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De l’Eurovision à Delphine Software : on a interviewé Jean Baudlot

Raconter l’histoire du précurseur Jean Baudlot revient à faire la genèse de Delphine Software, un éditeur cultissime et l’une des histoires les plus folles de l’aventure du jeu vidéo français.

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De l’Eurovision à Delphine Software : on a interviewé Jean Baudlot

De l’Eurovision 1979 à l’Amiga 2000, des « Voyageurs du Temps » à « Croisière pour un Cadavre », Jean Baudlot, chanteur devenu compositeur de musiques de jeux, a bien voulu échanger quelques mots.

Les personnalités les plus passionnantes du monde du jeu vidéo sont également souvent les plus discrètes. Et si nous devons tant au musicien Jean Baudlot, et si lui-même doit beaucoup au jeu vidéo, sa retraite l’a depuis éloigné de ce microcosme et de nos mémoires de joueurs.

Il faut donc pas mal de recherches, l’aide salvatrice d’Eric Cubizolle (qui l’a interviewé pour Pix’N Love et nous a gracieusement autorisé à reproduire certains échanges) pour en savoir plus sur celui qui a non seulement contribué à l’identité sonore de Delphine Software, mais qui a aussi été l’étincelle créatrice du studio derrière Les Voyageurs du Temps, Opération Stealth ou Croisière pour un Cadavre

« Tu as ma permission de sortir un CD avec ma belle tête de vainqueur »

Rom Game : Aujourd’hui, quels contacts avez-vous avec l’univers du jeu vidéo, l’ancienne équipe de Delphine, Paul Cuisset… ?
Jean Baudlot : Je n’ai gardé aucun contact avec l’équipe Cuisset ni avec le jeu vidéo.

Vous arrive-t-il de rejouer des thèmes du jeu Les Voyageurs du Temps ou de les avoir en tête ?
Une seule mélodie me revient parfois à l’esprit, c’est le thème principal des Voyageurs du Temps. Il avait été créé pour rester dans la tête des gamers et je pense qu’il a atteint son but, l’ordure !

Vous disiez à Eric Cubizolle ne jamais avoir joué à un jeu vidéo, avez vous rattrapé ce retard ?
Non, je n’ai toujours pas joué à un jeu vidéo. C’était surtout le « challenge » qui me passionnait.

Après tout ce temps, que pourriez vous dire à ceux qui restent fans de votre travail pour le jeu vidéo ?
Qu’ils ont bon goût !

Comment va votre Amiga 2000 ?
Je l’ai revendu il y a fort longtemps pour nourrir ma famille. C’est fou ce que ça bouffe les gosses !

Concernant la publication d’un CD de votre musique jeu vidéo, cela a-t-il été fait par le passé ? Cela serait -il d’actualité ?
Oui, il y a déjà eu un CD de la musique des « Voyageurs du Temps ». Réorchestrée par un autre que moi. J’ai oublié son nom depuis. C’était sorti chez Delphine. Également, j’ai réorchestré le thème des Voyageurs pour un Allemand charmant dont j’ai également oublié le patronyme.

Ça date de quelques années seulement. Si tu veux faire plaisir à mes millions (milliards ?) de fans dans le monde entier et peut-être même au-delà, tu as ma permission de sortir un CD avec ma belle tête de vainqueur.

L’Amiga 2000, haute couture

Pendant toutes ses années de composition au sein de Delphine Software, l’Amiga 2000 fut l’outil de prédilection de Jean Baudlot. L’ordinateur du compositeur ne pouvait être d’ailleurs que celui-ci : se distinguant de l’Atari ST, son architecture était en effet dédiée non seulement au graphisme et à l’animation, mais également aux sons et à la composition.

« Pour composer mes morceaux, je travaillais sur un Amiga 2000 que j’affectionnais tout particulièrement (…) je travaillais avec deux soft géniaux : Audiomaster et Sound FX U.1.3. »

Destiné aux professionnels, l’Amiga 2000 se présentait sous la forme d’un boitier de type PC qui protégeait un véritable trésor : l’électronique d’un Amiga 500 étendue à 1 Mo de mémoire dont les bus d’extension offraient la possibilité d’ajouter des cartes 16 bits, tandis que deux connecteurs permettaient d’améliorer le microprocesseur Motorola 68000 et le circuit vidéo.

