Dans les carnets de liaison de vos enfants ou de vos petits cousins, les mots anxiogènes ont fleuri. Dans les réunions de rentrée « parents/profs », la question a systématiquement été abordée. Celle de la sécurité, principe désormais structurant qui préoccupe les équipes enseignantes comme les familles.
Dans une école de la Métropole de Lyon, une enseignante en classe de CP nous raconte :
« On nous demande de faire faire des choses rocambolesques à des enfants de 5 et 6 ans : se mettre à plat ventre sous le bureau et, en plus, très vite. »
Najat Vallaud-Belkacem l’a annoncé dans son propos de fin d’été : la rentrée 2016 se ferait sous le signe de la sécurité, suite à des « menaces ciblées« . Les mots-clefs du discours de la ministre se sont éloignés des traditionnels « réussite scolaire » et « n’oubliez pas vos cartables à l’école » (ou presque), plantant un tout autre décor, celui du risque de « l’intrusion terroriste ».
Sont tombés les uns derrière les autres les termes peu réjouissants mais présentés comme « nécessaires » de « cellule de crise », de « zone de confinement », de « référent sécurité » ou encore de « consignes à suivre en cas d’urgence ».
Ci-dessous, la photo d’un petit mot au ton mi-désolé mi-dramatique (à moins que ce ne soit les sentiments qu’il inspire) prévenant les parents de la tenue ce mercredi 12 octobre du premier exercice « alerte-intrusion » de l’année, dans une école de l’agglo lyonnaise.
En plus des exercices que les enseignants doivent prendre en charge, la sécurité a été renforcée aux entrées de toutes les écoles. Désormais, les parents ne sont plus autorisés à entrer dans la cour, il leur est imposé de venir avec une pièce d’identité, un système de carte a été mis en place auprès des élèves, c’est selon.
Différents systèmes (« D », peut-on dire) sont mis en place, les dispositions étant choisies par chaque municipalité et chaque directeur d’établissement laissés seuls face à ces impératifs.
À Lyon, par exemple, les voitures ne sont plus autorisées à stationner devant les établissements scolaires :
« Les récents attentats et le contexte de menace terroriste imposent la mise en œuvre de mesures spécifiques pour renforcer la sécurité, explique la mairie de Lyon dans un communiqué. Il est désormais interdit de s’arrêter (pour déposer ou récupérer des élèves, pour des livraisons ou tout autre motif ) et de stationner dans un rayon de 10 mètres autour de l’entrée principale de l’établissement. Et cela 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. »
Le propos général est souvent accompagné d’une mention semblable à celle que Gérard Collomb, maire de Lyon, a choisi d’employer :
« [J’]appelle chacun à la vigilance et à l’esprit de responsabilité ».
Faire faire la tortue aux élèves, les confiner en salle de gym…
Cette professeure des écoles explique que la consigne transmise par le ministère ne va pas plus loin dans l’outillage didactique et que, en revanche, il est demandé à l’équipe pédagogique de réitérer l’exercice de la « cachette sous le bureau » au moins trois fois, dans le courant de l’année.
« Les maîtresses de maternelle nous ont donné des petites astuces pour que les enfants réagissent bien : on lève une pancarte sur laquelle est dessinée une tortue et les élèves savent qu’à ce moment, ils doivent aller sous leur bureau. Mais je ne me résous pas à parler d’intrusion dangereuse dans la classe. »
Un exercice de confinement a déjà eu lieu dans cette petite école calme de la banlieue lyonnaise.
« Ça a été atroce : nous étions 120 dans ce qu’on appelle la « salle bleue », une petite salle de gym où il a fait très chaud tout à coup. On est restés là à essayer de maintenir les enfants dans le calme, autant dire que ça ne ressemblait à rien. »
Elle témoigne de discussions agitées avec des parents agacés par ce contexte de sécurisation, pris à parti par d’autres parents plus en phase avec les nouvelles consignes et « un principe de réalité ».
« Toutes nos conversations, entre enseignants, à la pause de midi, ne tournent plus qu’autour de cela : que dire aux enfants. Et, par ricochet, comment communiquer auprès des parents », se désole-t-elle.
Quelles explications donner aux enfants ?
Dans le blog qu’elle alimente chez nos cousins de Rue89Strasbourg, une professeure des écoles s’interroge :
« Il nous faudra bien expliquer aux petits pourquoi l’on se cache. Et je souhaite bonne chance à mes collègues qui vont devoir détailler à un groupe d’écoliers qu’est-ce que le risque « attentat, intrusions »… Il n’est pas envisageable d’organiser ce genre d’exercice sans répondre à leurs questions. »
Et d’ajouter :
« Chaque jour, il y a la livraison des repas destinés à la cantine, ce qui implique l’intrusion d’un camion garé dans la cour, suivie de celle du boulanger. Il faut aussi compter avec les arrivées de colis postaux, les allées et venues de parents, mais également des visites de « tuteurs » enseignants venant évaluer le travail de jeunes collègues en formation… Autrement dit, une école aujourd’hui, c’est un ballet quotidien d’entrées et de sorties qu’il est impossible de contrôler, pour un enseignant en situation de cours. »
Un autre aspect de son propos porte sur le rôle que se donne chaque jour l’enseignant, celui de « rassurer » l’enfant, de façon assez simple mais qui permet de le mettre en condition pour écouter, apprendre. Comment lui assurer ce confort dans le cadre d’exercice de sécurité ?
>> Professeurs des écoles, quelle(s) méthode(s) employez-vous, quels mots trouvez-vous ? <<
>> Parents et famille, quel relais choisissez-vous de faire (ou pas), que pensez-vous de ce nouveau cadre imposé depuis la rentrée 2016 ? <<
Vous pouvez utiliser le formulaire ci-dessous ou encore laisser vos commentaires au bas de cet article, nous recenserons vos témoignages et poursuivrons l’échange avec vous.
Chargement des commentaires…