La question n’est pas nouvelle mais revêt une acuité particulière avec le duel inattendu François Fillon/Alain Juppé.
Pour lancer le débat sur Rue89Lyon, nous publions le témoignage d’une trentenaire, profession libérale, qui se présente comme une « citoyenne de gauche d’ici et d’ailleurs ».
Pour poser un peu le contexte, je précise que, lyonnaise d’adoption depuis 15 ans, je suis originaire du sud et que, dès mes plus jeunes années d’électrice, j’ai été contrainte de voter pour le candidat de droite à des élections régionales pour faire barrage au Front national.
Je suis donc malheureusement habituée à voter, non pas pour le candidat qui porte un projet correspondant à mes convictions politiques (de gauche), mais pour le candidat républicain face au candidat de l’extrême droite.
C’est une ligne que je me suis toujours fixée même si, évidemment, ce n’est pas de gaieté de cœur que je suis allée voter Chirac en 2002.
« François Fillon est le candidat de l’homophobie »
J’ai donc regardé de loin ce qui se passait du côté du parti Les Républicains en me disant que je serai sûrement amenée à voter pour leur candidat au second tour des présidentielles si le schéma de 2002 se reproduisait.
Mais dimanche soir, les résultats du premier tour de la primaire de la droite sont venus bousculer tout ça et, très rapidement, j’ai pris une décision difficile : j’irai voter Juppé au second tour de la primaire dimanche prochain.
Alors comment j’en suis arrivée de « je vote contre le Front national au second tour des élections présidentielles » à « je participe à la primaire de la droite » ?
C’est simple, je me suis un peu projetée dans le futur et plus précisément dans quelques mois, au second tour des présidentielles justement. Je me suis imaginée un duel Fillon/Le Pen… Et là, j’ai réalisé que je devrais donner ma voix à un candidat de droite, comme je l’ai déjà fait, mais pas à n’importe quel candidat de droite.
A un candidat de droite qui est d’abord pour moi le candidat de la « Manif pour tous » donc, parlons clairement, le candidat de l’homophobie – homophobie qui se déchaîne récemment de façon officielle et assumée avec les demandes, par des maires Les Républicains, de retrait d’affiches de campagne de sensibilisation contre le Sida mettant en scène des couples homosexuels.
A un candidat de droite qui a déclaré tout récemment que, même s’il ne reviendrait pas sur la législation, il n’approuvait pas personnellement l’avortement. Jolie façon de ménager tout le monde mais surtout propos d’autant plus dangereux et préoccupants que, sans modifier la législation, il existe de multiples façons de faire en sorte que le droit à l’avortement ne puisse pas être exercé par les femmes.
A un candidat de droite qui a déclaré cet été, pour parler de la colonisation :
« La France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Nord ».
« Si je m’abstiens et que le Front national passe »
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire en lisant son programme (sans parler de son programme économique et social puisque ce n’est pas cela qui le distingue fondamentalement à mes yeux d’Alain Juppé).
Donc oui, je vais voter Juppé sans hésiter dimanche pour éviter autant que possible un dilemme cornélien en mai prochain parce que faire au barrage au FN : oui, mais donner ma voix à un candidat qui assume ouvertement des valeurs aussi opposées aux miennes : je ne sais pas si j’en serai capable. Et, en même temps, je ne sais pas si je pourrai me regarder en face si je m’abstiens et que le Front national passe.
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