L’Amiga 2000 et ses innombrables possibilités d’extension était donc une machine formidable pour ses applications professionnelles. On retrouvait à l’époque son système d’exploitation multitâche dans de nombreux studios vidéo dans lesquels, associé à un genlock, il réalisait des incrustations et de la synchronisation vidéo.

Denise, Agnus et surtout… Paula

Derrière ces prénoms de sales gosses se cachent les processeurs spécialisés de la machine. Et si Denise et Agnus se chargent des graphismes et du son, occupons-nous de Paula qui pilote l’audio

Côté son, l’Amiga 500 émet 4 voix 8 bits sur 8 octaves en mode PCM, d’une très grande qualité pour l’époque. C’est grâce à Paula qu’apparaissent sur cette machine les tout premiers soundtrackers, utilisant des échantillons de véritables instruments pour les mixer entre eux: le résultat étant les fameux fichiers MOD (modules).

Retrouvez l’intégralité de l’article sur Rom Game
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sources

  • crédit image : merci à toi FrAn !
  • Eric Cubizolle (Pix N’Love / AmigaMuseum)
  • MO5.com (Amiga 2000)
  • Abandonware France (Biiper)
  • David Taddei (101 Jeux Amiga)

 

Le cinquième élément, ou la bio de Jean Baudlot

Qu’y a t-il de commun entre Paul de Senneville, Paul Cuisset, Marc Djan et Michael Sportouch si ce n’est un cinquième larron, Jean Baudlot ?

– L’entremetteur essentiel

Si l’on se penche sur l’histoire du jeu vidéo français, on commence bien sûr par Loriciel, Infogrames et Cobrasoft, les pionniers historiques. Et puis, quand on s’intéresse à la première moitié des années 80, on tombe forcément sur Delphine Software, un logo culte pour les retro-gamers que nous sommes.

Les jeux de ce studio mythique ont une identité graphique et technique telles, que les créations de Delphine Software resteront à jamais une parenthèse enchantée unique et reconnaissable entre toutes.

Justement, sachez que l’existence de Delphine Software obéit à une équation simple : sans Jean Baudlot, point de studio.

La société Delphine Production fondée en 1976 par Olivier Toussaint et Paul de Senneville s’est diversifiée en une dizaine de filiales dans trois domaines principaux : La Musique, la Mode et l’Informatique. Justement, pour ce dernier, l’apport de Jean est primordial.

– Un chanteur au service de sa majesté

Au lieu d’entamer une épopée de sosie officiel de Charles Bronson, la carrière musicale de Jean Baudlot commence dans les années 70 avec différents titres composés pour Michèle Torr (J’aime) et Joe Dassin (À Toi). Cette maîtrise lui vaut ainsi de représenter la Principauté de Monaco au concours de l’Eurovision 1979 sous le pseudonyme de Laurent Vaguener avec Notre Vie c’est la Musique dont le vinyl sortira sortira sous le label… Delphine Production.

Pour l’anecdote, Laurent Vaguener finira 16ème. Dans son histoire, Monaco a participé durant vingt-et-un ans, de 1959 à 1979, ne manquant aucune édition ; puis à nouveau durant trois ans, de 2004 à 2006. Beaucoup moins chanceuse qu’à une partie de casino en ligne, la principauté fut contrainte en 1980 de se retirer pour des raisons financières et ne revint qu’en 2004… un comble !

En 1987, alors qu’il est directeur artistique de Delphine Records, ce passionné d’informatique pousse véritablement au train Paul de Senneville et Olivier Toussaint pour équiper les salariés de l’entreprise d’Atari 520 ST dont il devient le professeur particulier.

Tout au long de cette année, il leur apprendra ainsi à prendre en main ce nouvel outil destiné à les assister efficacement au quotidien.

