Se donnant du « tu » à gogo, se claquant des bises et des tapes dans le dos, ils ont annoncé le lancement d’une école de code sur le modèle de l’école 42 fondée à Paris par le patron de Free.
« Après toi » ; « Non vas-y je t’en prie » ; « Président, c’est comme ça qu’on t’appelle, non ? ». Xavier et Laurent, Laurent et Xavier, ils étaient tous deux en mode cœurs avec les doigts ce lundi lors du raout numérique organisé par la Région.
Ils ont baladé leurs grandes silhouettes et leurs smiles parmi les stands d’entreprises de l’écosystème numérique régional.
La venue du patron de Free avait fait jusqu’ici l’objet d’une communication minimale. Il a pourtant été l’attraction de cette journée -à l’origine les « Assises du Numérique-, en direction des professionnels du secteur venus d’ailleurs en nombre.
L’hémicycle de l’hôtel de région affichait d’ailleurs complet au moment du passage des deux nouveaux meilleurs amis.
Ne parlez pas d’école 42 de Lyon mais d’école « sœur »
Revoilà le Campus Numérique !
Il devrait s’articuler autour de quatre axes.
- une école de code (voir par ailleurs) qui accueillera entre 200 et 300 étudiants à la rentrée 2017
- cinq autres organismes ou écoles labellisées après l’appel à mobilisation d’intérêts
- un accompagnement de starts-up
- un accompagnement des entreprises dans leur transition numérique
L’objectif de la Région est ainsi de proposer des formations initiales et continue. Le site temporaire prendra place sur 3400 m2 dans l’immeuble King Charles, actuellement Le Charlemagne et en rénovation, situé angle rue Montrochet et cours Charlemagne à Confluence.
Cinq millions d’euros environ seront nécessaires selon la Région pour ces premiers investissements (essentiellement du matériel pour 1,5 millions d’euros) et coûts de fonctionnement de l’école (2 millions d’euros par an).
L’installation à Charbonnières-les-Bains est toujours prévue, à l’horizon 2020. Les études doivent être lancées au printemps, l’appel d’offres à l’automne et les travaux débuteraient au printemps 2018.
Le « Digital Summit », comme il s’est appelé en cours de route, avait pour objectif d’exposer la feuille de route de la région en matière de numérique.
Xavier Niel, entrepreneur dans les télécoms et serial investisseur, fait figure de label et de caution validant ainsi les orientations de Laurent Wauquiez. Il n’est pas simplement venu servir de gage mais annoncer avec le président de région la création d’une formation dans le cadre du Campus Numérique sur le modèle de son école 42 lancée à Paris en 2013.
Cette école de codeurs sera une « petite sœur » de l’aînée parisienne. Mais pas question de parler d’école 42 de Lyon. Elle sera là pour « accompagner l’équipe de départ à Lyon » et mettra à disposition « des logiciels et outils pédagogiques », selon Laurent Wauquiez soucieux de montrer qu’il ne s’agira pas d’une antenne ouverte par Xavier Niel.
Ce dernier n’avait d’ailleurs pas assez de précautions de langage pour dire qu’il apportait l’esprit et le coup de main pour le démarrage. Et seulement ça.
« Je parle de l’école 42 mais, encore une fois, c’est l’école de la Région. »
De son côté, Laurent Wauquiez a insisté sur son joli coup.
« Elle a été classée meilleure école de code au monde. C’est la première fois que l’école 42 va aider l’installation d’une école en France. Si vous êtes formé là, vous êtes sûr d’être embauché à la sortie. »
Pour Xavier Niel, Auvergne-Rhône-Alpes est « la région alternative » à Paris. C’est donc avec un « regard plein d’amour » qu’il vient ici, terreau fertile pour créer les « futurs fleurons du 21e siècle ». Chabada-bada. Au micro, cet important business angel a d’ailleurs avoué avoir trouvé des petits à lui en se baladant dans les allées.
« J’ai rencontré trois start-ups ce matin dont j’ai découvert que j’étais actionnaire », s’est-il amusé.
Un concept clé en mains pour un homme pressé
Le concept pédagogique de l’école informatique de Xavier Niel colle parfaitement au discours de Laurent Wauquiez. Ouverte à des jeunes qui n’ont pas forcément le bac, elle propose des formations ramassées dans le temps, taillées sur mesure pour les élèves et basées sur des projets collaboratifs.
Loin des carcans de la méchante éducation nationale, « sans profs partout » et des jeunes qui restent moins longtemps en étude, Laurent Wauquiez n’a pas oublié d’insister sur les « coûts plus bas » d’une telle structure.
Derrière le joli coup médiatique, sa structure plus légère et moins coûteuse lui offre une école « clé en mains » pour laquelle il n’avait finalement qu’à trouver au plus vite un local et des ordinateurs. Il a ainsi insisté sur le coût réduit que représentait cette école au sein du futur Campus numérique.
« L’an dernier on s’était fixé un an comme délai. On atteint l’objectif. C’est un délai record pour monter une école. »
Selon les promesses du candidat Wauquiez le projet de campus aurait déjà dû voir le jour en 2016. Depuis son arrivée à la tête de la région, cette promesse phare de campagne avait disparu de la circulation.
La communication sur le sujet, au mieux nébuleuse au pire verrouillée, donnait des signes de vie aléatoires du projet. Le voilà déboulant de nouveau en trombes. Mettre aussi peu de temps pour monter une école, dont la ligne peut par ailleurs nous réjouir, interroge.
Le bébé est déclaré mais n’a pas de nom
L’annonce donne, comme parfois avec Laurent Wauquiez, l’impression de voir son action s’écrire en même temps qu’elle est annoncée. Des zones d’ombre perdurent encore. Sur le fond :
- sera-t-elle payante ou gratuite comme l’école 42 ?
- quels enseignements et contenus pédagogiques précis ?
- sera-t-elle diplômante ou non ?
- quelle statut prendra-t-elle ?
Ou plus anecdotique : on ignore encore son nom. Pour tout cela, Laurent Wauquiez a donné rendez-vous dans un mois. Mais pour aller vite malgré tout, une rentrée aura bien lieu à l’automne 2017.
Ce campus annoncé un temps hors-les-murs trouvera finalement sa place temporaire dans un bâtiment jouxtant le conseil régional. Avant de rejoindre Charbonnières-les-Bains et les anciens locaux de l’hôtel de région en 2020 (ouf, juste avant la fin du mandat).
Pour Laurent Wauquiez il s’agit d’un « acte de naissance ». Il manque toutefois quelques informations importantes à son état civil. Reste un coup réalisé avec l’onction d’un boss du numérique qui aime aller vite, casser les codes et les prix. Un boss que Laurent Wauquiez a pu libérer à l’heure :
« Comme je te l’avais promis », s’est amusé le président de Région.
On se revoit pour le campus à Charbonnières-les-Bains ou c’était juste du name dropping ?

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