Si la situation s’est indéniablement améliorée depuis les années 1990, le recyclage est encore loin d’être optimal et les progrès sont lents.
90,5% des déchets valorisés, c’est-à-dire réutilisés d’une façon ou d’une autre. C’est ce que proclame fièrement Grenoble-Alpes Métropole (la Métro), dans son rapport annuel de 2015 sur les déchets urbains.
une enquête en trois volets, à venir :
2/3 Quelles doses de recyclage, d’incinération et de compost ?
3/3 La mairie écolo de Grenoble joue-t-elle la bonne élève ?
Or, dans ces 90,5%, la Métropole compte également l’incinération (sobrement intitulée « valorisation énergétique » dans ledit rapport), qui représente tout de même 41,8% du traitement (la moyenne nationale est de 35%).
Le recyclage de la matière lui-même ne représente, selon les chiffres de la Métro, que 23% du total. C’est dans la moyenne nationale, mais c’est peu, si l’on compare par exemple à l’Allemagne, qui recycle 47% de ses ordures, ou San Francisco, 60%.
La Métropole est la collectivité territoriale qui possède la compétence de gestion des déchets. Actuellement dirigée par une majorité de gauche (PS, EELV, et plusieurs petits partis tels que l’ADES), elle regroupe 49 communes, dont la ville-centre, Grenoble. Chaque année, elle en gère plus de 200 000 tonnes, soit environ 550 kg par habitant sur un an (535 kg en 2015).
Mais la confusion est souvent au rendez-vous dans les poubelles : dans celles de recyclage — les vertes —, 35% des déchets ne sont, en réalité, pas recyclables, et finissent donc à l’incinération ou en stockage.
Selon les résultats de deux campagnes de caractérisation des déchets effectuées par la Métropole au printemps 2015, 42,28 kg de déchets recyclables sont jetés en moyenne chaque année par chaque habitant dans la poubelle normale – un tiers de celle-ci, tandis que « seulement » 30,76 kg partent dans la poubelle de recyclage.
Monsieur « Super-Tri » et autres campagnes de com’…
Le faible taux de recyclage serait donc dû aux usagers ? En partie. À la Métropole grenobloise, on reconnaît l’existence du problème, mais on peine à en identifier les causes, et donc à apporter des solutions durables.
Il faut dire que dans les années 1990, la gestion du recyclage a été l’objet d’un scandale, et la collectivité a mis des années à s’assainir.
Aujourd’hui, elle essaie de sensibiliser les citoyens. Elle a lancé plusieurs campagnes de communication (la dernière date de fin 2010 et mettait en scène un super héros, « Super Tri », censé inciter la population à adopter les bonnes pratiques). Non seulement cela date mais en plus les résultats n’ont pas été spectaculaires.
La part des déchets non valorisés (c’est-à-dire enfouis) est passée de 13% en 2009 à 10% en 2015, et l’incinération de 45% en 2009 à 42% en 2015.
Il y a donc une évolution dans le tri fait par les habitants mais elle est structurellement « insuffisante » pour Madeleine Charrel, présidente de la branche locale d’Objectif zéro déchet (OZD) qui, comme son nom l’indique, œuvre pour une meilleure valorisation des déchets et surtout pour leur réduction.
« Les directives européennes nous obligent à valoriser les matières plutôt que de les incinérer. Mais on est encore loin de ces objectifs. »
Ce que pointent plusieurs personnes interrogées, c’est que les campagnes d’information ne parviennent pas à atteindre les gens.
Vincent Comparat, président de l’Association démocratie écologie et solidarité (Ades, un mouvement politique écologiste local, dont plusieurs membres sont actuellement élus dans la majorité municipale grenobloise), résume :
« Beaucoup d’habitants ne savent pas quoi mettre dans la poubelle verte. Les gens sont partants pour faire attention mais il faut leur expliquer de manière simple comment trier ».
« Difficile de demander à un chômeur de mieux trier ses déchets «
Selon Philippe Glasser, chef du service déchets à la Métro, les quartiers populaires sont parmi les mauvais élèves du recyclage.
« C’est difficile de demander à un chômeur de mieux trier ses déchets ou de moins consommer, il a d’autres préoccupations. »
Pourtant, Raymond Avrillier, militant écologiste et membre de l’Ades, affirme que Corenc et Meylan, communes résidentielles de l’agglomération grenobloise, restent très mauvaises en recyclage.
Dominique Tatur, présidente de l’Union de quartier de La Petite Tronche, confirme. Sur les hauteurs de cette petite ville adjacente de Grenoble, les grandes demeures individuelles sont la norme, et le taux de chômage bien inférieur à celui du reste de l’agglomération.
Pourtant, Dominique Tatur l’affirme :
« Les gens ne trient pas ou mal ».
Georges Oudjaoudi, vice-président de la Métro en charge de la gestion des déchets, lâche que :
« Dans certains quartiers de l’agglomération, le tri est tellement mal fait que les camions qui récoltent les poubelles vertes vont directement à l’incinérateur ».
Pourtant, selon la Métro, des campagnes de communication plus personnalisées ont déjà été organisées et, surtout, d’autres sont en préparation.
« On consomme et on jette trop facilement »
Un tournant majeur a été opéré par la Métro le 1er juin 2016. Depuis cette date, les habitants ne doivent plus se poser de questions concernant les emballages plastiques : tous doivent être jetés dans la poubelle de recyclage, aussi bien la bouteille d’eau déjà recyclable que la barquette de jambon qui ne l’était pas.
Le but : simplifier le tri, pour le rendre plus accessible.
Le plan directeur de 2020 prévoit d’autres initiatives comme réduire l’incinération ou mettre en place une redevance incitative.
« Mais quel est le plan pour réduire les déchets à la source ? » se demande Madeleine Charrel d’OZD.
Elle formule un souhait :
« La Métro doit faire beaucoup plus d’efforts sur les budgets consacrés à la prévention et à la communication auprès des publics plutôt que de mettre tout l’argent dans la collecte et le traitement.
Cela passe par l’appui à des associations qui permettent la réduction à la source. La Métro toute seule ne peut pas tout faire ».
Georges Oudjaoudi a conscience que le bilan n’est pas satisfaisant. Les associations saluent les initiatives de la Métro tout en jouant leur rôle : elles déclarent regretter la lenteur de la mise en place et les efforts insuffisants dans certains domaines comme celui de l’incinération.
Au-delà de cette gestion politique, la question du recyclage entraîne d’autres problématiques : la production de déchets augmente continuellement dans les pays industrialisés. Sans que cela justifie les résultats moyens de Grenoble en termes de recyclage, Philippe Glasser prend du recul :
« Le problème c’est qu’on est dans une société où on nous invite à consommer et à jeter facilement. »
Pour Vincent Fristot, adjoint municipal en charge de l’habitat à Grenoble et conseiller métropolitain :
« C’est tout le système qui est à revoir. Il faut qu’on le reprenne à la base. Il y a un vrai débat citoyen sur comment on envisage le traitement de nos déchets et l’amoindrissement de leur production. »
Le rapport de la Métro sur la caractérisation des déchets indique en effet que 14% de ceux-ci sont évitables. Améliorer le traitement des déchets, c’est aussi réfléchir à une autre façon de consommer.
Aude David et Gaëlle Ydalini
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