Un premier long-métrage d’animation en stop motion vif et lumineux ; un chef-d’œuvre que voilà nommé aux Oscars 2017.
Que vous soyez un enfant de 5 ou de 105 ans, accordez sans tarder un peu plus d’une heure de votre vie à cette grande œuvre ; elle vous ouvrira davantage que des perspectives : des mondes nouveaux. « Ma vie de courgette » est de ces miracles qui redonnent confiance dans le cinéma, qui prouvent sans conteste que tout sujet, y compris le plus sensible, est susceptible d’être présenté à un jeune public, sans qu’il faille abêtir les mots ni affadir le propos.
« Tout est affaire de décor » écrivait Aragon en d’autres circonstances, ce film l’illustre en traitant successivement d’abandon, d’alcoolisme et de mort parentaux, des maltraitances enfantines, d’énurésie, d’éveil à l’amour et à la sexualité… un catalogue de tabous à faire pâlir le moindre professionnel de l’enfance.
Des thématiques lourdes, attaquées de front sans ingénuité falote ni brutalité, amenées par le fil éraillé de l’existence des petits héros du film : Courgette et ses amis vivent dans un foyer, où ils tentent de guérir de leurs traumatismes passés. Où on les entoure de l’amour et l’attention dont ils ont été frustrés. Voilà pour le premier décor.
« Film de l’année » ?
Un film en stop motion est, décidément, une drôle d’espèce cinématographique, ontologiquement contrariante : non seulement il dévore des quantités absurdes de temps pour en restituer une quintessence par la ruse, profitant de notre rémanence rétinienne ; mais en plus, il fait disparaître toutes les traces apparentes de sa chimérique création. Résultat ? Après la phase de tournage, poupées-marionnettes et décors sont rendus à leur état d’objets inanimés… c’est-à-dire inutiles, et promis à la destruction.
Les précieux éléments de Ma vie de courgette auraient connu ce funeste destin si l’un des producteurs Marc Bonny, en voisin lyonnais du Musée Miniature & Cinéma, n’avait décroché son téléphone durant les prises de vues au Pôle Pixel, et suggéré à l’équipe de Dan Ohlmann le projet d’une exposition.
Pourquoi est-on à ce point touché par la vérité de ces marionnettes aux couleurs trop irréelles pour représenter la réalité, à ce point confondu par le réalisme de ce cadre épuré ? Sans doute l’image des pantins nous protège-t-elle de la crudité de l’histoire portée par les voix, criantes de vérité et lestées d’une charge psychologique que chaque âge de spectateurs sera à même de déchiffrer.
Claude Barras encapsule le scénario de Céline Sciamma dans son interprétation visuelle et le prodige alchimique de la transmutation opère. Ce second décor qu’il offre à la narration ne fait pas écran : il était le seul possible et acceptable, comme une évidence.
Il en va de même pour la durée : atypique de brièveté, mais juste.
Barras n’a pas succombé à la tentation d’ajouter une séquence creuse pour atteindre un format plus traditionnel — à l’instar de Philippe Faucon pour Fatima, il raconte dans un temps court et dense ce qu’il a à raconter.
« Ma vie de courgette » mérite largement d’abord de faire recette, et aurait également mérité d’être la première œuvre d’animation à recevoir la récompense suprême de Film de l’année.
Ma vie de courgette de Claude Barras (Sui-Fr, 1h06) avec les voix de Gaspard Schlatter, Sixtine Murat, Paulin Jaccoud, Michel Vuillermoz…
Par Vincent Raymond sur petit-bulletin.fr.

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