Il s’agit d’un long métrage, documentaire, auquel Thierry Frémaux pense depuis des dizaines d’années.
Le président de l’Institut Lumière à Lyon, mais aussi directeur général et sélectionneur officiel du festival de Cannes, qui règne tout-puissant sur le monde du cinéma, nous explique la démarche menant au montage d’une centaine de vues de 50 secondes prises par les frères Lumière.
Rue89Lyon : Vous portez ce projet de film sur les frères Lumière depuis longtemps. Qu’est-ce qui a enfin déclenché sa réalisation ?
Thierry Frémaux : Projeté dans les salles de café entre 1896 et 1900 et jamais après, les films Lumière n’ont jamais connu les salles de cinéma. Hors les spectateurs de l’époque, qui leur firent triomphe, ils n’ont jamais rencontré le public.
Il fallait leur redonner vie, les voir au présent : c’est ce que ce film ambitionne de faire.
Et c’est une renaissance extraordinaire.
Comment avez-vous construit ce film ?
Avec « des » films Lumière, nous avons fait « un » film Lumière. Chaque vue dure environ 50 secondes, nous en avons donc assemblé une centaine pour parvenir au format d’un long métrage. Ce film plait énormément car c’est une façon nouvelle de rencontrer un cinéma dont on ignore tout et qui est fantastique.
Quel est le projet de diffusion d’un tel objet de cinéma ?
C’est un événement considérable que de voir ces trésors en version restaurée. On ouvre la grotte Chauvet au public, eh bien, redonner vie au cinéma de Lumière est un acte aussi fondamental.
Quel message avez-vous envie de transmettre?
Le monde décrit par les films Lumière questionne celui d’aujourd’hui. A l’époque, on croyait au futur, on pensait aller vers un monde meilleur. Les films Lumière ont retenu cette innocence-là. Une enfant filmée au Vietnam, c’est tous les enfants filmés depuis par le cinéma.
Les films Lumière vous lavent les yeux. D’où viennent les images aujourd’hui ? On ne sait plus. Celles-là, on le sait.
Wim Wenders disait : « Aucune manipulation, aucune contamination ».
Grâce à Lumière, le cinéma a dit d’emblée les hommes et les femmes que nous sommes. Ça continue aujourd’hui. Et pareil pour les salles : grâce à Lumière, le cinéma est un art collectif, qui met les gens ensemble. Ça aussi, ça continue et il faut en dire l’importance, à l’heure de la solitude numérique.
S’agit-il d’une oeuvre patrimoniale ?
Non. « Lumière! » est un film de 2017. Ce qui est formidable, c’est qu’il donne le sentiment d’avoir été réalisé hier matin. D’ailleurs, il sort comme un film commercial, dans de nombreuses salles en France. Ça aussi, c’est un événement important.
Est-ce que Molière ou Mozart ont vieilli ? Non. Lumière, pardon pour la comparaison, c’est la même chose. Il a laissé une trace moderne, universelle et définitive.
Martin Scorsese a adoré, comme John Lasseter, le réalisateur de Toy Story. Ils y ont vu chez Louis Lumière et ses opérateurs la même démarche que la leur : raconter une histoire. Avec émotion et humour. On s’amuse énormément avec ces films.

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