– Ses premières armes avec Ocean

Parallèlement, c’est avec Ocean et Imagine Software que Jean Baudlot compose ses premières musiques de jeux vidéo (Operation Wolf et Bad Dudes en 1988, Beach Volley en 1989), ce qui lui permet ainsi de toucher du doigt l’immense potentiel de l’industrie vidéoludique et de parfaire son art : ses premiers pas dans le domaine du jeu vidéo furent notamment récompensés par un Tilt d’Or avec Operation Wolf.

Après une discussion avec ses patrons, il organise une rencontre entre Paul de Senneville,  Marc Djan et Michael Sportouch qui accouche de l’idée d’un département jeux vidéo au sein de Delphine Production. Très vite, le nom de Paul Cuisset est mis sur la table par Marc Djan, alors rédacteur de Génération 4.

Delphine Software commencera alors son activité en 1988 avec Paul de Senneville (Président) et Paul Cuisset (Vice Président) aux manettes. On retrouvera bien sûr dans ce studio notre musicien dont on peut dire qu’il en est l’étincelle créatrice, en même temps que le visionnaire.

Les Voyageurs du Temps

Si l’on excepte un retour inattendu pour la bande originale de GT Racing 97 qu’il compose avec Cyril Trevoan et Orou Mama, Jean Baudlot n’œuvrera finalement dans le jeu vidéo que 4 ans. Une carrière éclair qui lui suffira pourtant à donner une véritable identité sonore aux jeux du studio Delphine Software :

  • Bad Dudes (1988 – Imagine Software)
  • Operation Wolf (1988 – Ocean Software)
  • Beach Volley (1989 – Ocean Software)
  • Castle Warrior (1989 – Delphine Software)
  • Les Voyageurs du Temps: La Menace (1989 – Delphine Software)
  • Bio Challenge (1989 – Delphine Software)
  • Operation Stealth (1990 – Delphine Software)
  • Ivanhoe (1990 – Ocean Software)
  • Croisière pour un cadavre (1991 – Delphine Software)
  • Snow Bros.: Nick and Tom (1991 – Ocean Software) Inédit
  • Flashback (1992 – Delphine Software)
  • GT Racing 97 (1997 – Blue Sphere Games)

Pour Jean Baudlot les récompenses pleuvront littéralement pendant les années Delphine et c’est au sein de ce studio qu’il composera certaines des plus belles musiques du jeux video. Reconnu par toute une profession, son talent sera d’ailleurs récompensé par des Tilt d’or ainsi que des Gen4 d’or unanimes.

La musique des Voyageurs du Temps (Time Travellers / Future Wars en anglais) aura tout particulièrement marqué les esprits. J’en veux pour preuve cet arrangement de l’intro du jeu par Bruno Ribera (jazzman français et arrangeur de Richard Clayderman dont Jean Baudlot fut le producteur) et des reprises faites par les nombreux fans qui attestent de la popularité de ces airs encore aujourd’hui.

Bien que de son propre aveux n’ayant « jamais joué à un jeu quel qu’il soit », sa force et son efficacité résident dans le respect du tempo du soft à la manière de ce qui se ferait pour le cinéma, une chose à laquelle Paul Cuisset tenait tout particulièrement pour la dimension cinématique qu’il souhaitait donner à ses jeux. Fort logiquement d’ailleurs, la carrière de Jean Baudlot s’orientera par la suite vers la production de musique pour des documentaires…

Aujourd’hui on se prend à rêver, soit d’un retour de l’artiste à la baguette pour une production vidéo-ludique, soit à une ré-orchestration de ses thèmes les plus mythiques. Et Jean Baudlot ne fermait justement pas la porte à cette possibilité, comme l’atteste une confidence faite à Eric Cubizolle il y a quelques années :

« Maintenant que j’ai plus de temps, j’aimerai composer de nouveau pour les jeux, mais dans un registre particulier : la création de thèmes symphoniques, la technique actuelle et les banques de sons permettant un rendu satisfaisant. »

Flashback, cité jadis dans Le Guiness Book comme le jeu vidéo français le plus vendu dans le monde.


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