connais pas un parti qui provoque ça : une personne agressée par des enfants alors qu’elle arrache des affiches du PS ou des Républicains. C’est inconcevable. Tout d’un coup, avec le FN, ça existe. Je suis resté très soft dans le film. La comédienne qui m’a raconté ça aurait très bien pu se faire lyncher si elle n’avait pas été avec son chien ».
Un film pour « ne pas s’adresser qu’aux convaincus »
Lucas Belvaux fait un rêve : que son film soit vu par des électeurs de Marine Le Pen et qu’ils changent d’avis.
« Hormis les 10% ou 15% de réellement idéologiquement perdus, je pense qu’on peut discuter avec des électeurs du FN et les convaincre ».
Cela passe pour lui par le visionnage de son film, au cinéma. Sans l’accompagnement d’un discours militant :
« Travailler avec des associations comme la Ligue des Droits de l’Homme, c’est discuter avec des convaincus. Je ne suis pas sûr que ce soit d’une grande efficacité. Je préfère que ce soit les électeurs du FN qui voient le film. Je ne sais pas si ce sera le cas. Mais, au moins, j’aurai essayé ».
Il mise sur son film, plus que des livres ou des articles articles de presse pourtant pléthoriques sur le sujet :
« Les gens ne croient plus à la presse. C’est pourquoi je crois que la fiction est le bon moyen pour dire les choses. La fiction permet de synthétiser et au spectateur de s’identifier. Il faut montrer et remontrer quel est ce parti. Il ne propose rien et il est contre tout. Contre l’Europe, contre la culture ou contre les immigrés. C’est un discours d’une extrême violence. Ils cultivent les colères et les moissonnent. Plus ça va mal et plus ils sont contents ».
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